Des dizaines de civils tués après une frappe de la coalition à Mossoul

par Patrick Markey MOSSOUL (Reuters) - Plusieurs dizaines de civils, peut-être plus de 200, ont péri après une frappe aérienne de la coalition sous commandement américain dans la partie occidentale de Mossoul, la grande ville du nord de l'Irak, où sont assiégés les djihadistes du groupe Etat islamique (EI). Le Commandement central des forces américaines (CentCom), qui supervise les opérations militaires au Moyen-Orient, a confirmé que la cible avait été touchée par un avion de la coalition sous commandement américain. Le CentCom précise dans un communiqué que la mission visait des combattants et des équipements de l'EI "à l'endroit correspondant à celui où ont été signalées les pertes civiles" par des habitants ayant fui la zone des combats et des responsables irakiens. Cette opération a été conduite le 17 mars dernier dans le quartier d'Al Djadidah, contrôlé par l'Etat islamique. Aucun bilan précis n'a été fourni mais le chef de la municipalité de Mossoul, Abdoul Sattar al Habbo, qui supervise les secours, a déclaré samedi soir que 240 corps avaient été extraits des décombres. Une précédente estimation faisait état de 130 morts. "Nous sommes abasourdis par le nombre effrayant de pertes de vies humaines", a commenté Lise Grande, coordinatrice humanitaire de l'Onu pour l'Irak, dans un communiqué diffusé samedi. L'ampleur du nombre de victimes civiles a conduit les forces gouvernementales irakiennes à stopper une nouvelle fois leur offensive contre la partie occidentale de Mossoul. "Le nombre élevé de morts parmi les civils dans la Vieille ville nous a forcés à arrêter nos opérations pour revoir nos plans", a déclaré samedi un porte-parole de la police fédérale irakienne. "Nous devons nous assurer qu'éliminer Daech de la Vieille ville n'aura pas un coût humain trop élevé parmi les civils. Il nous faut des opérations d'une précision chirurgicale pour cibler les terroristes sans causer de dommages collatéraux parmi les habitants." PUISSANTE EXPLOSION ET IMMEUBLES EFFONDRÉS Selon des responsables de la défense civile et des habitants, plusieurs immeubles se sont effondrés après que les frappes visant les djihadistes à Al Djadidah ont provoqué une puissante explosion. La cause exacte de l'effondrement des immeubles n'a pas été établie de manière précise mais un député et deux habitants ont expliqué que les frappes aériennes pourraient avoir touché un camion de l'EI rempli d'explosifs, détruisant plusieurs bâtiments dans un quartier densément peuplé. Les civils sont également menacés par les djihadistes qui les utilisent comme boucliers humains dans la vieille ville de Mossoul. "Ce qui se passe dans la partie ouest de Mossoul est extrêmement grave et ne peut être toléré en aucun cas", a commenté le président du Parlement irakien, Salim al-Jabouri. Jusqu'à 600.000 civils se trouveraient encore dans les derniers quartiers contrôlés par l'EI sur la rive droite du Tigre, compliquant la progression des forces gouvernementales. Selon l'Observatoire irakien des droits de l'homme citant des informations non confirmées par les autorités, et ne tenant pas compte de ce qui s'est passé à Al Djadidah, près de 700 civils ont été tués depuis le début de l'offensive contre Mossoul-Ouest, le 19 février dernier. "Le droit humanitaire international est clair: les parties au conflit, toutes les parties, sont obligées de faire tout ce qui est possible pour protéger les civils. Cela signifie que des combattants ne peuvent pas se servir de la population comme boucliers humains et qu'ils ne peuvent pas non plus mettre des vies en péril par un usage sans discernement de leur puissance de feu", a rappelé Lise Grande, de l'Onu. (avec Ahmed Rasheed et Alaa Mohammad à Bagdad et Jonathan Landay à Washington; Nicolas Delame, Pierre Sérisier et Henri-Pierre André pour le service français)