Deux ex-agents secrets soupçonnés de trahison au profit de la Chine face à la justice

C'est un procès extrêmement rare, digne d'un film d'espionnage, qui démarre ce lundi. Deux anciens agents secrets français sont soupçonnés de trahison en faveur des services chinois. Pierre-Marie H. et Henri M. comparaissent devant la Cour d’assises spécialisée en matière militaire de Paris pour "livraison d'information à une puissance étrangère", "atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation", et "intelligence avec une puissance étrangère".

L’épouse de Pierre-Marie H., Laurence H., est également jugée pour "recel de bien provenant d'intelligence avec une puissance étrangère de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation".

L'affaire a éclaté publiquement en mai 2018. À l’époque, la ministre des Armées, Florence Parly, avait décrit des faits d’une "extrême gravité" impliquant des agents de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) "soupçonnés d'avoir commis des actes susceptibles de mettre en cause les secrets de la défense nationale".

Mais les autorités sont restées très évasives sur les faits commis et n'avaient, à ce moment-là, pas dévoilé au profit de quel pays les agents auraient trahi la France.

Difficultés financières, frustration et séduction

Selon plusieurs médias, les deux agents déchus auraient espionné le renseignement extérieur français pour le compte de Pékin. Les deux hommes se sont rencontrés au contre-espionnage à la DGSE et auraient été approchés par les services chinois "sur fond de difficultés financières et de frustration professionnelle et, sans doute, également en faisant appel au ressort de la séduction", livre une source proche de l’enquête au Parisien.

En 1997, Henri M. est nommé représentant officiel de la DGSE à Pékin, où il occupe le poste de deuxième secrétaire à l'ambassade. Mais il est rappelé en France au début de l’année 1998, après avoir entamé une liaison avec l'interprète chinoise de l'ambassadeur, qui aurait rendu compte de ses activités au ministère de la Sécurité de l'Etat (MSE), le principal service de renseignement chinois, précise le quotidien.

Il est finalement évincé de la DGSE en 2000 et part s’installer sur l'île de Hainan, dans le sud de la Chine, où il épouse l'ex-interprète. Pourquoi a-t-il fallu plus de 17 ans pour qu’il soit interpellé? Il y aurait eu, selon un bon connaisseur du dossier, une faille au sein de la DGSE et Henri M. n'aurait pas été surveillé pendant des années après son départ à la retraite.

"Ils ont pu communiquer les savoir-faire" de la DGSE

Pierre-Marie H., lui, n'a jamais été en poste à l'étranger, astreint aux tâches administratives à la DGSE. La justice soupçonne Henri M., alors retraité, d'avoir contribué au recrutement de Pierre-Marie H. - toujours en activité, mais en mal de reconnaissance et d’argent - au sein des services chinois.

"Ils connaissent parfaitement tous les deux les façons de faire de la DGSE, ils ont pu communiquer ses savoir-faire à la partie chinoise. De même pour des éléments du dispositif de renseignement que la France peut avoir en Chine", explique à BFMTV le journaliste Franck Renaud, auteur du livre Les Diplomates.

"C'est une affaire qui a posé pas mal de problèmes à la DGSE, qui a dû rapatrier des yeux et des oreilles du dispositif qu'elle avait installé en Chine", ajoute-t-il auprès de l’AFP.

Henri M., Pierre-Marie H. et son épouse Laurence H. ont été interpellés en 2017 à la suite du signalement fait par le patron de l’époque de la DGSE. Si les soupçons de trahison sont avérés, cette affaire pourrait leur coûter jusqu’à 15 ans de prison. Elle mettrait également en lumière la menace d’espionnage qui pèse sur les services de renseignement français. Le verdict est attendu le 10 juillet.

Article original publié sur BFMTV.com