Donald Trump élu président : à quoi ressemble son plan d’expulsions massives des personnes sans-papiers

Des militants tiennent des pancartes sur lesquelles on peut lire « Déportation massive maintenant !  » lors du troisième jour de la convention nationale républicain le 17 juillet 2024 à Milwaukee.
ALEX WONG / Getty Images via AFP Des militants tiennent des pancartes sur lesquelles on peut lire « Déportation massive maintenant ! » lors du troisième jour de la convention nationale républicain le 17 juillet 2024 à Milwaukee.

ÉTATS-UNIS - « En sauvant notre économie, je restaurerai également nos frontières », écrivait Donald Trump sur X quelques jours avant sa large victoire à l’élection présidentielle américaine. Il accusait alors Kamala Harris d’avoir « libéré une armée de gangs et de migrants criminels des prisons et des centres de détention, (...) du Venezuela au Congo, volant d’innombrables vies américaines ».

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Un discours xénophobe et alarmiste que le 45e président a répété à de nombreuses reprises durant sa campagne. Sur NBC pour sa première interview post-élection, il a d’ailleurs insisté sur la déportation de masse de migrants illégaux (qu’il appelle « aliens ») qu’il souhaitait mettre en place, estimant n’avoir « pas le choix ». En anglais, le terme « deportation » est moins connoté que le terme français et il signifie expulsion par la force d’une personne étrangère. Pour mener à bien ce projet, Donald Trump prévoir de nommer à la tête de l’ICE (administration chargée des contrôles aux frontières) Tom Homan, surnommé « le tsar des frontières » qui a déjà occupé le poste lors de son premier mandat.

D’après des chiffres du Pew Research Center, en 2022, environ 11 millions de personnes étaient des migrants illégaux aux États-Unis. La plupart vivent en Californie, au Texas, en Floride, ou dans l’État de New York, et sont dans le pays depuis plus de 10 ans. Et dans près de 70 % des ménages où vit une personne sans-papiers, vit aussi au moins un immigrant légal ou un résident né aux États-Unis. Le projet trumpiste pourrait donc affecter des millions de familles.

Le « Alien Enemies Act », une loi de 1798

Nouveauté par rapport au dernier mandat, l’ancien président ne se focalise plus sur la frontière sud. Autre point : faut-il aussi expulser les Dreamers, ces personnes arrivées illégalement aux États-Unis en tant qu’enfants ? Selon CNN, la question est à l’étude dans l’équipe de Trump, qui envisage donc de rompre avec le soutien dont ce public a toujours bénéficié de la part des deux camps politiques.

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D’après des alliés de Trump relayés par Reuters, il prévoit de faire appel à toutes les agences du gouvernement, à l’armée américaine et aux diplomates à l’étranger, pour concrétiser ces expulsions. Et pour les juridictions qui seraient réfractaires, le républicain utiliserait le financement fédéral comme moyen de pression.

Pour accélérer son plan, Trump compte sur le « Alien Enemies Act ». Il promet qu’il utilisera cette loi de 1798 pour lancer une initiative fédérale appelée « Opération Aurora », du nom de la ville du Colorado qui, selon lui, a été prise d’assaut par des gangs vénézuéliens, ce que les habitants et les responsables locaux contestent. L’objectif : arrêter et expulser les membres de gangs de migrants sans papiers, explique NPR.

L’« Alien Enemies Act », utilisé seulement trois fois en 200 ans, autorise spécifiquement le président à détenir, déplacer ou expulser les non-citoyens d’un pays considéré comme un ennemi des États-Unis en temps de guerre. Mais pour que cette loi s’applique, le Congrès doit normalement avoir déclaré la guerre. Difficile alors pour Trump de faire valoir la migration illégale comme une guerre au sens classique du terme, devant un tribunal.

Réticences locales et millions de dollars à avancer

Autre obstacle, la coopération des forces de l’ordre au niveau local. Comme le rappelle la BBC, la plupart des migrants illégaux aux États-Unis intègrent le système d’expulsion via les forces de l’ordre locales. Mais de nombreuses grandes villes et comtés du pays ont adopté des lois limitant la coopération de la police locale avec les services de l’immigration. Ces « villes sanctuaires » sont une épine dans le pied de Donald Trump.

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En plus de ces réticences, l’ICE doit faire avec des ressources humaines et logistiques limitées. Avant d’être expulsé, un immigrant illégal doit être présenté à un juge de l’immigration lors d’une audience. Difficile de croire que le système judiciaire américain pourra en assurer des millions. Les 21 000 employés de l’ICE risquent aussi d’être trop peu nombreux pour appréhender et arrêter les personnes sans-papiers, alors que la moitié se concentre plutôt sur la criminalité transnationale au sein de l’unité Homeland Security Investigations, pointe Reuters.

Et le volet financier est loin d’être anecdotique. En 2023, l’agence a dépensé 420 millions de dollars pour expulser 140 000 personnes, relaye le média britannique. Pour expulser 1 million de personnes, la somme nécessaire risque bien de s’annoncer stratosphérique. Sans compter l’argent pour construire des campements d’hébergement et de détention, payer les vols d’éloignement et la construction du fameux mur à la frontière mexicaine. Et puis les pays d’origine des migrants accepteront-ils d’accueillir leurs ressortissants expulsés des États-Unis en coopérant avec l’administration Trump ?

Commencer par ceux qui posent une « menace »

Face à toutes ces interrogations, le colistier de Donald Trump, le très conservateur JD Vance, d’ailleurs lui aussi obsédé par la question migratoire, ne semble plus vouloir s’engager sur une expulsion de tous ces clandestins. En tout cas pas dans l’immédiat. « Commençons par un million », avait-il déclaré à ABC, privilégiant ainsi des expulsions « séquencées ».

Qui seront ces premiers sans-papiers à en faire les frais ? « L’expulsion des immigrés sans papiers qui ont commis des délits sera probablement l’une des priorités », croit savoir CNN quand NBC évoque ceux « qui sont considérés comme des menaces ». Loin des discours populistes de ses meetings dans tout le pays, Donald Trump a encore du chemin à parcourir avant de mettre en place ce plan d’expulsions massives qu’il vante tant.

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