Donald Trump dans l'Indiana pour séduire l'électorat évangélique

par James Oliphant INDIANAPOLIS (Reuters) - Sur la route menant à l'investiture républicaine, la caravane des primaires fait halte mardi dans l'Indiana, où Donald Trump devra s'efforcer de séduire l'électorat évangélique américain dont il aura du mal à se passer s'il est désigné en juillet pour porter les couleurs du Grand Old Party. L'Indiana, Etat conservateur du Midwest, a voté républicain à neuf reprises lors des dix derniers scrutins présidentiels. Et si Donald Trump y devance largement ses deux adversaires, Ted Cruz et John Kasich, dans les intentions de vote, ses positions sur le planning familial, l'homosexualité et les transgenres soulèvent de nombreuses inquiétudes chez les conservateurs en matière religieuse. Un sondage NBC/Wall Street Journal/Marist accorde 49% des intentions de vote à Donald Trump contre 34% au sénateur du Texas Ted Cruz et 13% au gouverneur de l'Ohio, John Kasich. La plupart des précédentes enquêtes prédisaient un écart bien moindre entre les deux premiers. Une victoire de Donald Trump dans l'Indiana pourrait avoir un impact considérable dans la course à l'investiture et serait un baromètre de sa capacité à convaincre dans l'ensemble du pays des évangéliques idéologiquement plus proches de Ted Cruz. Le jeune sénateur du Texas, qui conteste à l'homme d'affaires new-yorkais sa qualité de républicain, ne manque pas une occasion d'exprimer sa foi. Pour Donald Trump, l'enjeu est considérable car s'il est désigné candidat du Parti républicain à la convention de Cleveland en juillet, il lui faudra convaincre les évangéliques de voter pour lui lors de l'élection du 8 novembre, faute de quoi un certain nombre d'entre eux pourraient être tentés par l'abstention et favoriser le candidat démocrate. "On peut craindre de voir beaucoup d'entre eux rester chez eux", souligne Bob Vander Plaats, personnalité évangélique de l'Iowa. "Vous ne pouvez pas gagner sans notre base", ajoute-t-il. L'HISTOIRE DES TOILETTES Beaucoup de sociaux-conservateurs ont été agacés par les critiques de Donald Trump sur la loi votée en Caroline du Nord qui oblige les transgenres à utiliser les toilettes réservées au sexe qui était le leur à leur naissance. "L'histoire des toilettes est centrale pour beaucoup de gens", assure Shan Rutherford, pasteur dans l'Indiana. Il explique avoir été initialement séduit par le discours de Donald Trump mais qu'il s'en est peu à peu éloigné à cause de ses prises de position sur les sujets de société et des insultes qu'il a proférées tout au long de sa campagne. Le pasteur, qui soutient désormais Ted Cruz, explique qu'en cas de duel Clinton/Trump, il pourrait décider de s'abstenir. Le Pew Research Center estime qu'à l'échelle des Etats-Unis, 45% des électeurs enregistrés sous l'étiquette républicaine se qualifient de "born-again" ou "d'évangéliques". Selon Pew, les républicains ne sont que 44% à juger que Donald Trump est religieux alors qu'ils sont 76% à penser que Ted Cruz l'est. Dans une vidéo de campagne, l'équipe de campagne de Ted Cruz place Donald Trump et Hillary Clinton sur un pied d'égalité. "Tous les deux soutiennent l'Obamacare. Tous les deux soutiennent le financement public du planning familial. Tous deux sont d'accord pour laisser les hommes transgenres entrer dans les toilettes des petites filles", dit le clip. Donald Trump a déclaré à plusieurs reprises que les structures de planning familial avaient permis d'aider des millions de femmes, même s'il dit s'opposer au financement de ce qui a trait à l'avortement. Sur la question de l'utilisation des toilettes, il a jugé que les transgenres devaient utiliser celles qu'ils jugent appropriées. DANGEREUSE ABSTENTION Vendredi, le gouverneur de l'Indiana, Mike Pence, un conservateur en matière sociale, a apporté son soutien à Ted Cruz. Le gouverneur de l'Indiana a, l'année dernière, signé une loi susceptible de permettre aux entreprises de refuser de fournir des services aux couples homosexuels. Donald Trump s'est de son côté toujours opposé à ce que les entreprises puissent licencier leurs salariés sur la base de leur orientation sexuelle, même s'il a critiqué la décision de la Cour suprême de légaliser le mariage homosexuel. Un sondage Reuters/Ipsos montre que 19% des personnes interrogées n'iront pas voter en novembre en cas de duel entre Trump et Clinton. Mais, parmi ceux qui se rendent à l'église toutes les semaines, la proportion bondit à 28%. Or, une trop forte abstention se ferait au détriment des républicains, les tendance démographiques de ces dernières années étant favorables au camp démocrate, la base de l'électorat du GOP, très majoritairement blanc et âgé, ayant tendance à se rétrécir. Eric Houseman, un auxiliaire de santé d'Indianapolis qui s'est rendu à un meeting de Ted Cruz, pense que Donald Trump paiera le prix de ses maladresses, comme lorsqu'il a en janvier évoqué un passage de la Bible relatif aux Corinthiens en se trompant sur sa dénomination. "On commence à voir que c'est un beau parleur", commente Eric Houseman. Ron Johnson, pasteur de l'Eglise de Living Stones à Crown Point, dans le nord de l'Etat, votera républicain mais certainement pas pour Donald Trump qui ne partage pas selon lui ses valeurs chrétiennes. "Je ne participerai pas à la mise à mort de mon pays", dit-il. (Nicolas Delame pour le service français, édité par Danielle Rouquié)