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Deuxième débat LR: L'unité se heurte au mur Zemmour et ses propos sur Hollande

Les cinq candidats au Congrès LR, lors du deuxième débat organisé par BFMTV et RMC, le 14 novembre 2021 (Photo: Capture BFMTV / RMC)
Les cinq candidats au Congrès LR, lors du deuxième débat organisé par BFMTV et RMC, le 14 novembre 2021 (Photo: Capture BFMTV / RMC)

POLITIQUE - Ils font tout pour afficher leur “unité”, jusqu’à se recueillir côte à côte sur la tombe du Général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises, le jour anniversaire de sa mort, le 9 novembre.

Car les Républicains, malgré les divisions du passé, ont encore beaucoup en commun, à commencer par les questions d’immigration et de sécurité qui ont occupé près de deux heures de débat ce dimanche 14 novembre, sur les deux heures et demie initialement prévues par BFMTV, deux semaines avant le vote des adhérents au congrès du 1er au 4 septembre.

“On aura la capacité, quel que soit le vainqueur, et je souhaite que ce soit moi, à faire ce grand projet pour la sécurité”, a conclu Éric Ciotti, très au fait de ces questions pour les porter au sein du parti depuis dix ans. Hormis quelques propositions chocs, comme le rétablissement du droit du sang défendu par Éric Ciotti et refusé par Valérie Pécresse, qui préfère qu’on “choisisse la France” ou le rétablissement d’un décret de 2012 pour qu’“aucune personne entrée illégalement ne puisse être naturalisée”, pour Xavier Bertrand, qui assume, lui aussi “une politique de fermeté”, peu de différences flagrantes ont émergé entre les candidats qui se citaient souvent et affichaient surtout leurs nuances. Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Michel Barnier étant alignés sur la proposition de quotas annuels votés par le Parlement, après le moratoire de trois ans pour le Savoyard.

Débats techniques, parfois caricaturaux

Mais derrière ces débats souvent techniques, parfois caricaturaux -on a passé plusieurs longues minutes à écouter comment Valérie Pécresse mettrait à la casse les motos des rodéos urbains ou irait chercher les auteurs à la sortie des plateaux de télévision quand ils sont invités chez Hanouna; ou Éric Ciotti qui refuse les femmes voilées dans les hôpitaux, mais “pas dans le service des urgences”- ce sont sans surprise sur les positions d’Éric Zemmour que les divergences se font jour.

Dès le début du débat, et tout au long des échanges sur les questions de sécurité ou d’immigration, Éric Ciotti a repris les arguments du polémiste, parfois au mot ou au chiffre près, notamment sur les 2 millions d’immigrés qui seraient arrivés sur le sol français depuis 2017, un chiffre contesté et cité par Éric Zemmour lors de son débat face à Jean-Luc Mélenchon sur la même antenne le 9 octobre. Il a aussi pointé l’immigration “arabo-musulmane” qui “menace la France héritière des Lumières et notre civilisation judéo-chrétienne”. Pas d’opposition de la part de ses concurrents.

En revanche, c’est sur la récente passe d’armes entre Éric Zemmour et François Hollande à propos de la “responsabilité criminelle” de ce dernier, dénoncée par le premier dans les attentats du 13 novembre 2015 sur les lieux des drames et devant le Bataclan, que la différence, de taille au plan politique, s’est fait sentir.

“Je ne me laisserai pas enfermer dans le politiquement correct de commentateurs qui bornent le camp du bien ou du mal et qui autorisent à dire ou à ne pas dire”, commence d’emblée le candidat niçois, qui se prononce pour “un quoi qu’il en coûte sécuritaire” et qui entend “dire la vérité dans cette campagne”.

Oui, il y a un lien entre immigration, islamisme et terrorismeValérie Pécresse, candidate au congrès LR

“Dans les 43 terroristes qui ont commis des attentats en France depuis 2015, 90% sont soit étrangers soit issus de l’immigration, c’est-à-dire ‘Français de papiers’ qui nourrissent une haine de la France”, appuie encore Éric Ciotti. Une expression appréciée de l’extrême droite qu’il a précisé utiliser pour parler seulement des terroristes.

“Le 13 novembre, il est d’évidence, le procès qui s’est déroulé l’a démontré, que la plupart des auteurs de cet attentat terrifiant sont rentrés à cause de la naïveté de l’Europe par ces flux”. Une affirmation doublement fausse. Trois des accusés sur les vingt en ce moment jugés au procès des attentats qui n’est pas terminé sont en effet passés par ce flux. Les autres étaient de nationalité belge, française, ou belgo-marocaine.

Valérie Pécresse n’était pas si loin du député des Alpes-Maritimes. Dès le début du débat, elle a fait un lien très net entre “immigration, islamisme et terrorisme”. “On savait que des personnes de Daech s’infiltraient, j’avais interpellé Bernard Cazeneuve sur ce sujet à l’époque qui m’avait dit: ’rassurez-vous, Madame la députée, nous filtrons et nous vérifions’”, rapporte la présidente de la région Île-de-France, qui va dans le sens d’Éric Ciotti, sans plus de précision sur les chiffres: “La vérité, c’est que beaucoup d’islamistes sont passés par ces routes migratoires”.

Philippe Juvin se détache des deux premiers intervenants en insistant sur le fait que François Hollande n’a ”évidemment pas une responsabilité personnelle”, mais “il été mauvais et un très mauvais président”, a-t-il ajouté.

Plus grave, Michel Barnier a tenu à exprimer que “le jour du sixième anniversaire des attentats de Paris, faire cette provocation n’est pas très digne. Hier, nous avons tous pensé à ces familles, cela méritait davantage de respect que cette polémique”, lance l’ancien négociateur du Brexit. ”Maintenant, le lien existe entre immigration et terrorisme”, s’est-il empressé d’ajouter, conscient que le cœur de certains adhérents LR peut basculer vers un vote Éric Zemmour.

Faire cette provocation n’est pas très digne. Cela méritait davantage de respect que cette polémiqueMichel Barnier, candidat au congrès LR

Même tonalité pour Xavier Bertrand qui s’est voulu plus attaquant sur Éric Zemmour que ses adversaires. “Oui, les terroristes islamistes profitent de l’immigration clandestine pour s’introduire dans notre pays et on doit les combattre”, commence-t-il, avant de s’en prendre directement au polémiste: “En cette journée anniversaire, on attendait de la dignité et du respect; visiblement dignité et respect ne sont pas deux notions qui habitent Monsieur Zemmour”, a-t-il lancé.

Le président des Hauts-de-France, qui s’est toujours positionné comme un adversaire féroce du RN dans sa région, a résumé ainsi sa doctrine: ”Je ne laisserai personne être jugé sur sa couleur de peau, son origine ou son prénom, mais je serai intraitable avec celui qui ne respecte pas la loi de la République, quelle que soit sa couleur de peau, son origine ou son prénom”. Une façon de se différencier clairement d’Éric Zemmour qui a affirmé que les prénoms d’origine étrangère donnés aux futurs enfants seraient bannis s’il était président.

C’en est trop pour Éric Ciotti qui reprend la main: “Je suis quand même étonné, chacun est libre, je ne vais pas juger ce que fait l’un ou l’autre”, a-t-il soutenu, se plaçant ainsi comme seul défenseur du polémiste dans ses attaques ciblées contre l’ex-président Hollande. Et de conclure, comme s’il sous-entendait que ses adversaires étaient quasiment de gauche: ”Il peut dire ce qu’il veut où il veut. Pourquoi ce procès de Moscou?”.

Ce n’était en tout cas pas l’esprit de ce débat -qui aura finalement duré près de trois heures- où l’on a peu vu d’affrontements directs. À plusieurs reprises, Valérie Pécresse a fait valoir sa vision en tant que femme et ne s’est pas privée de conclure sur ce thème: “Je ne peux pas travailler avec quelqu’un qui a une vision de la femme comme celle d’un être inférieur”.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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