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La Corée du Sud suggère que le Nord soit suspendu de l'Onu

par Stephanie Nebehay et Joseph Sipalan GENEVE/KUALA LUMPUR (Reuters) - La Corée du Sud a demandé mardi à ce que des sanctions soient prises "collectivement" à l'encontre de la Corée du Nord pour avoir eu recours à une arme chimique pour faire tuer le demi-frère de son dirigeant Kim Jong-un, alors que les deux femmes soupçonnées d'être les meurtrières sont sur le point d'être officiellement inculpées. Les deux femmes, une Indonésienne et une Vietnamienne, devraient être inculpées mercredi. Elles sont accusées avoir répandu sur le visage de Kim Jong-nam, demi-frère de Kim Jong-un, un agent neurotoxique, le VX, rangé par les Nations unies dans la catégorie des armes de destruction massive. L'attaque a eu lieu le 13 février dernier à l'aéroport de Kuala Lumpur, la capitale malaisienne, alors que Kim Jong-nam s'apprêtait à prendre un avion pour Macao, territoire chinois où il vivait en exil, sous la protection de Pékin. Pour les Etats-Unis et la Corée du Sud, Kim Jong-nam a été victime d'un assassinat orchestré par Pyongyang. Kim Jong-nam, qui critiquait la dynastie au pouvoir à Pyongyang, s'était montré critique envers le régime communiste dynastique incarné par son demi-frère. A Genève, devant la conférence des Nations unies sur le désarmement, le ministre sud-coréen des Affaires étrangères, Yun Byung-se, a réclamé des "mesures collectives" contre Pyongyang, y compris la suspension de son statut de pays membre de l'Onu. "Beaucoup de médias internationaux ont souligné que l'utilisation par la Corée du Nord d'armes chimiques pour ce meurtre ciblé dans un pays tiers a envoyé au monde un message très clair", a déclaré Yun Byung-se. "A savoir que ce régime brutal impulsif, imprévisible et qui a la gâchette facile est prêt à, et veut, frapper quiconque, à tout moment et n'importe où". ABJECTS La Corée du Nord a vivement répliqué. "La Corée du Nord rejette totalement les propos abjects, irresponsables, impertinents et contradictoires de la Corée du Sud", a déclaré le diplomate nord-coréen Ju Yong Choi lors de la conférence. "La RPDC n'a jamais produit ni entreposé, ni utilisé des armes chimiques, et notre position est claire. Nous rejetons catégoriquement les affirmations et les spéculations qui ont été faites sur cette affaire en Malaisie", a-t-il dit. Le VX est l'un des agents chimiques les plus mortels qui soient, bien plus puissant que le sarin, gaz utilisé en Syrie en 2013 et dans un attentat dans le métro de Tokyo en 1995. "Quelques grammes de VX suffisent pour tuer en masse", a déclaré le ministre sud-coréen des Affaires étrangères. "La Corée du Nord n'aurait pas seulement quelques grammes, mais des milliers de tonnes d'armes chimiques dont du VX dans tout le pays", a-t-il dit. "Ce récent assassinat est une piqûre de rappel pour nous tous de la capacité de Corée du Nord en armes chimiques et de son intention de les utiliser." L'utilisation du VX est une "violation patente du droit international" et de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC) de 1993 qui en interdit la production, le transfert et l'utilisation, a-t-il fait valoir. La Malaisie est partie à ce traité mais pas la Corée du Nord. Une fois que les autorités malaisiennes auront publié le résultat de leur enquête, le Conseil de sécurité des Nations unies et les Etats parties à la Convention devront se saisir de l'affaire en priorité, estime le chef de la diplomatie sud-coréenne. DROITS ET PRIVILÈGES Parmi les "mesures collectives" qu'il appelle de ses voeux, il a cité "la suspension des droits et des privilèges de la Corée du Nord en tant que membre de l'Onu", a-t-il dit. La Malaisie a identifié huit Nord-Coréens soupçonnés d'implication dans le meurtre de Kim Jong-nam, dont l'un est en détention. Les deux femmes soupçonnées d'avoir commis le meurtre, la Vietnamienne Doan Thi Huong, et l'Indonésienne Siti Aishah seront formellement inculpées mercredi en vertu de la section 302 du code pénal. Elles sont passibles de la peine de mort, a précisé le procureur général de Malaisie, Mohamed Apandi Ali. Par l'intermédiaire de diplomates de leurs pays, elles ont fait savoir qu'elles avaient été payées pour participer à ce qu'elles croyaient être une farce pour un jeu de téléréalité. Doan Thi Huong, interpellée 48 heures après le meurtre, est soupçonnée d'être la femme portant un tee-shirt blanc avec la mention "LOL" qui apparaît sur les images de l'assassinat enregistrées par les caméras de sécurité. Fille d'un riziculteur du nord du Vietnam, elle a quitté le foyer familial il y a une dizaine d'années à sa majorité et travaille, selon la police malaisienne, comme "hôtesse de divertissement". L'Indonésienne, interpellée au lendemain de l'arrestation de Huong, dit avoir été payée 90 dollars pour ce qu'elle qualifie de jeu pour la télévision. Avant de quitter son pays pour chercher du travail en Malaisie, déclarent ses anciens voisins en Indonésie, elle menait une vie paisible, travaillant à domicile dans l'atelier de textile de son ex-mari. La police malaisienne a déclaré que les deux femmes savaient ce qu'elles faisaient en attaquant Kim Jong-nam, qui est mort une vingtaine de minutes après son agression, et qu'elles avaient reçu instruction de se laver les mains après leur geste. Siti Aishah est tombée malade et a vomi à plusieurs reprises en garde à vue, ce qui pourrait être un effet secondaire du VX, ont ajouté les enquêteurs. L'ambassade d'Indonésie a déclaré que la jeune femme était en bonne santé. (Jean-Stéphane Brosse, Eric Faye et Danielle Rouquié pour le service français)