Les manifestants soudanais ne veulent pas du conseil militaire

Le conseil militaire qui a déposé jeudi le président Omar el Béchir a promis vendredi qu'il restituerait le pouvoir à un gouvernement civil et que la période de transition pourrait même ne durer qu'un mois. /Photo prise le 11 avril 2019/REUTERS

par Khalid Abdelaziz

KHARTOUM (Reuters) - Plusieurs centaines de milliers de personnes se sont rassemblées vendredi dans le centre de Khartoum pour protester contre l'instauration d'un conseil militaire et exiger la formation d'un gouvernement civil de transition au Soudan.

Dirigé par le ministre de la Défense Aouad Mohamed Ahmed Ibn Aouf, le conseil militaire qui a déposé jeudi le président Omar el Béchir a promis qu'il restituerait le pouvoir à un gouvernement civil et que la période de transition pourrait même ne durer qu'un mois, mais cette promesse a été aussitôt rejetée par les manifestants.

"Nos demandes sont claires, justes et légitimes, mais les putschistes (du conseil militaire) ne sont pas en mesure d'apporter le changement" réclamé par les manifestants, a réagi l'Association des professionnels soudanais, principal collectif à l'origine des manifestations qui ont provoqué la chute d'Omar el Béchir. "Cela sans parler des demandes pacifiques de transfert du pouvoir à un gouvernement civil de transition."

Le conseil militaire avait indiqué jeudi que la période transitoire durerait deux ans et que des élections seraient organisées dans la foulée.

Il a aussi annoncé qu'Omar el Béchir ne serait pas extradé pour répondre d'accusations de génocide devant la Cour pénale internationale (CPI), mais qu'il pourrait être jugé au Soudan pour les crimes dont il est accusé.

En promettant la mise en place d'un gouvernement civil, le chef du comité politique du conseil militaire, le général Omar Zaïne al Abidine, voulait rassurer les manifestants qui se sont à nouveau rassemblés vendredi dans les rues de Khartoum pour dénoncer la tutelle des militaires, malgré l'état d'urgence proclamés la veille.

L'officier a assuré que l'armée n'avait pas l'intention de conserver le pouvoir et que la solution à la crise viendrait des manifestants.

"Nous sommes les protecteurs des revendications du peuple", a-t-il affirmé. "Nous ne sommes pas avides de pouvoir.

"Il a en outre promis vendredi que le conseil allait consulter les partis politiques, mais la recontre a été reportée à une date non précisée, a annoncé dans la soirée l'agence de presse officielle Suna. Les membres du conseil doivent désigner deux représentants et leurs noms seront dévoilés samedi, ajoute-t-elle.

La foule a commencé à se rassembler dès vendredi matin devant le ministère de la Défense, où de grandes tentes ont été dressées pour distribuer de l'eau et de la nourriture aux personnes présentes.

Le conseil militaire a indiqué qu'il tolérerait les rassemblements pacifiques mais qu'il réagirait en cas d'émeutes ou de tentatives de blocage.

"Il est interdit de porter atteinte à la liberté des autres. Nous serons intransigeants avec quiconque bloque une route ou un pont", a déclaré le général Al Abidine.

Le chef du comité politique du conseil militaire a promis d'aider le futur gouvernement à lutter contre les difficultés économiques qui ont attisé la colère de la rue après une hausse du prix du pain, le 19 décembre.

Le Soudan est empêtré dans une grave crise économique provoquées notamment par des années de sanctions américaines et la perte d'une bonne partie de ses revenus pétroliers lors de la sécession du Soudan du Sud en 2011.

(Avec Ahmed Tolba et Yousef Saba au Caire; Nicolas Delame, Tangi Salaün et Jean-Philippe Lefief pour le service français)