Les devoirs du soir à l’école primaire, ça ne plaît pas à tout le monde, mais ces trois instits sont toujours pour
ÉDUCATION - C’est un rituel pour des milliers d’élèves de primaire : à leur retour de l’école ou à l’étude, ouvrir leur agenda pour y trouver les devoirs à faire pour le lendemain. Et y consacrer ensuite entre 15 minutes et parfois plus d’une heure, en fonction de leur niveau scolaire mais aussi, bien souvent, du degré d’exigence de leur instituteur (et de leurs parents).
Les devoirs du soir ou le cauchemar des familles
Dictée à apprendre, poésie et tables de multiplication à mémoriser, additions à poser… Sujet de débat récurrent lors des conseils de classe, les devoirs à la maison ne sont pas perçus de la même manière selon que l’on est enfant, enseignant, ou parent d’élève. Corvée pour les premiers, ils peuvent, si l’on en croit ceux qui les donnent, s’avérer utiles aux élèves.
Tisser un lien avec les familles
Elsa, enseignante en CE1-CE2 dans une école de Nantes, imagine ainsi les devoirs comme « un pont entre l’école et la maison ». Un constat que partage Jeanne*. Invoquant la notion de « coéducation » pour parler de l’alliance éducative qui se noue entre les parents et l’école, cette institutrice de la Somme considère aussi les devoirs comme étant « indispensables pour créer du lien avec les familles, en particulier dans des écoles en proie à une grande précarité sociale ».
Les devoirs scolaires jouent aussi, selon les deux professeures, un rôle essentiel sur les apprentissages. « Ils permettent de revoir au calme les notions qu’on a abordées dans la journée ou dans la semaine », explique Jeanne, tandis qu’Elsa voit dans les poésies un moyen d’« entraîner sa mémoire ». Jeanne revendique de donner « tous les soirs » du travail à la maison à ses élèves. Mais elle insiste : jamais à l’écrit. « En général, je donne à revoir un petit texte déjà lu en classe, des mots de dictée à apprendre et une leçon à relire, pas plus. »
Chez les plus grands, les devoirs ont une autre fonction : celle « d’apprendre à apprendre » pour les préparer au collège. « Ça leur donne des habitudes de travail, ça va les responsabiliser », explique Clémence*, qui enseigne à des CM1 dans une école du Loiret. Mais c’est en classe que cette autonomie s’acquiert. « Ça ne sert à rien de dire aux élèves : “apprenez vos mots de dictée” si on ne leur a pas appris comment faire. »
Les devoirs écrits sont interdits depuis 1956
Un texte à relire, une leçon à revoir : en réalité, les professeurs des écoles qui se contentent de donner ces tâches à leurs élèves se conforment à la loi. En 1956, une circulaire a établi qu’« aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors de la classe ». Si elle a depuis été remplacée par d’autres textes plus adaptés, « l’interdiction formelle des devoirs écrits à la maison pour élèves du premier degré » a encore été confortée par une loi de 2013.
Ce qui n’empêche pas les instituteurs de déroger à cette règle. « Je peux ponctuellement demander de poser une ou deux opérations à la maison, mais je ne sanctionne jamais quand ça n’a pas été fait », affirme Elsa. Pour Jeanne, ce ne sont pas tant les devoirs écrits que la charge de travail que l’on donne aux élèves qui pose problème. « Certains collègues ont pour habitude de mettre des tartines de devoirs pour pousser les enfants au maximum. Et en donner beaucoup, c’est créer des inégalités », observe-t-elle.
Un vecteur de tensions et d’inégalités
Car les devoirs à la maison ont aussi leurs détracteurs. Parmi eux, la Fédération des Conseils de Parents d’Élèves (FCPE), premier syndicat de représentants des parents d’élèves dans le primaire et le secondaire, qui milite pour la fin du travail scolaire à domicile. « Toutes les familles n’ont pas forcément la possibilité d’assurer la continuité à la maison », rappelle Abdelkrim Mesbahi, qui préside la FCPE. Un constat que partage Elsa, qui souligne qu’à l’école, tous les enfants ne partent pas sur un pied d’égalité. « Il ne faut en aucun cas que les devoirs les mettent en difficulté, ce n’est pas leur objectif. Il faut aussi prendre en compte que certains parents ne maîtrisent pas ou peu la langue et que des enfants n’ont pas de matériel pour travailler à la maison. »
L’autre problème, c’est la pression que les devoirs font peser sur les enfants, en particulier dans les familles où ils sont perçus comme indispensables à la réussite en classe. Et où on n’hésite donc pas à y passer plus d’une heure. « Quand il y a des pleurs, des cris, du chantage, c’est contre-productif », martèle Elsa, qui recommande d’ici consacrer 20 minutes, « 30 maximum » chaque soir. D’autant, rappelle Jeanne, qu’« un élève peut passer trois heures sur ses devoirs et être encore en échec ».
Faire les devoirs à l’école, une solution qui divise
Comment faire du travail à la maison un levier de réussite pour tous les enfants ? Elsa et Jeanne citent « l’aide aux devoirs à l’école après le temps scolaire » ou « étude », qui permet aux élèves de travailler en groupe avec l’appui d’un professeur. Mais le dispositif est loin d’être parfait : souvent limité en nombre de places, il présuppose une autonomie des enfants. À la FCPE, on regrette aussi qu’il soit dans la majorité des communes « payant et mal adapté ». « Et comme il est non obligatoire, il crée encore des inégalités », constate Abdelkrim Mesbahi, qui prêche de son côté pour la réintégration des devoirs sur le temps scolaire, par exemple sur « la demi-heure entre la récréation de l’après-midi et le départ des enfants le soir ».
Mais cette solution ne convainc pas les institutrices. « À la fin de la journée, les élèves n’en peuvent plus, ils ont besoin d’une pause avant d’enchaîner sur les devoirs », avance Elsa tandis que Jeanne craint que cela fasse sauter « toutes les matières dans lesquelles les gamins s’éclatent : les arts plastiques, l’éducation musicale, l’EPS » et qui participent aussi à l’épanouissement des élèves en difficulté. Reste une dernière approche : des devoirs courts et surtout ludiques, pour susciter l’envie d’apprendre. Des cocottes en papier pour réviser seul les tables de multiplication ou un jeu de cartes qui familiarise avec la grammaire, par exemple. « C’est en passant par le jeu qu’on crée l’engouement », conclut Clémence.
*Les prénoms ont été modifiés.
À voir également sur Le HuffPost :