D'où vient le "roucisme", la discrimination envers les roux ?

La Journée mondiale des roux a été créée sur Facebook en 2009 pour dénoncer la stigmatisation dont sont victimes les personnes rousses.

Depuis 2009, le 12 janvier est la Journée mondiale des roux. Un événement né sur le réseau social Facebook pour dénoncer le "roucisme", la discrimination dont sont victimes les hommes et les femmes aux cheveux roux depuis plusieurs siècles.

Depuis 14 ans, le 12 janvier est la Journée mondiale des roux. Un événement créé par le Canadien Derek Forgie sur Facebook en 2009. Il a décidé de créer cette journée il y a maintenant 13 ans, en réaction à un épisode de la série télévisée satirique South Park, qui avait sorti un épisode intitulé "Kick a Ginger Day", c'est-à-dire "Journée pour tabasser un roux" en français.

Derek Forgie a donc décidé de "contrer" la série souvent controversée en créant le "Kiss a Ginger Day", la Journée pour embrasser un roux. Si la série South Park est à prendre au second degré, cet épisode est représentatif d'une discrimination dont sont victimes les personnes aux cheveux roux depuis de très nombreux siècles. Mais pourquoi ces 2% de la population mondiale sont-ils souvent moqués ?

"Depuis que l’humanité existe"

Il est impossible de savoir à quand remonte exactement les discriminations envers les roux. Valérie André, auteure de La rousseur infamante : histoire littéraire d'un préjugé et de Réflexions sur la question rousse nous confiait qu'elles ont toujours existé : “Elles remontent aux débuts de l'histoire de l'humanité. La rousseur est un phénomène assimilable à une anomalie au sens propre du terme, c'est-à-dire quelque chose de pas dans la norme. Nous ne sommes pas programmés pour être roux."

La professeure d'histoire de la littérature à l'Université libre de Bruxelles justifie ses propos par une explication scientifique : "La pigmentation de la peau, des yeux et des cheveux s'élabore pendant la gestation et donc il y a un chromosome, le 16e, qui est en charge de la détermination des couleurs. Ce pigment, appelé la mélanine, apparaît pendant la grossesse, et au départ, il y a deux types de mélanine : l'eumélanine et la phéomélanine. Cette mélanine va se synthétiser pendant la gestation, ce qui fait que l'on va être brun, blond, châtain aux yeux verts, marrons ou bleus... c'est une question de dosage de synthèse de ce pigment entre l'eumélanine et la phéomélanine. Dans le cas des roux, ils restent 'bloqués' à la phéomélanine et il n'y a donc pas les autres pigments". C'est la raison pour laquelle les roux ont un teint très pâle, des cheveux roux, des yeux très clairs et des tâches de rousseur.

Le roux vu comme "la destruction"

Dans l'antiquité, il n'y avait pas toutes ces explications scientifiques. C'est pour cela que quand un enfant naissait roux, on se disait qu'il y avait un problème : "Quand on a pas d'explications on cherche dans l'analogie. Que représente cette couleur de cheveux ? Le feu. Un élément responsable de la destruction mais aussi de la vie, qui est dévastateur mais aussi purificateur."

C'est alors qu'une ambivalence est née autour de la rousseur qui est jugé comme positive et négative, mais c'est surtout le négatif qui a été retenu : "Dans le bassin méditerranéen et même la civilisation judéo-chrétienne, un préjugé négatif va se construire et il va culminer au Moyen-Âge et à la Renaissance", nous expliquait Valérie André. Preuve en est avec les personnages bibliques : "Le Roi David, élu du seigneur, est roux dans la version originale de la Bible. Mais dans notre patrimoine culturel, il n'était pas accepté qu'un personnage roux soit positif, alors il était représenté en tant que blond, avant qu'on ne lui rende sa rousseur au début du XXe siècle."

La prétendue "sexualité exacerbée des femmes rousses"

Il ne s'agit d'ailleurs pas le seul personnage biblique associé cette couleur de cheveux, puisque la plupart des Judas sont représentés en tant que roux. Jusqu’au début du XXe siècle, on entendait dans plusieurs langues européennes l'expression "roux comme Judas". C’est également le cas de Marie-Madeleine : bien qu'aucun texte ne mentionne la couleur de ses cheveux, elle est systématiquement représentée en tant que femme rousse. Elle est en effet "associée à la prétendue sexualité exacerbée des femmes rousses qui fait partie des préjugés, Marie-Madeleine étant une prostituée repentie", comme nous l'expliquait la professeure d'histoire de la littérature.

Pourtant, ces discriminations débutent dès le plus jeune âge dans les cours de récréation alors que les enfants ignorent ces préjugés. On peut sans doute l'expliquer parce que l'enfant n'aime pas ce qui est différent. Les enfants à lunettes ou ceux en surpoids sont par exemple très souvent moqués. "C'est une démarche instinctive de protection par rapport à ce qui n'est pas rassurant. Mais la verbalisation de la stigmatisation vient du préjugé des adultes. L'enfant ne va pas dire directement au roux : 'tu pues'. Il le dira parce qu'il l'a entendu. C’est un phénomène de mode dont les gens se sont imprégnés sans le savoir", ajoute-t-elle.

"Une souffrance réelle"

Le fait que les roux n'appartiennent pas à une ethnie est sans doute aussi une raison de cette discrimination. Pour Valérie André, c'est pour cette raison que les gens se permettent d'être horribles avec les personnes rousses : "De nombreux groupes Facebook anti-roux ont été créés sans jamais être dénoncés comme ils l'auraient été s'ils avaient touché n'importe quelle ethnie. Tout simplement parce que les roux peuvent être blancs, jaunes, noirs ou d'une autre couleur. Et ça, ce n'est pas juste, car il y a une souffrance réelle pour certaines de ces personnes”.

Si la discrimination envers les roux n'est pas assez dénoncée malgré le mal qu'elle provoque, quelques événements ont été créés pour mettre en valeur les personnes rousses à l'instar de cette Journée mondiale des roux, ou encore de festivals des roux qui existent aux Pays-Bas, en Suisse mais également en Bretagne.

VIDÉO - Ed Sheeran révèle pourquoi South Park a ruiné sa vie