Syrie: La France a des preuves mais se décidera "en temps voulu"

La France a la preuve que le régime syrien a eu recours à l'arme chimique à Douma, dans la Ghouta orientale, et décidera d'une action militaire, en coordination avec les Etats-Unis, une fois que toutes les informations auront été vérifiées, a déclaré jeudi Emmanuel Macron. /Photo prise le 12 avril 2018/REUTERS/Gonzalo Fuentes

PARIS (Reuters) - La France a la preuve que le régime syrien a eu recours à l'arme chimique à Douma, dans la Ghouta orientale, et décidera d'une éventuelle action militaire, en coordination avec les Etats-Unis, une fois que toutes les informations auront été vérifiées, a déclaré jeudi Emmanuel Macron.

Le chef de l'Etat, lors d'une interview sur TF1 et LCI, s'est placé avec prudence dans une perspective militaire en soulignant que l'"objectif de guerre" de la France en Syrie restait la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) et qu'elle ne laisserait "en aucun une escalade se faire".

Mardi, lors d'une conférence de presse à Paris au côté du prince héritier d'Arabie saoudite, Emmanuel Macron avait affirmé qu'une décision quant à de possibles frappes contre les "capacités chimiques" de la Syrie serait annoncée "dans les prochains jours".

"Nous aurons des décisions à prendre en temps voulu, quand nous le jugerons le plus utile et le plus efficace", a-t-il tempéré jeudi, entretenant l'incertitude sur la nature et le calendrier d'une riposte à l'attaque présumée chimique du 7 avril.

Le président américain Donald Trump, dont les tweets va-t-en-guerre de mercredi pouvaient laisser augurer d'une opération imminente contre la Syrie, a changé de ton jeudi, affirmant "ne jamais avoir dit quand une attaque contre la Syrie pourrait avoir lieu".

Même prudence de la part des Britanniques, dont le ministre du Brexit a déclaré jeudi que le gouvernement n'avait encore pris aucune décision quant à la réponse à apporter à cette infraction présumée au droit international.

Alors que la Russie, alliée de Bachar al Assad, dénonce une manipulation et affirme n'avoir trouvé "aucune trace de d'utilisation d'agents chimiques" à Douma, dernière poche de résistance rebelle de la Ghouta orientale désormais sous le contrôle des forces gouvernementales syriennes, la France affirme le contraire.

"Nous avons la preuve que la semaine dernière, (...) des armes chimiques ont été utilisées, au moins du chlore, et qu'elles ont été utilisées par le régime de Bachar al Assad", a dit Emmanuel Macron sans plus de précisions.

"ESCALADE"

Il a toutefois ajouté qu'une décision serait prise "une fois que nous aurons vérifié toutes les informations" avec l'objectif d'"enlever les moyens d'intervention chimique au régime".

Les équipes américaine et française "travaillent très étroitement" en ce sens, a-t-il indiqué.

Le président français a assuré qu'il gardait également le contact avec le président russe, Vladimir Poutine, qui a mis en garde contre "des provocations et des spéculations" et appelé au "bon sens" face à un théâtre mondial "de plus en plus chaotique".

Emmanuel Macron lui a répondu en affirmant que la France ne participerait à aucune "escalade" mais qu'elle ne pouvait laisser impunis "des régimes qui se croient tout permis, en particulier le pire en contravention du droit international".

"Ce que nous faisons aujourd'hui, et ce que nous serons conduits à faire en Syrie, c'est de rester sur nos priorités et d'assurer la stabilité au maximum de cette région, et donc en aucun cas la France ne laissera une escalade se faire ou quoi que ce soit qui puisse endommager la stabilité de la région."

"Les différentes guerres qui sont en train de se jouer en Syrie, en particulier celle du régime syrien de Bachar al Assad avec ses alliés contre ces rebelles, elles ne peuvent pas tout permettre. Il y a un cadre, c'est le droit international", a-t-il insisté.

L'armée française se prépare au scénario d'une intervention dans l'attente d'une décision politique, indiquent des sources militaires, qui soulignent la difficulté, à leur sens, de définir le cadre d'une telle opération. Si la décision d'une riposte militaire était prise, elle pourrait prendre la forme de frappes aériennes menées par des chasseurs Rafale, notamment basés à Saint-Dizier (Haute-Marne), dit-on de mêmes sources.

Au-delà d'une possible action militaire, qui obéirait à la doctrine des "lignes rouges" à ne pas franchir qu'il avait édictée en mai 2017, Emmanuel Macron a mis en avant l'action diplomatique de la France pour "préparer la Syrie de demain".

Paris, a-t-il répété, "continuera à la table des Nations unies de tout faire pour qu'il y ait des cessez-le-feu pour les populations civiles" et aidera les ONG pour "sortir les populations civiles".

(Sophie Louet et Service France, édité par Yves Clarisse)