Destitution, gouvernement... Ce que se sont dit Emmanuel Macron et le NFP pendant la consultation
Selon des participants à cette réunion entre Emmanuel Macron et les représentants des grandes forces de la gauche, interrogés par BFMTV, le chef de l'État a surtout posé des questions sur les capacités d'ouverture et les exigences du NFP. Un mot est souvent revenu: celui de la stabilité.
Une heure et demie et pas d’incident à signaler. Les représentants du Nouveau Front populaire ont ouvert le bal des concertations entre Emmanuel Macron et les différentes forces politiques du pays.
Ce vendredi 23 août au matin, ils se sont entretenus plus d'une heure avec le chef de l'État, qui souhaite sonder toute la classe politique avant de nommer un gouvernement de coalition pour la rentrée. Des consultattions qui se poursuivent tout au long de la journée et continuent lundi avec l'accueil du Rassemblement national avant de se conclure par un entretien entre les présidents de l'Assemblée et du Sénat.
Si la restitution officielle de cet entretien a été relativement enthousiaste au sortir de l'Élysée en fin de matinée de la part de l'union de la gauche, les coulisses de cette discussion entre les douze membres du NFP et le président de la République dans le Salon Vert de l'Élysée en disent un peu plus sur cette rencontre très politique.
Une délégation de 12 représentants
Ce premier groupe était probablement le plus nombreux de toutes les consultations. Douze représentants en tout, issus de plus grandes forces de la gauche, ont fait face à Emmanuel Macron qui était seul, selon une source présente à cet entretien. Aux côtés de Lucie Castets, la candidate du NFP pour Matignon, se tenaient la cheffe des Écologistes, Marine Tondelier, le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, le secrétaire national des communistes, Fabien Roussel, et le patron des socialistes, Olivier Faure.
Étaient également présents: les chefs des groupes parlementaires à l'Assemblée et au Sénat, dont l'insoumise Mathilde Panot, le socialiste Boris Vallaud et la verte Cyrielle Chatelain, entre autres.
"Un grand oral"
Le président de la République n’est pas rentré dans des propositions personnelles, mais il a interrogé ceux de la gauche qui lui faisaient face, racontent certains membres présents.
"Au début, ça ressemblait à un grand oral avec Castets. C’était un dialogue entre Castets et Macron", confie un participant du NFP à BFMTV.
En introduction, Lucie Castets a présenté la coalition, la démarche et le respect des institutions. Ensuite, le président a enchaîné une série de questions pour tâter le terrain de possibles compromis ou possibles exigences.
"Est-ce qu’il y aurait un gouvernement ouvert à d’autres formations politiques?", a, par exemple, demandé Emmanuel Macron. "Est ce que vous allez utiliser le 49.3?" ou encore "est ce que vous êtes prêt à élargir votre majorité?", a-t-il également questionné selon des participants.
Face à la censure menaçante des forces de la droite, de l'extrême droite et même du camp présidentiel en cas de futurs ministres insoumis, le chef de l'État a préféré poser la question directement au Nouveau Front populaire.
"Est ce qu’il y aurait des insoumis dans le gouvernement?", a ainsi interrogé le locataire de l'Élysée? "Oui", lui a répondu Lucie Castets.
Un seul objectif pour Macron
Selon les dires de certains de ses interlocuteurs, le chef de l'État a semblé guidé par un seul dessein: celui d'assurer une future stabilité institutionnelle. Emmanuel Macron a ainsi évoqué une "situation inédite", raconte à BFMTV un participant.
"Je suis là pour écouter et voir quelles sont les priorités portées par les différentes formations politiques", a expliqué le chef de l'État selon cette même source.
Un autre participant rapporte ces propos du président de la République: "Je cherche à bâtir une solution de stabilité pour le pays". Selon plusieurs d'entre eux, le terme "stabilité" a été utilisé à plusieurs reprises.
La proposition des insoumis d'engager une procédure de destitution a également été abordée. Selon un des représentants, cette menace -non soutenue par le reste de la gauche- a été bien notée par le chef de l'État qui a également jugé que ce n'était pas là un moyen d'apaisement. Les mélenchonistes présents n'ont pas réagi à l'évocation de ce sujet.
Rien ne semble s'imposer
Comme restitué officiellement à la fin de l'entretien par les chefs de la gauche, Emmanuel Macron a également admis que la coalition de gauche était arrivée en tête. Il n'a en revanche pas considéré qu'il faille nécessairement un gouvernement de gauche, selon la lecture que font deux participants de cette réunion.
"Il n’a jamais admis qu’il fallait un gouvernement de gauche. Il n’a pas donné d’indices sur une inflexion à gauche ou à droite du prochain gouvernement. Mais il a dit qu'il fallait qu'il y ait un changement, car il y avait besoin d'un changement", observe un représentant du NFP qui a participé à cette réunion auprès de BFMTV.
"Le président de la République a dit à la fin: 'Vous avez été très clairs, je vais continuer mes consultations' comme si rien ne s’imposait à lui, comme s’il allait composer son marché", a conclu un participant.
Emmanuel Macron s'est contenté de rappeler qu'en 2022 son gouvernement n’avait déjà pas de majorité et qu'il n’avait pas été censuré pour autant, rajoute un membre présent.
Il a enfin évoqué la question de la proportionnelle. Une question qui peut se poser, selon lui, rapporte un invité. Quant au budget 2025 dont les débats parlementaires sont prévus à l'automne, le locataire de l'Élysée n’a pas écarté la notion de dépenses supplémentaires. Même s’il a rappelé qu’il fallait faire des économies, en premier.
Place à l'international
Environ six ou sept questions ont ensuite touché à l'international. Notamment l’Europe, l’Ukraine, le Proche-Orient ou encore la Corse et la Nouvelle-Calédonie.
Lucie Castets a préféré ne pas s'étendre dans ces réponses sur ces sujets, relate un témoin. La future ministrable préférant répéter à l'envi la volonté du NFP d'appliquer son programme tout en cherchant des compromis.
Selon des participants, la candidate à Matignon a assuré que l'union des gauches a écrit aux autres forces politiques et souhaite que la France parle d’une voix à l’international. Sur ce dernier point, le NFP explique avoir apporté des assurances. Face à eux, Emmanuel Macron a pris consciencieusement des notes.
Un nouveau Premier ministre très bientôt?
Une fois les consultations avec toutes les forces politiques terminées -lundi donc-, la nomination d'un Premier ministre pour remplacer le démissionnaire Gabriel Attal pourrait tomber.
Le chef de l'État a évoqué, selon des membres présents à cette réunion, une désignation du futur locataire de Matignon mardi, éventuellement.
Elle devrait en tout cas être "rapide", a rapporté Olivier Faure devant les journalistes, à la sortie de cet entretien, sans donner toutefois de date précise.
Jouant le tout pour le tout, Lucie Castets -dont les jours en tant que candidate à la place de Première ministre sont désormais comptés- a de nouveau dit devant la presse être "prête" à "aller construire (des) coalitions" et à "discuter avec les autres forces politiques pour essayer de trouver un chemin pour assurer la stabilité du pays".