Donald Trump peut-il être candidat à la présidentielle 2024 aux États-Unis après sa nouvelle inculpation ?
ÉTATS-UNIS - Quand les autorités américaines ont fouillé la demeure de Donald Trump, à Mar-a-Lago en Floride, il y a presque un an, certains des documents étaient tellement classés secret-défense que même les officiers du FBI présents sur place n’avaient pas tous l’habilitation pour les étudier. Ce détail résume l’ampleur de cette nouvelle affaire pour laquelle l’ex-président américain vient d’être à nouveau inculpé.
Dans la soirée de jeudi 8 juin, Donald Trump a confirmé son inculpation par un grand jury fédéral - une première pour un ancien président - pour sa gestion des archives de la Maison Blanche.
Il est ainsi visé par 37 chefs d’inculpation, notamment pour « rétention d’informations portant sur la sécurité nationale » et « entrave à la justice », selon l’acte d’accusation rendu public ce vendredi 9 juin. « Les documents classifiés que Trump conservait dans des cartons incluaient des informations sur les capacités de défense des États-Unis et de pays étrangers » et « sur les programmes nucléaires » américains, stipule l’acte d’accusation. Leur potentielle « diffusion aurait mis en danger la sécurité nationale des États-Unis », ajoutent les procureurs.
Color photos from the Trump indictment: https://t.co/uYS1FPuecH
— Jacqui Heinrich (@JacquiHeinrich) Voir le tweet
Donald Trump est également accusé de faux témoignage et de s’être entendu avec son assistant Walt Nauta pour dissimuler des documents réclamés par la police fédérale.
Les lois aux États-Unis « sont les mêmes pour tous », a affirmé le procureur spécial fédéral Jack Smith après la publication des 37 chefs d’inculpation. Le procureur a précisé lors d’une brève allocution retransmise en direct que ses services voulaient un « procès rapide ».
Le procureur spécial Jack Smith s'est exprimé, disant que Donald Trump avait été inculpé pour des violations des lois sur la sécurité nationale et avoir participé à une conspiration pour entraver la justice. Il promet un "speedy trial" (sous-entendu, sans doute avant l'élection) https://t.co/zK8yMe51M7
— Philippe Berry (@ptiberry) Voir le tweet
Donald Trump est désormais convoqué mardi prochain devant un tribunal fédéral à Miami, à la veille de son 77e anniversaire. Son avocat Jim Trusty a précisé sur CNN que son client se rendrait à cette convocation et qu’il faisait l’objet de sept chefs d’inculpation, notamment en vertu d’une loi sur l’espionnage qui interdit de garder des documents classifiés dans des endroits non autorisés et non sécurisés.
Vers une perte de ses soutiens ?
Cette nouvelle procédure, qui correspond peu ou prou à une mise en examen en France, peut-elle avoir des conséquences sur la candidature de Donald Trump à la présidentielle 2024 ?
Immédiatement après cette inculpation, Donald Trump a utilisé exactement le même narratif que quand il a été inculpé en mars dernier pour fraudes comptables dans l’affaire Stormy Daniels, par la justice de l’État de New York : la « persécution politique ».
« Je suis innocent (...) C’est ce qu’on appelle l’ingérence électorale. Ils essaient de détruire une réputation pour pouvoir gagner une élection », a-t-il défendu dans une vidéo jeudi soir. Après l’annonce de son inculpation, ses adversaires républicains ont fait rang autour de lui, dénonçant le « deep state », une « chasse aux sorcières » ou évoquant « un triste jour pour l’Amérique ». Même Ron DeSantis, son grand rival dans la course à l’investiture républicaine, a fait écho aux critiques de Trump envers le ministère de la Justice, tweetant qu’il « éliminerait les préjugés politiques » s’il était élu.
The weaponization of federal law enforcement represents a mortal threat to a free society. We have for years witnessed an uneven application of the law depending upon political affiliation. Why so zealous in pursuing Trump yet so passive about Hillary or Hunter? The DeSantis… https://t.co/Vo4bexuQ2i
— Ron DeSantis (@RonDeSantis) Voir le tweet
Le discours trumpiste continue de séduire et rien ne semble pouvoir le faire vaciller sur sa base. Condamné pour agression sexuelle à verser 5 millions de dollars à l’autrice E. Jean Carroll, c’est en héros qu’il avait été acclamé par une partie du public sur le plateau de CNN quelques jours après, comme Le HuffPost l’expliquait ici.
Rien n’indique donc que cette nouvelle inculpation change beaucoup l’avis des supporters de Donald Trump, lequel garde une solide mainmise sur la base du parti républicain. Dans un sondage YouGov Poll pour Yahoo en mai dernier, 42 % des républicains qualifiaient de « crime de grave » le fait de détenir des documents classifiés quand 35 % le jugeaient peu sérieux.
Le ton pourrait éventuellement être amené à changer au printemps prochain, en pleine campagne des primaires, quand Trump sera de nouveau en procès dans l’affaire Stormy Daniels. Mais l’ancien président a prouvé plus d’une fois sa capacité à inverser la charge et à pousser le narratif en sa faveur.
Un risque légal ?
Pour le moment, Donald Trump bénéficie toujours de la présomption d’innocence dans plusieurs affaires. Dans le cas, où il devrait être condamné pour les documents confidentiels retrouvés chez lui, rien n’indique qu’il pourrait être empêché d’être candidat, ni même élu.
La Constitution américaine n’exige que trois choses pour se présenter à la présidentielle : être âgé d’au moins 35 ans, être né aux États-Unis, et avoir résidé aux États-Unis pendant au moins 14 ans. « Il n’y a en fait pas beaucoup d’exigences constitutionnelles pour se présenter à la présidence. Il n’y a pas d’interdiction explicite dans la Constitution concernant le fait d’avoir un acte d’accusation en instance ou même d’être condamné », explique à nos confrères du Washington Post, Anna G. Cominsky, professeur à l’école de droit de New York.
Un détail juridique expose peut-être un peu plus Donald Trump que d’autres personnalités : le fait d’avoir participé à une rébellion ou un acte d’insurrection empêche normalement d’accéder à un poste d’élu. Dans son rapport final sur le 6 janvier et l’invasion du Capitole de Washington, la commission d’enquête parlementaire avait estimé que l’ex-président ne devrait jamais pouvoir occuper de nouvelles fonctions publiques après avoir incité ses partisans à une insurrection contre les résultats de l’élection présidentielle de novembre 2020. Les membres ont aussi recommandé que des poursuites pénales pour appel à l’insurrection.
Si ce dossier est le plus susceptible d’aboutir sur des charges sérieuses, une condamnation de Trump est encore loin. Un procureur spécial, Jack Smith, se penche également sur le rôle de l’ancien président dans les tentatives de renverser les résultats de la présidentielle de 2020. Au terme de son enquête, il pourrait recommander ou non de l’inculper mais le dernier mot reviendra au ministre de la Justice Merrick Garland. Là encore, une perspective assez lointaine.
S’il est condamné, Trump pourrait surtout, dans certains États être privé de vote et donc de glisser son propre bulletin dans l’urne. Et dans le cas complètement invraisemblable où il devrait voir la couleur des murs d’une prison, l’Histoire lui donne des raisons d’être confiants. Comme Le HuffPost vous l’expliquait en mars dernier, les États-Unis ont même déjà connu un candidat à la présidentielle ayant fait campagne... Depuis une cellule de prison, après avoir été reconnu coupable. C’était en 1920.
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