Des députés vénézuéliens agressés, assiégés par des partisans de Maduro
par Silene Ramírez et Carlos Garcia Rawlins CARACAS (Reuters) - Des partisans du président vénézuélien Nicolas Maduro armés de barres de fer ont fait irruption mercredi matin à l'Assemblée nationale où l'opposition est majoritaire et s'en sont pris à plusieurs députés, rapportent des témoins. Au moins cinq élus de l'opposition ont été blessés. Des témoins évoquent des députés au visage ensanglanté cherchant la sortie dans les couloirs de l'Assemblée. Des journalistes se sont par ailleurs fait voler leur matériel. "Il y a des balles, il y a du sang, des voitures détruites, y compris la mienne", s'est indigné Julio Borges, président de l'Assemblée, s'adressant à des journalistes à l'intérieur du bâtiment. Le député le plus gravement touché, Americo De Grazia, a été frappé à la tête et s'est évanoui avant d'être conduit à l'hôpital. Sa famille a annoncé que ses jours n'étaient pas en danger. Plusieurs détonations ont été entendues pendant toute la journée dans le bâtiment situé dans le centre de Caracas. Il s'agissait probablement de pétards. Une cinquantaine de membres de la Garde nationale se sont postés devant les grilles du bâtiment pour empêcher de nouvelles intrusions. Une centaine de partisans du président vêtus de rouge et criant "longue vie à la révolution !" ont ensuite empêché élus, journalistes et invités présents de quitter l'Assemblée. "Nous sommes pris en otage", a déclaré le député de l'opposition William Davila. A l'extérieur, certains partisans de Maduro ont brandi des armes, menacé de couper l'eau et l'électricité de l'Assemblée et diffusé des discours de l'ex-président Hugo Chavez. "ÉTRANGES" VIOLENCES Le centre de Caracas est traditionnellement favorable au gouvernement socialiste et les heurts entre partisans et adversaires de Maduro y sont fréquents depuis la victoire de l'opposition aux législatives de décembre 2015. S'exprimant lors du défilé célébrant l'indépendance, le chef de l'Etat a parlé d'"étranges" violences à l'Assemblée et demandé l'ouverture d'une enquête. Mais il a également invité l'opposition à s'interroger sur les troubles provenant de ses propres rangs. Les manifestations antigouvernementales qui agitent le pays depuis trois mois ont fait au moins 84 morts. De jeunes partisans de l'opposition s'en sont souvent pris aux forces de l'ordre avec des armes de fortune, déclenchant de violentes ripostes. L'armée n'échappe pas à la contestation. Selon des documents obtenus par Reuters, 123 militaires, dont plusieurs officiers, ont été arrêtés depuis avril pour des motifs allant de la trahison à l'insubordination, en passant par la désertion et le vol. "Je veux la paix pour le Venezuela", a déclaré Maduro. "Je n'accepte de violence de personne." Plusieurs pays se sont indignés des violences de mercredi. "Je condamne cette attaque grotesque de l'Assemblée vénézuélienne", a déclaré sur Twitter l'ambassadeur britannique John Saville. L'opposition prévoit d'organiser un référendum officieux dans deux semaines sur le projet controversé de réforme constitutionnelle de Nicolas Maduro. La Table de l'unité démocratique (MUD), qui entre dans un quatrième mois de manifestations contre un gouvernement socialiste qu'elle juge dictatorial, organisera ce vote le 16 juillet, deux semaines avant les élections constituantes du 30 juillet. Selon un récent sondage de l'institut Datanalisis, sept Vénézuéliens sur dix sont hostiles à la réforme de la Constitution. (Andrew Cawthorne; Jean-Stéphane Brosse, Eric Faye, Pierre Sérisier, Julie Carriat et Jean-Philippe Lefief pour le service français)