Vous avez dit «Diktat» ?

La chancelière allemande Angela Merkel et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble, durant un débat au Bundestag, le 17 juillet 2015.

«Diktat». Le mot s’installe comme une évidence. De Jean-Luc Mélenchon à Dominique Strauss-Kahn, tous les contempteurs de l’accord du 13 juillet sur la Grèce se font un devoir de le dégainer. Quoi de mieux qu’un mot allemand pour dire la brutalité allemande ? Das Diktat, pour les écoliers d’outre-Rhin, c’est un exercice banal, quoique redouté : écrire consciencieusement, sous la dictée, un texte parfaitement inconnu, si possible avec un minimum de fautes d’orthographe.

Par extension, la dictée allemande désigne, en politique, ce qui est imposé à un peuple sans que ce dernier ait son mot à dire. Dans ce sens figuré, le mot est entré dans le vocabulaire pour dénoncer ce qui a été imposé à l’Allemagne vaincue. On a parlé du «diktat de Versailles» pour souligner les dispositions insupportables du traité du même nom, signé en 1919 dans la galerie des Glaces. Hitler en fera l’un de ses slogans de campagne. Un siècle plus tôt, l’historiographie allemande avait dénoncé comme un «diktat de Napoléon» le traité de Tilsit (1807) qui actait le dépeçage de la Prusse.

Le diktat, ce fut donc d’abord la dure loi du vainqueur français, s’imposant brutalement, parfois en toute injustice, à son belliqueux voisin. Il aura fallu que la paix s’installe durablement sur les rives du Rhin pour que l’usage se retourne. Dans l’après-guerre, c’est l’Allemagne qui sera accusée de dicter sa loi en matière de politique économique. Dans les années 70, le chef du PCF Georges Marchais n’avait pas de mots assez durs pour fustiger les «diktats de Bonn» en matière de politique européenne. Vingt ans plus tard, on parlait déjà de «diktat monétaire allemand» pour dénoncer l’intransigeance de la Bundesbank. La crise grecque a porté à son apogée cette exaspération contre une prétendue dictée germanique. Le slogan est repris par une partie de la gauche allemande, qui appelle à manifester contre le diktat de Merkel et Schäuble. Avec un succès très relatif.

Retrouvez cet article sur Liberation.fr

Dans la crise des éleveurs, Hollande marche sur un fil
Le député Brottes vers une filiale d'EDF sans passer par la case partielle
Des patriotes de pacotille
Sur le terrain, le Front national perd des plumes
Les buralistes fumasses