Que dire pour réconforter quelqu’un en deuil ? Ils ont perdu un proche et nous racontent les mots qui ont aidé

« Je préférerais tellement que l’on me fasse parler d’eux, pour avoir l’impression qu’ils restent un peu présents et que leur vie a compté »
Dmitrii Marchenko / Getty Images « Je préférerais tellement que l’on me fasse parler d’eux, pour avoir l’impression qu’ils restent un peu présents et que leur vie a compté »

TOUSSAINT - Que faut-il dire pour réconforter un proche en deuil ? Comment éviter les maladresses, ou les condoléances impersonnelles ? Même si la mort est une expérience universelle, il peut être difficile de trouver les mots face au chagrin suscité par la perte d’un être cher.

Après la mort de proches, ils n’ont pas effacé les numéros de téléphone, pour « garder un peu d’eux »

Le HuffPost a posé la question à cinq personnes ayant vécu des deuils. Elles nous racontent les mots et les comportements qui ont aidé et ceux dont il aurait mieux valu se passer.

« L’âge n’est pas un rempart contre la tristesse »

« J’ai perdu ma grand-mère lorsque j’avais 33 ans. Elle en avait presque 96. Une situation classique, dont la banalité a donné lieu à trop de commentaires que je n’avais pas envie d’entendre : “C’est dans l’ordre des choses”, “elle était vieille”, “il était temps”… Face aux gens qui me renvoyaient sans cesse à sa vieillesse, je me suis longtemps sentie obligée de minimiser ma peine. J’en suis venue à avoir honte d’évoquer mon deuil. L’âge, en l’occurrence avancé, n’est pas un rempart contre la tristesse.

Je me souviens avoir trouvé un peu de réconfort dans une petite phrase soufflée par une cousine : “Elle a vécu si longtemps qu’elle a pu pleinement infuser ton monde d’hier, d’aujourd’hui et de demain.” L’autre réconfort est venu de ma grand-mère elle-même qui, un peu avant sa disparition m’avait dit : “Les souvenirs sont ce qu’il y a de plus précieux : si tu pleures en te les remémorant, tu vas les abîmer. Range-les dans une petite commode nichée dans un coin de ta tête et ouvre les tiroirs le jour où tu sentiras que ces souvenirs peuvent te faire du bien.” C’est exactement ce que j’ai fait, et continue de faire. » - Mathilde

Parler d’eux, raconter des anecdotes

« J’ai récemment perdu mes deux parents à 10 mois d’intervalle. Nous faisons face avec mon frère aîné. Ce qui me laisse triste et pantoise, c’est surtout le soin que mettent les gens à éviter de me parler de la perte de mes parents, et à ne poser aucune question sur eux. Ils doivent craindre que je m’effondre, alors que ça n’arrivera pas forcément.

Ce que je trouve violent, c’est le quotidien qui reprend vite le dessus, le retour au travail (trois jours de congés pour un décès, sérieusement ?), les obligations sociales aussi. Comme si presque rien ne s’était passé, alors que l’on a vécu une perte majeure et irréversible. On m’a invitée à me changer les idées, à sortir, à faire des projets alors que je n’étais même pas en état d’y penser.

À la place, je préférerais tellement que l’on me fasse parler d’eux, raconter des anecdotes pour avoir l’impression qu’ils restent un peu présents et que leur vie a compté. Que l’on ne compare aucune mort à une autre, car chacune est unique. Que l’on me dise aussi que ce que je ressens est normal, même si affronter ces décès en peu de temps n’est pas normal. Et que l’on respecte ma volonté de faire les choses à mon rythme. » - Stéphanie

« Faites comme vous le sentez, n’écoutez pas les autres »

« Ma fille de 46 ans est décédée en juillet dernier. La mort de ma fille adorée m’a plongée dans un profond désespoir qui fait que j’ai des pensées suicidaires. C’est un tabou. C’est tout juste si on ne me traite pas de mère indigne car j’ai la “chance” d’avoir un autre enfant auquel IL FAUT, JE DOIS penser.

J’ai surtout aimé ceux qui n’ont rien dit tout en me serrant dans leurs bras et en pleurant avec moi. Une toute jeune employée de ma pharmacie m’a dit les mots que j’ai le plus appréciés au moment où je ne savais plus comment simplement survivre au prochain jour : “Faites comme vous le sentez, n’écoutez pas les autres.” La route du deuil est infinie pour une mère. » - Evelyne

Être là, sans chercher à se donner bonne conscience

« En 2021, j’ai perdu ma compagne Emma d’une rupture d’anévrisme. Cet évènement, personne dans mon entourage ne l’a vécu (heureusement). Personne ne peut savoir ce que je traverse, personne ne peut s’associer à moi dans ce moment.

J’ai donc détesté toutes les phrases du style “on est là”, “appelle-nous”, “si tu as besoin de quelque chose”, “tu vas voir je vais venir chez toi et ne pas te lâcher”. Toutes ces phrases sont uniquement là pour donner bonne conscience à ceux qui les formulent. J’ai été touché par les personnes que j’ai senties réellement touchées en retour et qui tout simplement n’ont rien dit. Elles étaient là et n’ont pas prétendu être source de bien-être.

La perte d’un être cher est une souffrance à vie. La seule chose que l’on puisse apporter c’est de poser une main sur l’épaule mais surtout de ne rien dire. Quoi qu’il arrive, cela tombera à côté. » - Luc

Pas d’incitations à « aller de l’avant »

« Il y a deux ans, j’ai perdu mon fils, décédé cinq semaines après sa naissance. Comme il s’agit de la mort d’un bébé, plusieurs personnes ont cru nous réconforter en nous disant que nous étions encore jeunes et que nous pouvions “refaire” un enfant rapidement. Cette négation de la valeur de l’existence de notre enfant d’une part, et de l’intensité de notre douleur d’autre part, m’a blessée. De même pour les incitations à “aller de l’avant” et à “ne pas ressasser” : on ne dépasse jamais la mort d’un enfant, on apprend simplement à vivre avec son absence, et la douleur est légitime.

Il y a également des silences qui blessent. Je n’ai pas toujours bien vécu le fait que des gens parfois très proches cessent complètement, passés quelques mois, d’évoquer notre bébé ou de nous demander comment nous allions à ce sujet.

J’ai été particulièrement touchée par la lettre d’une amie m’indiquant que cela lui ferait plaisir que je lui parle de mon bébé, de la petite personne qu’il avait été, de ses petites habitudes, de ses goûts, de ses mimiques, etc. Cela m’a fait beaucoup de bien que l’on envisage mon enfant autrement que comme un enfant mort, que l’on considère qu’il avait vécu et que si cette vie avait été brève, elle n’en avait pas été moins riche.

De façon générale, j’ai été touchée par les petits mots ou attentions qui montraient que notre enfant n’avait pas été oublié, car c’est aussi une particularité du deuil périnatal que l’enfant n’ait laissé presque aucune trace de son existence, et bien souvent les parents ont l’impression d’être seuls à porter le deuil. » - Marion

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