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Les "Gilets jaunes" continuent, le gouvernement inflexible

PARIS (Reuters) - Le mouvement des "Gilets jaunes" s'est poursuivi lundi avec de quelque 350 actions partout en France, deux jours après le début d'une mobilisation spontanée que le gouvernement cherche à endiguer tout en martelant sa volonté de tenir son cap sur la fiscalité de l'essence et du diesel.

Des manifestants, moins nombreux que lors de la journée test du 17 novembre mais décidés à faire plier l'exécutif, ont dressé de nouveaux barrages filtrants sur plusieurs axes routiers et sur les voies conduisant à des dépôts pétroliers.

Selon une source proche des forces de l'ordre, environ 350 actions ont été lancées lundi (rassemblements, barrages filtrants, opérations escargot, etc).

Le ministre de l'Intérieur a évoqué devant la presse une "mobilisation en décrue continue" et avancé le chiffre de 27.000 manifestants "au pic de la journée".

Depuis samedi, le mouvement a fait 528 blessés dont 17 graves, a poursuivi Christophe Castaner qui a aussi évoqué "92 blessés dont deux graves" dans les rangs des forces de l'ordre. Dans l'Aisne, un gendarme a eu trois jours d'incapacité de travail après avoir été "agressé", a-t-il rapporté.

Total, qui exploite neuf dépôts en France, a confirmé à Reuters le blocage des sites de Fos-sur-Mer, près de Marseille (Bouches-du-Rhône), et de Vern-sur-Seiche, dans l'agglomération de Rennes (Ille-et-Vilaine).

A La Rochelle (Charente-Maritime), la police a levé le barrage installé par les "Gilets jaunes" dans la nuit de dimanche à lundi devant les dépôts de La Pallice.

Les forces de l'ordre sont également intervenues pour dégager les voies sur le pont d'Aquitaine, à Bordeaux, ainsi que sur l'autoroute A7, à la sortie d'Avignon (Vaucluse).

MANIFESTATION SAMEDI A PARIS ?

"J'en appelle à la responsabilité et au respect mutuel", a dit Christophe Castaner, qui a dit avoir demandé de "dégager systématiquement les dépôts pétroliers et les sites sensibles."

La grogne touche aussi les départements d'Outre-mer comme la Réunion, en grande partie paralysée lundi. Les commerces y ont pratiquement tous baissé le rideau, le dépôt pétrolier de l'île est bloqué et des scènes de pillage ont eu lieu.

Organisés sur les réseaux sociaux, les manifestants ont amorcé le mouvement samedi, qui s'est alors traduit par des opérations en plus de 2.000 endroits partout en France, sans l'appui logistique des syndicats, ni des partis politiques.

Au premier jour du week-end, endeuillé par la mort d'une manifestante percutée par un véhicule en Savoie, le ministère de l'Intérieur a recensé près de 290.000 manifestants.

Dans la seule journée de samedi, les hypermarchés et supermarchés ont vu leur chiffre d’affaires baisser de 35% en moyenne, selon le cabinet de consultants Nielsen.

"Le mouvement de protestation des 'Gilets jaunes' ne doit pas pénaliser l’activité économique de la France", prévient pour sa part le Medef dans un communiqué.

Dimanche, un homme a été interpellé dans la Drôme après avoir tiré avec une arme à feu au-dessus des "Gilets jaunes" qui barraient la nationale 7 et percuté une manifestante avec son véhicule, a-t-on appris lundi de source proche des forces de l'ordre. La manifestante a été hospitalisée à Valence mais sa vie n'est pas en danger.

Selon les Dernières nouvelles d'Alsace, un manifestant arrêté sur l'autoroute A35 au niveau de Strasbourg a été condamné lundi à quatre mois de prison ferme pour "mise en danger d'autrui et entrave à la circulation".

Sur Facebook, plus de 20.000 personnes se sont inscrites sur une page appelant les mécontents à manifester samedi prochain à Paris afin de donner le "coup de grâce" et quelque 153.000 autres internautes se sont dits "intéressés" par l'événement.

LE GOUVERNEMENT "ENTEND LA SOUFFRANCE", DIT GRIVEAUX

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a réagi dimanche en assurant avoir entendu "la colère" et le "sentiment d'abandon" exprimés par les "Gilets jaunes" mais il a dans le même temps exclu de revenir sur la hausse des taxes sur le carburant prévue le 1er janvier prochain - le sujet qui a cristallisé les mécontentements d'une partie de l'opinion.

"Il entend aussi la souffrance sincère de milliers de Français qui n'en peuvent plus parce que bien souvent les difficultés s'accumulent", a déclaré lundi le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, sur BFM TV.

Pour autant, l'augmentation des taxes sur l'essence et le diesel est "la bonne décision" parce qu'il faut "se désintoxiquer de la France du tout-pétrole", a-t-il ajouté, relayant l'argumentaire d'Edouard Philippe, tout comme les ministres Sébastien Lecornu et Elisabeth Borne.

Le Medef déclare pour sa part soutenir le principe d'une taxe carbone "prévisible, proportionnée à la capacité des acteurs économiques" qui doit "s’inscrire dans une stratégie de compétitivité de l’économie française."

Edouard Philippe avait pris des mesures préventives en annonçant dès mercredi dernier un plan de 500 millions d'euros comprenant une "super prime" à la conversion des vieux véhicules et un élargissement des indemnités kilométriques.

Insuffisant pour le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui a plaidé lundi pour de nouvelles aides, "notamment pour les ménages les plus modestes".

"Le gouvernement est sur une mauvaise voie", a pour sa part estimé Dominique Bussereau, président de l'Association des départements de France, en reprenant à son compte l'idée suggérée samedi par Laurent Berger - mais restée lettre morte -d'organiser des "Etats généraux de la transition énergétique".

(Simon Carraud, Claude Canellas à Bordeaux, Jean-François Rosnoblet à Marseille, Gilbert Reilhac à Strasbourg, Bernard Grollier à la Réunion avec Bate Felix, Elizabeth Pineau et Emmanuel Jarry à Paris, édité par Yves Clarisse)