Comment Donald Trump veut-il expulser "des millions" de migrants illégaux?
Lors de son discours d'investiture ce lundi 20 janvier, le nouveau président américain, Donald Trump, a juré de "renvoyer des millions et des millions d'étrangers criminels là d'où ils viennent". Une promesse déjà martelée lors de sa campagne, lorsqu'il affirmait que s'il était élu, il mettrait en place des déportations de masse d'immigrés clandestins.
Les autorités estiment qu'environ 11 millions de personnes vivent illégalement aux États-Unis, dont beaucoup ont fui la violence ou les difficultés économiques de leur pays. La nouvelle administration Trump n'a pas tardé pour mettre en place des mesures visant à faciliter leur expulsion.
Des conditions élargies pour les expulsions accélérées
Dès la journée de lundi, le secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis a mis fin à une règle interdisant aux agents de la police douanière et des frontières d'arrêter des personnes sans papiers à proximité de lieux "sensibles", comme des lieux de culte, des écoles ou des hôpitaux.
"Les criminels ne pourront plus se cacher dans les écoles et les églises américaines pour éviter d'être arrêtés. L'administration Trump ne liera pas les mains de nos courageux agents des forces de l'ordre, mais leur fera plutôt confiance pour faire preuve de bon sens", a déclaré un porte-parole de département de la Sécurité intérieure dans un communiqué.
Le département a également élargi les conditions dans lesquelles les autorités peuvent expulser un immigrant sans papiers de manière accélérée, sans audition devant le juge. Elles concernent désormais tous les immigrés sans papiers, où qu'ils se trouvent aux États-Unis, qui ne peuvent prouver qu'ils ont vécu dans le pays de manière ininterrompue pendant deux ans ou plus.
Plus d'agents pour les contrôles
Tom Homan, nommé par Trump à la tête de l'agence responsable du contrôle des frontières et de l'immigration (ICE), a aussi déclaré à CNN que l'administration Trump mettrait en place des "opérations de contrôle ciblées" visant les immigrés clandestins. Ce que fait déjà l'ICE. Interrogé par la chaîne NBC, Tom Homan a simplement indiqué que "plus de personnes" seraient en charge de ces contrôles, sans préciser combien.
Dans une autre interview à Fox News, il a promis de "grandes rafles à travers le pays", à Chicago notamment. Le maire démocrate de la ville, Brandon Johnson, a répondu qu'il "protégera" ses habitants, notamment en empêchant des arrestations dans des lieux "sensibles" comme des écoles. "Tous les droits que les habitants de Chicago méritent, en tant que maire de la ville de Chicago, je vais les protéger. Que vous soyez sans papiers, que vous demandiez l'asile ou que vous cherchiez un emploi bien rémunéré, nous allons nous battre et défendre les travailleurs", a-t-il assuré mardi à la radio NPR.
L'État conservateur du Texas a par ailleurs annoncé mercredi offrir à l'administration Trump des terres à la frontière avec le Mexique pour construire un "centre de déportations" afin de soutenir le plan du président élu pour l'expulsion de sans-papiers. La Commissaire à l'aménagement du territoire du Texas, Dawn Buckingham, a déclaré dans un communiqué qu'elle offrait à Donald Trump quelque 570 hectares de terres publiques à la frontière sud des États-Unis pour "aider son administration à mettre en œuvre ses plans d'expulsion".
Remise en question du droit du sol, demandes d'asile freinées...
Promise de longue date, la vaste offensive anti-immigration de Donald Trump prend forme depuis lundi. À peine investi comme 47e président américain, le milliardaire républicain a aussi signé un décret ordonnant de revenir sur le droit du sol. Ce principe, consacré par le 14e amendement de la constitution américaine, accorde à toute personne née aux États-Unis le droit d'obtenir la nationalité américaine. Deux plaintes séparées ont été déposées par 22 États au total, dont la Californie et l'État de New York, pour contester ce décret qu'ils jugent anticonstitutionnel.
Les premiers effets du retour de Donald Trump au pouvoir se font déjà concrètement sentir. Lundi, l'application CBP One, lancée par l'administration Biden pour permettre aux migrants de prendre un rendez-vous afin de déposer leur demande d'asile avant d'entrer aux États-Unis, a cessé de fonctionner. "Les rendez-vous existants ont été annulés", indique le service sur son site internet.
Pendant sa campagne, Donald Trump a employé une rhétorique violente envers les migrants, qui "empoisonnent le sang" des États-Unis selon lui. Le président soutient constamment que l'augmentation de l'immigration clandestine a provoqué une vague de criminalité aux États-Unis, ce qu'aucune statistique officielle ne montre.
Pour Aaron Reichlin-Melnick, un expert de l'American Immigration Council, une organisation de recherches et de défense de droit des immigrés, cette vaste offensive anti-immigration pourrait avoir des effets inattendus. "Il est tout à fait possible que nous assistions à une augmentation des traversées irrégulières de la frontière au cours des prochains mois, (...) à mesure que les autres voies légales leur seront fermées", a-t-il souligné auprès de l'AFP. Ce qui risque de mettre les personnes qui les tentent encore plus en danger, alertent des associations comme Médecins sans Frontières.