Rôle probable de la coalition dans l'effondrement à Mossoul

par Isabel Coles WASHINGTON/MOSSOUL, Irak (Reuters) - Le général à la tête des forces américaines engagées contre l'Etat islamique en Irak et en Syrie a reconnu mardi que la coalition internationale avait probablement joué un rôle dans les explosions qui ont tué des dizaines de civils le 17 mars à Mossoul, tout en ajoutant que l'enquête était encore en cours et que l'EI avait sans doute aussi sa part de responsabilité. "D'après ma première évaluation, nous avons vraisemblablement joué un rôle dans ces pertes. Maintenant, voici ce que je ne sais pas: ce que j'ignore, c'est s'ils (les civils) avaient été réunis là-bas par l'ennemi? Nous avons encore des choses à vérifier", a déclaré le général Stephen J. Townsend, qui s'exprimait d'Irak. Mais "je dirais que cela a tout lieu d'avoir été le cas", a-t-il ajouté. "Nos munitions et le fait que tout le bâtiment se soit effondré, contredit notre implication", a poursuivi le général. "Les munitions que nous avons utilisées n'auraient pas dû provoquer l'effondrement d'un immeuble entier. C'est donc l'un des points que l'enquête devra déterminer (...) car nous avons des munitions qui peuvent détruire un bâtiment entier, mais ce n'est pas celles que nous avons utilisées", a-t-il expliqué. Des enquêteurs sont arrivés à Mossoul pour déterminer si un bombardement de la coalition sous conduite américaine était à l'origine de l'effondrement d'un immeuble ou si le drame est imputable à l'organisation Etat islamique. Depuis l'explosion, qui s'est produite dans le quartier d'Al Djadida, dans l'ouest de Mossoul, plusieurs bilans contradictoires ont été dressés. L'un fait état de 61 corps retirés des décombres du bâtiment, un autre évoque près de 240 morts. L'armée irakienne accuse des djihadistes d'avoir truffé l'immeuble d'explosifs afin de provoquer des pertes civiles, mais certains témoins affirment que le bâtiment s'est effondré après une frappe aérienne de la coalition qui a enseveli de nombreuses familles sous les décombres. Si le bilan le plus lourd était confirmé, il serait le plus élevé à mettre au passif des forces armées américaines depuis l'invasion de l'Irak en 2003. CENTAINES DE MORTS DEPUIS FÉVRIER Après avoir rencontré le Premier ministre irakien, Haïdar al Abadi, et son ministre de la Défense lundi soir, le général américain Mark Milley a confirmé que des bombardements avaient été menés sur ce quartier et alentour le jour du drame mais il n'a pas pu préciser s'ils avaient fait des victimes. "Il est tout à fait possible que Daech ait fait exploser cet immeuble pour faire accuser la coalition et retarder l'offensive à Mossoul", a déclaré le général américain. "Il est possible que la frappe de la coalition soit à l'origine (de l'effondrement). Nous ne le savons pas, il y a des enquêteurs sur le terrain." À Genève, le Haut Commissaire de l'Onu pour les droits de l'homme a demandé la conduite d'une enquête transparente après l'effondrement de l'immeuble et appelé la coalition à la retenue. Selon Zeid Ra'ad al Hussein, au moins 307 civils ont été tués et 273 autres blessés depuis le 17 février dans les quartiers ouest de Mossoul où les combattants de l'EI utilisent les habitants comme des boucliers humains. "Il s'agit d'un ennemi qui se sert de manière impitoyable des civils pour parvenir à ses fins et qui n'a clairement pas le moindre scrupule à leur faire courir délibérément un danger", a expliqué Zeid Ra'ad al Hussein. "Il est vital que les forces de sécurité irakiennes et leurs partenaires de la coalition évitent ce piège", a-t-il ajouté. L'Observatoire irakien des droits de l'homme, qui s'appuie sur des informations non confirmées, dresse un bilan beaucoup plus lourd de l'offensive menée à Mossoul-Ouest, affirmant que près de 700 civils sont morts dans des frappes du gouvernement de Bagdad, ou de la coalition, ou lors d'opérations de l'EI. Des milliers de civils tentent de fuir les zones de combats, les bombardements et les frappes aériennes, mais un demi-million d'entre eux seraient encore piégés dans la ville. Ceux qui ont pu partir racontent que l'EI se sert de la population pour se protéger, s'abritant notamment dans les logements civils. (Avec Ahmed Rasheed à Bagdad et Stephanie Nebehay à Genève, Phil Stewart et Idrees Ali à Washington; Nicolas Delame, Eric Faye et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)