"On doit tout reconstruire, encore" : la colère de ces habitants en Grèce après les violents feux
Le pire incendie de forêt de l'année en Grèce, déclenché dimanche 11 août, a ravagé 10 000 hectares, tuant une femme et détruisant d'innombrables bâtiments et véhicules. Si le feu est maîtrisé ce mercredi 14 août, les habitants sont dévastés.
Pendant trois jours, la banlieue d'Athènes a été ravagée par les incendies. Si les flammes ont été maîtrisées - il n'y a plus de front actif ce mercredi 14 août au matin -, les pompiers grecs restent en alerte maximale. Le pire incendie de forêt de l'année en Grèce qui a ravagé 10 000 hectares peut se raviver si un vent fort décide de se lever.
Derrière le soulagement de voir ce cauchemar s'éloigner, les Grecs libèrent leur colère. Ils en veulent au gouvernement: une sexagénaire est morte, soixante-six personnes ont été soignées pour des blessures, cinq pompiers ont été blessés, environ cent maisons ont subi d'importants dégâts selon la protection civile grecque, et des milliers de personnes ont été déplacées.
"Aucune considération"
"Comment est-ce que l'on est censé faire face au fait que des gens ne vont pas dormir chez eux ce soir ?", questionne Konstantin Katsoulis, un habitant de Nea Penteli, une commune au nord d'Athènes auprès de BFMTV. Ce dernier tentait de nettoyer ce mardi les rues calcinées de sa ville.
"On est en train de ramasser ce qui a brûlé, on fait ce que devrait faire les services de la municipalité", ajoute-t-il. "Nous avons le sentiment de n'avoir aucune considération".
Un autre habitant, Gabril, montre sa maison, calcinée. "Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, vous voyez bien. J'espère que toutes les choses que l'État doit faire pour nous aider iront vite parce que maintenant, on doit tout reconstruire, encore", déplore-t-il.
"Jamais de la vie je n'aurais imaginé que le feu viendrait ici", explique de son côté à l'AFP Sakis Morfis, devant sa maison éventrée dans les faubourgs de Vrillisia. "On se retrouve sans vêtements, sans argent, tout a brûlé à l'intérieur", ajoute cet homme de 65 ans.
Les habitants se demandent pourquoi leur pays est chaque année, désormais, ravagé par les flammes. "Connaissez-vous un autre pays dont la capitale tous les ans a le feu à ses portes", demande une habitante d'une commune à proximité d'Athènes à notre correspondant sur place.
Dérèglement climatique, impréparation des pouvoirs publics...
La Grèce est particulièrement touchée par les feux de forêt pour plusieurs raisons: le dérèglement climatique d'abord, qui entraîne des températures anormalement élevées et une végétation particulièrement sèche sur laquelle souffle de forts vents continentaux. Les mois de juin et de juillet ont été les plus chauds dans le pays depuis le début de la collecte des statistiques en 1960.
Des critiques s'élèvent aussi à propos d'une impréparation des pouvoirs publics. Plutôt que d'axer sa politique sur la prévention, le gouvernement a développé une "culture de l'évacuation", déplorent de nombreux Grecs. Les zones boisées sont également mal entretenues: "il y a plus de forêts maintenant que dans les années 1990", affirme à BFMTV Jean-Baptiste Filippi, chercheur au CNRS au laboratoire Sciences pour l'environnement et pompier.
"Le feu n'a nulle part ou s'arrêter une fois qu'il démarre", ajoute-t-il.
Malgré les renforts reçus par les pays voisins européens, dont la France, de nombreux Grecs déplorent aussi un manque de personnel et d'équipements adéquats pour lutter contres les flammes, dans des zones souvent difficiles d'accès.
"Vous êtes responsables de ce crime"
Le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotaki est ainsi attaqué de toute part. "Trop c'est trop !", tonne le quotidien centriste Ta Nea, le plus vendu du pays, tandis que le journal libéral Kathimerini estime que ce feu "hors de contrôle" laissait "une destruction immense et des questions qui attendent toujours réponses".
Beaucoup d'autres médias dépeignent un "cauchemar", y compris le journal pro-gouvernemental Eleftheros Typos, et le quotidien de gauche Efsyn, en référence au bâtiment abritant le bureau du Premier ministre, lance pour sa part: "Évacuez Maximou !" Ce mardi soir devant le Parlement, environ 200 personnes ont manifesté leur colère.
"Ils nous ont brûlés ! Gouvernement, ministres, vous êtes responsables de ce crime", pouvait-on lire sur une pancarte.
L'opposition fait son lit sur cette colère. Le parti de gauche Syriza a demandé le limogeage du Premier ministre et le puissant Parti communiste grecque a lui aussi demandé des comptes.
Le chef du gouvernement, Kyriakos Mitsotakis, a interrompu ses vacances pour rentrer dans la capitale ce dimanche. Après un Conseil des ministres d'urgence, le Premier ministre a déclaré: "Nous faisons de notre mieux pour nous améliorer chaque année, mais les conditions malheureusement deviennent plus difficiles".
Le ministère de l'Intérieur a décidé mardi de distribuer 4,7 millions d'euros aux huit municipalités touchées. Ce feu ravive les souvenirs de la catastrophe de l'incendie de Mati, la zone côtière proche de Marathon où 104 personnes sont mortes en juillet 2018 dans une tragédie imputée aux retards et aux erreurs d'évacuation.