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Deutsche Bank se cherche un nouveau patron

par Andreas Framke et Tom Sims

FRANCFORT (Reuters) - Deutsche Bank s'est lancée dans la recherche d'un nouveau président du directoire, ont déclaré mardi deux sources proches du dossier, les investisseurs s'impatientant de la lenteur du redressement de la banque allemande.

Paul Achleitner, le président du conseil de surveillance, a mis en oeuvre la procédure de recherche d'un successeur à John Cryan, le président britannique du directoire de la banque qui est en poste depuis moins de trois ans, ont ajouté les sources.

Selon un banquier s'exprimant sous couvert d'anonymat, la banque allemande ne peut pas faire grand-chose pour améliorer rapidement sa situation.

"Nous ne pouvons pas réduire les coûts à court terme sans sacrifier les revenus", a-t-il déclaré.

"Ce sur quoi nous travaillons, c'est de changer la procédure à long terme. C'est un vrai moyen de réduire les coûts, mais cela prend du temps", a-t-il ajouté.

Deutsche Bank s'est abstenu de tout commentaire.

La recherche d'un nouveau patron, dont la procédure n'en est qu'à ses débuts, et l'invitation à la patience surviennent après plusieurs avertissements de la banque ces dernières semaines.

Le 21 mars, Deutsche Bank a averti que l'euro fort et la hausse des coûts de financement devraient avoir un impact négatif de 450 millions d'euros sur ses résultats du premier trimestre 2018.

Une semaine plus tôt, la banque avait annoncé une perte de 2017 encore plus lourde que celle publiée en février, à 735 millions d'euros.

Lundi, le Times avait rapporté que Deutsche Bank cherchait à remplacer John Cryan sur fond de tensions au sein du conseil de surveillance concernant les performances et l'avenir de la première banque allemande.

Richard Gnodde, un cadre dirigeant de Goldman Sachs, a été contacté pour succéder à John Cryan, mais celui-ci aurait décliné la proposition, croit savoir le journal britannique.

Les noms de Jean-Pierre Mustier, administrateur délégué d'UniCredit, et de Bill Winters, directeur général de Standard Chartered, ont aussi été avancés, selon le quotidien.

Les banques citées n'ont pas souhaité s'exprimer ou n'étaient pas disponibles dans l'immédiat.

Toutes les personnes évoquées par le Times ont refusé l'offre de Deutsche Bank, a déclaré à Reuters l'une des deux sources proches du dossier.

"Le fait est qu'à l'heure actuelle Achleitner n'a rien trouvé", a déclaré la source, se référant au président de la banque qui superviserait la nomination d'un nouveau responsable exécutif.

PAS D'OPA

Sous la direction de John Cryan, Deutsche Bank est parvenu à stabiliser sa situation alors que des rumeurs à la fin 2016 laissaient entendre que la banque aurait besoin d'un plan de renflouement de l'Etat.

Mais la fragilité persistante de la banque et son faible cours de Bourse ont ravivé des spéculations selon lesquelles elle pourrait être à la merci d'une OPA, ce que dément toutefois le banquier s'exprimant anonymement.

"Personne ne veut" racheter Deutsche Bank, a-t-il dit.

"Nous devons montrer que nous pouvons relancer la croissance des revenus avant d'être attractifs. De plus, il s'agit tout de même de Deutsche Bank; on ne nous met pas la main dessus comme ça".

La banque a augmenté ses fonds propres et enregistré des progrès dans la banque de détail. La semaine dernière, elle a franchi une étape importante de son redressement en introduisant en Bourse sa filiale de gestion d'actifs DWS.

Mais des informations font état d'une divergence de vues au sommet de la banque.

Kim Hammonds, qui siège au directoire, a récemment déclaré que la banque était "l'entreprise la plus dysfonctionnelle" dans laquelle elle ait jamais travaillée, selon le Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung.

INVESTISSEURS MALHEUREUX

Les investisseurs acceptent de moins en moins la lenteur avec laquelle la banque se redresse.

Michael Hünseler, responsable de la gestion de portefeuille de crédits chez Assenagon, raconte avoir rencontré le directeur financier James von Moltke à Francfort l'année dernière aux côtés d'autres investisseurs.

"Nous avons fait savoir clairement que nous sommes frustrés", a-t-il dit.

Depuis lors, les mauvaises nouvelles ont continué à s'accumuler et certains investisseurs veulent désormais qu'on procède au remplacement de John Cryan.

"Je pense qu'un remaniement à la barre est probablement la bonne chose à faire", a déclaré Michael Hünseler. "Je ne crois pas que Cryan ait ce qu'il faut pour faire franchir à Deutsche Bank une nouvelle étape."

Si Paul Achleitner a sondé quelques candidats éventuels, il n'a pas déclenché la procédure de succession officielle.

Mardi, Deutsche Bank a fait état de nouveaux progrès dans sa restructuration en annonçant la vente de son pôle de banque privée et commerciale au Portugal à Abanca pour un montant non divulgué. "Avec cette transaction, Deutsche Bank continue de mettre en oeuvre sa stratégie de recentrage et de simplification", déclare la banque dans un communiqué.

En février, John Cryan avait déclaré que la banque comptait renouer avec la rentabilité cette année, sans plus de précisions. "Les investisseurs de Deutsche Bank ont dû faire preuve de patience", a déclaré James von Moltke, lors d'une conférence à Londres la semaine dernière. "Nous leur demandons de continuer à l'être."

(Wilfrid Exbrayat et Claude Chendjou pour le service français)