Donald Trump élu face à Kamala Harris, l’heure est à l’autocritique pour les démocrates

Si Kamala Harris sert désormais de bouc émissaire, les raisons de l’échec démocrate à l’élection présidentielle sont bien plus profondes.
BRENDAN SMIALOWSKI / AFP Si Kamala Harris sert désormais de bouc émissaire, les raisons de l’échec démocrate à l’élection présidentielle sont bien plus profondes.

ÉTATS-UNIS - Exercice d’autocritique nécessaire. L’élection de Donald Trump à un nouveau mandat à la Maison Blanche acte surtout la défaite du camp démocrate dans l’électorat. Difficile à prédire dans de telles proportions, la déroute de Kamala Harris – et plus largement des démocrates avec la perte du Sénat et la domination annoncée des républicains à la Chambre des représentants – oblige désormais le parti de Barack Obama et Joe Biden à regarder dans le rétroviseur pour tenter de mettre des mots sur les raisons de cet échec électoral cuisant.

Pourquoi Kamala Harris a eu tort de miser autant sur les stars américaines pour battre Donald Trump

Incarnation de dernière minute du parti pour l’élection de 2024, la vice-présidente américaine a indéniablement souffert d’une campagne lancée bien trop tardivement pour espérer incarner un renouveau vis-à-vis du mandat de Joe Biden. Un manque de rupture qui s’illustre par une séquence qui a fait le bonheur des républicains.

Interrogée par ABC début octobre sur ce qu’elle aurait fait différemment du président octogénaire ces quatre dernières années, Kamala Harris avait répondu de manière déroutante, comme vous pouvez le voir dans l’extrait ci-dessous : « Rien de spécial ne me vient à l’esprit. »

Harris, parfaite bouc émissaire ?

Cet échange s’est révélé « désastreux », souligne pour CNN David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama. Et selon un cadre démocrate qui s’est confié à la chaîne d’information, l’erreur majeure de Kamala Harris est de ne pas s’être suffisamment distanciée de Joe Biden par pure loyauté. « Elle ne voulait pas évoquer ses différends avec le président (...) parce qu’elle pensait que cela aurait l’air déloyal envers l’homme qui l’avait choisie comme colistière et qui s’était ensuite écarté pour elle. »

Alignée sur les positions de l’administration Biden, elle s’est montrée incapable de proposer des idées nouvelles, que ce soit sur les questions économiques et environnementales, la politique migratoire (dont elle était pourtant chargée en tant que vice-présidente) ou les enjeux internationaux, principalement liés au soutien sans faille à Israël. Sa seule marge de manœuvre progressiste reposait sur le thème des droits des femmes, opérant pour le reste un virage à droite destiné à séduire l’électorat républicain. La radicalité de Donald Trump en moins.

Aveuglement démocrate

À en croire certaines voix dissonantes côté démocrate, les raisons de cette défaite sont pourtant plus profondes que la seule incarnation portée par Kamala Harris. C’est ce que laisse entendre l’une des figures les plus à gauche de l’échiquier politique américain, Bernie Sanders, qualifiant de « désastreuse » la campagne du Parti démocrate. Selon lui, ce dernier s’est montré incapable de prendre conscience du puissant désir d’alternance au sein de la population.

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« Alors que les dirigeants démocrates défendent le statu quo, le peuple américain est en colère et veut du changement. Et il a raison », a déploré le candidat à la primaire de 2016. « Il n’est pas très surprenant qu’un Parti démocrate qui a abandonné la classe ouvrière se rende compte que la classe ouvrière l’a abandonné », a-t-il ajouté.

Parmi les autres critiques, difficile d’ignorer celle du réalisateur et ancien soutien du Parti démocrate Adam McKay, dont les films les plus récents (The Big Short, Don’t Look Up et surtout Vice) raisonnent souvent avec les enjeux sociétaux et politiques aux États-Unis. « Il est temps d’abandonner le Parti démocrate », a-t-il affirmé, ajoutant qu’il était aussi « temps de créer un véritable parti d’opposition ».

Un vide à combler

Candidat à trois reprises à la présidentielle, Donald Trump s’est imposé à deux reprises… lorsque le duel l’opposait à une candidate. Pour certains démocrates, la réponse se trouve peut-être derrière cette observation. Un plafond de verre immuable sur lequel s’interrogent d’ailleurs The Conversation ou le New York Times au lendemain du scrutin.

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Interrogée par ce dernier, Jane Kleeb, présidente du Parti démocrate dans le Nebraska, estime qu’une candidature féminine fait partie d’un ensemble de facteurs qui ont pénalisé le parti. « Je pense que tout a compté », estime-t-elle. « La race, le genre, la ville, la campagne, etc. Nous menons une stratégie depuis 20 ans qui ne fonctionne pas. »

Auprès du célèbre quotidien américain, Mark Buell, un important donateur démocrate préfère souligner une autre lacune de son camp : « Nous aurions dû organiser une primaire avec tous les talents et cela nous aurait donné une meilleure chance d’informer tout le monde sur l’identité des candidats. » Une primaire qui n’a pas vu le jour en raison de la candidature de Joe Biden à un second mandat.

Le président sortant laisse désormais un trou béant que le Parti démocrate devra rapidement combler pour incarner une alternance plus radicale face au camp républicain. Ironiquement, c’est ce que promettait déjà Joe Biden il y a quatre ans, en affirmant être le pont qui conduirait le parti vers une nouvelle génération. Au lieu de cela, l’historien présidentiel Douglas Brinkley remarque auprès du New York Times qu’il a surtout « fait sauter ce pont » en ne se retirant pas plus tôt de la course présidentielle. Une hésitation, qui pour le coup, est unanimement jugée responsable de la déroute démocrate du 5 novembre 2024.

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