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"Deux fois la dose létale de Tramadol": une famille sans réponse deux ans après la mort de leur mère

Liliane Deteve, 77 ans, est morte le 31 août 2020 au CHU d'Amiens, dans la Somme, après avoir reçu deux fois la dose létale de Tramadol, un puissant antalgique. Sa famille est toujours en quête de réponses.

Il est 1h05 ce 30 août 2020 quand le mari de Liliane Deteve appelle les pompiers. Sa femme âgée de 77 ans a fait une chute de 20 centimètres dans la maison familiale à Amiens. Lorsqu'elle est prise en charge par les pompiers, elle souffre de douleurs au poignet et au genou. Un peu moins de 29 heures plus tard, la septuagénaire est découverte morte dans son lit au CHU d'Amiens.

Que s'est-il passé? Comment une femme, au demeurant en bonne santé et hospitalisée pour des troubles bénins, a-t-elle pu mourir? "Je ne savais même pas que ma mère avait été hospitalisée, j'ai appris le lundi matin au travail qu'elle était morte, témoigne auprès de BFMTV.com son fils Rodolphe. Quand vous avez une personne en bonne santé qui décède, ce n'est pas normal. Pour moi, on ne meurt pas d'un genou et d'un poignet foulé."

Deux fois la dose létale de Tramadol

Le 30 août 2020, Liliane Deteve arrive aux urgences vers 1h50. Elle est conduite par des pompiers, son époux souffrant d'une forte insuffisance rénale ne peut l'accompagner. La septuagénaire est prise en charge à 4 heures du matin, à 7 heures elle est admise dans le service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique. Entre temps, elle a reçu du paracétamol. La suite de sa prise en charge thérapeutique était prévue pour le lundi matin, preuve que son état n'avait rien de préoccupant.

La patiente décède le 31 août à 5h50 d'un arrêt cardio-respiratoire. Le lendemain, les enfants de la défunte se rendent à l'hôpital. Ils veulent comprendre ce qu'il s'est passé. "On a été reçu par un interne, il cherchait ses mots, l'équipe ne savait même pas dans quelle chambre était ma mère, à un moment, il m'a proposé une autopsie, ce n'était pas de gaieté de cœur mais nous avons accepté."

L'examen est réalisé, les conclusions tombent. Trois jours après son décès, Liliane Deteve avait encore 4.080 ng/ml de Tramadol dans le sang. Ce médicament est un puissant antalgique pour lutter contre la douleur. "La dose classique est de 100 à 800 ng/ml, la dose toxique de 1.000 ng/ ml et la dose létale de 2.000 ng/ml, détaille Me Nedjma Abdi, l'avocate de la famille Deteve. Là, il s'agit de deux fois la dose létale."

"On pourrait se dire qu'il s'agit d'une erreur médicale mais à cela s'ajoute le fait qu'aucune prescription de Tramadol n'a été retrouvée, il n'y a aucune ordonnance, poursuit l'avocate. Il s'agit d'une question d'ordre pénale."

Une plainte en 2020

La famille de Liliane Deteve porte plainte en octobre 2020 auprès du procureur de la République pour "homicide volontaire". Une information judiciaire a été ouverte, mais à ce jour, le mari et les enfants de la défunte n'ont toujours aucune réponse. Pourquoi du Tramadol a été administré à la septuagénaire, alors que cette molécule lui était contre-indiquée? Surtout, qui lui a fait cette administration? Un membre de l'équipe médicale? Un tiers venu de l'extérieur?

"La famille est persuadée que c'est volontaire", explique Me Abdi, qui confirme que le médecin traitant de Liliane Deteve qui l'avait vue en consultation deux jours avant sa mort n'avait pas relevé de problèmes médicaux particuliers.

Pourtant quand des membres de sa famille la visite le dimanche après-midi, ils trouvent la septuagénaire visiblement lasse. Un état qui interroge sa famille qui croit à une "sédation".

Contactée par BFMTV.com, la direction du CHU d'Amiens n'a pas répondu à nos sollicitations. Juste après la mort de Liliane Deteve, ses proches ont été reçus par le médecin médiateur de l'hôpital. Dans son rapport, que nous avons pu consulter, le professionnel explique que "personne ne comprend d'où pouvait venir cette dose toxique de Tramadol".

"Je n'ai trouvé aucune explication à ce résultat, ni dans le dossier médical dans lequel aucune prescription de ce produit n'est mentionnée", indique le médecin. Depuis, ils n'ont plus eu de contact avec le CHU.

"Ça pourrait arriver à la mère de n'importe qui, déplore Rodolphe Deteve, le fils de la victime. Nous n'en pouvons plus d'être dans le silence depuis deux ans, ils nous doivent des explications. Des erreurs, ça arrive, mais il faut les assumer."

Article original publié sur BFMTV.com

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