Yahoo Actualités Disparition de Lesline Ravel en Corrèze: pourquoi parle-t-on de "l'autre affaire Jubillar"?
Un couple qui se dispute, une mère de famille disparue, un corps jamais retrouvé, un mari qui évoque un "poker menteur" pour justifier des déclarations provocantes... Autant d'éléments qui ne sont pas sans rappeler la disparition de Delphine Jubillar. À 200 km de Cagnac-les-Mines se déroule ce qu'un proche du dossier, beaucoup moins médiatisé, a appelé "l'affaire Jubillar bis".
Lesline Ravel avait 39 ans quand elle a disparu il y a trois ans et demi. Cette mère de deux enfants travaille alors dans une petite supérette dans une commune à côté de Brive-la-Gaillarde, en Corrèze. Son couple est au plus mal à cette époque. Mari et femme boivent régulièrement. Les disputes, devant les enfants, sont fréquentes, et violentes des deux côtés. Le mot divorce revient souvent.
Ils s'envoient "des grosses tartes", reconnaît le mari au cours de l'enquête.
Aucun corps retrouvé
Le 30 décembre 2018, Lesline Ravel quitte le pavillon familial à Lascaux à la suite d'une énième dispute, au sujet du programme télé. Depuis, elle n'a plus jamais donné de nouvelles. Le lendemain, son mari Hervé Ravel, un ouvrier mécanicien, signale la disparition de sa femme. La voiture de cette dernière, une Polo blanche, est retrouvée deux jours plus tard, accidentée. La porte conducteur est encastrée dans un tas de bois.
D'importantes recherches sont menées par les gendarmes. Les chiens pisteurs vont retrouver des effets personnels appartenant à Lesline Ravel: un pantalon, une culotte, une chaussure. Un stick à lèvre également, à la surface d'une mare. Les étangs du coin sont vidés, les chiens remontent la piste de la mère de famille jusqu'à une voie ferrée. Mais aucun corps n'est découvert.
"Il y a eu des fouilles, un important travail sur la téléphonie, sur la géolocalisation, les mesures d'investigation ont été poussées, insiste Me Michel Labrousse, l'avocat du père et du demi-frère de Lesline Ravel. Il y a plus de 8000 cotes, le dossier fait 14-15 tomes, quand on en compte 4-5 pour un dossier criminel classique."
Des aveux avant de se rétracter
Tout comme dans l'affaire Jubillar, l'enquête va aussi se concentrer sur le mari. Il va être entendu à plusieurs reprises. Les investigations autour de son téléphone prouvent qu'il a tenté de joindre sa femme après son départ du domicile conjugal, comme dans l'affaire Jubillar. Il apparaît également qu'on ne peut le géolocaliser pendant plusieurs heures, comme dans l'affaire Jubillar. Toutefois, l'homme finit par avouer devant les enquêteurs. À la différence de l'affaire Jubillar.
Le 10 mai 2021, Hervé Ravel est découvert dans son véhicule, ivre. Il est alors placé en cellule de dégrisement. Placé ensuite en garde à vue, il fait appeler un avocat puis passe aux aveux. En pleurs, il raconte avoir suivi sa femme en voiture le jour de sa disparition, son véhicule s'est alors encastré. Il dit l'avoir sortie du véhicule, qu'ils en sont venus au main et qu'à la suite d'un de ses coups, Lesline Ravel est tombée, morte. Il a ensuite, dit-il, déposé son corps dans un bois à quelques kilomètres, sur le hameau de La Broderie.
Cette version, en présence d'un avocat, Hervé Ravel va la réitérer devant le juge qui le met en examen pour "meurtre" et devant le juge de la liberté et de la détention. Avant de se rétracter. "C'était un jeu de poker menteur avec l'enquêtrice qui l'interroge au milieu de la nuit", dit à BFMTV.com Me Vincent Desport, son avocat, qui évoque "une démonstration par l'absurde". Car depuis, de nombreux éléments matériels ne coïncident pas avec les aveux.
Remise en liberté
Il y a cet élément sur le fait qu'Hervé Ravel dit avoir sorti sa femme de sa voiture par la porte conducteur. Or, cette portière était bloquée par un tas de bois dans lequel la conductrice s'est encastrée. Les ossements découverts là où Hervé Ravel dit avoir déposé le corps de sa femme se sont révélés appartenir à un animal. Il apparaît également peu probable que le mari ait pu poursuivre son épouse ce soir du 30 décembre 2018. L'un de leurs enfants n'ayant pas entendu la porte du garage s'ouvrir, alors qu'elle grince très fortement.
"Aujourd'hui, mon client nie une quelconque intervention dans la disparition de sa femme", insiste Me Desport.
Trois ans et demi après le début de l'enquête et un an quasiment jour pour jour après sa mise en examen, Hervé Ravel vient d'obtenir sa remise en liberté. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges a acccédé à sa demande estimant, le 12 mai dernier, qu'il présentait des garanties de représentation et que sa remise en liberté ne serait pas préjudiciable à la suite de l'enquête. Son contrôle judiciaire lui impose de ne pas résider à Lascaux et de ne pas entrer en contact avec ses enfants.
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"Pas de scène de crime"
Reste que des analyses techniques et scientifiques ont été ordonnées et qu'une reconstitution doit encore être organisée avant de connaître la décision du juge d'instruction, qui pourrait prononcer un non-lieu dans ce dossier, ou renvoyer Hervé Ravel devant une cour d'assises. "Il était prématuré d'aller à la libération alors que des mesures d'investigation sont en cours", estime, "sidéré", Me Michel Labrousse.
"Cette remise en liberté est l'une des choses surprenantes que la justice est capable de faire, s'agace l'avocat. Mais c'est une décision purement administrative qui ne pèse en rien sur le fond du dossier. Il va devoir assumer les conséquences de ses aveux."
La défense, elle, évoque "un dossier très complexe". "C'est l'un des rares dossiers criminels où non seulement il n'y a pas de corps, où il n'y a aucune certitude qu'un crime ait été commis et où il n'y a pas de scène de crime", résume Me Vincent Desport. Comme dans l'affaire Jubillar.
