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Des "corridors" ouverts aux civils à Alep, l'Onu sceptique

MOSCOU/GENEVE (Reuters) - Le programme humanitaire russe pour les civils pris au piège dans les quartiers d'Alep devrait être amélioré et l'évacuation prise en charge par l'Onu, a estimé vendredi l'émissaire spécial des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura. "Je pense que les Russes sont ouverts à des améliorations importantes", a-t-il déclaré, ajoutant qu'aucun civil ne devait être forcé de quitter Alep. Staffan de Mistura a notamment demandé de stopper les combats pendant l'évacuation des civils et l'envoi d'une aide humanitaire. La Russie a répondu qu'elle "étudiera soigneusement et tiendra compte" des propositions faites par Staffan de Mistura en vue d'une amélioration de ses opérations humanitaires à Alep, a déclaré l'ambassadeur de Russie aux Nations unies à Genève, Alexeï Borodavkine, cité vendredi par l'agence de presse RIA. Le gouverneur d'Alep, cité par la télévision publique syrienne, a annoncé que trois corridors humanitaires seraient mis en place par les troupes russes et syriennes afin de permettre aux civils de quitter la ville et que le président Bachar al Assad offrait une amnistie aux rebelles qui poseraient les armes et se rendraient aux autorités dans les trois mois. La Russie a quant à elle prévu la mise en place d'un quatrième couloir humanitaire près de la route du Castello dans le nord de la ville pour les rebelles qui se rendraient. La France a critiqué la création de ces couloirs humanitaires, jugeant que ce n'était pas une "réponse crédible" à la situation que connaît la deuxième ville de Syrie. Staffan de Mistura a, lui, proposé de laisser la gestion des corridors à l'Onu. "Les Nations unies et ses partenaires humanitaires (...) ont de l'expérience. C'est notre travail. Apporter une assistance humanitaire et des provisions aux civils, peu importe où cela se produit, c'est ce pour quoi l'Onu existe", a indiqué l'émissaire des Nations unies. Entre 250.000 et 300.000 habitants vivent dans les secteurs contrôlés par l'opposition au régime de Bachar al Assad, secteurs de facto assiégés par l'armée et ses alliées depuis la coupure de la route du Castello, le dernier grand axe de ravitaillement des insurgés, début juillet. Un tract, dont l'image a été transmise à Reuters, montre une carte de la ville répertoriant les sorties d'Alep sécurisées. Mais deux rebelles et des secouristes contactés dans la partie assiégée de la ville ont déclaré que l'armée avait tiré sur des civils dans l'un de ces "corridors", dans le quartier de Salah al Dine. "PAUSE HUMANITAIRE" Un médecin travaillant pour une organisation humanitaire a également déclaré que les troupes avaient tiré au canon sur des familles se rassemblant près d'un autre de ces "corridors", dans le quartier de Boustan al Kassr. Hael Asi Hilal, directeur du Croissant rouge syrien dans les zones tenues par les rebelles, a déclaré qu'aucune famille n'avait pu gagner les zones gouvernementales en raison de la présence de tireurs embusqués. La Russie a affirmé vendredi que ses opérations dans l'est d'Alep avaient un but purement humanitaire. "Nous sommes prêts à faire tout ce que nous pouvons pour distribuer l'aide aux citoyens tranquilles qui sont otages des terroristes et même aux combattants qui voudraient baisser les armes", a dit le vice-ministre de la Défense russe, Anatoli Antonov, selon l'agence Interfax. Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, qui s'est entretenu avec Moscou deux fois dans la journée, a fait part de sa crainte que la coopération russo-américaine pour rétablir la paix en Syrie s'effondre si les opérations humanitaires russes à Alep ne sont qu'"une ruse". Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) a réclamé que le projet de corridor permette aux civils de choisir s'ils veulent rester à Alep ou de quitter la ville. "Ce qu'il faut, c'est une pause humanitaire dans toutes les parties d'Alep touchées par la violence", a déclaré Robert Mardini, directeur du CICR pour le Proche et Moyen-Orient. Des couches-culottes et des rations alimentaires portant des inscriptions en russe ont été larguées par hélicoptère dans la journée, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'homme. Selon le Dr Taoufik Chamaa, de l'Union des Organisations de secours et soins médicaux (UOSSM) pour la Syrie, les quartiers d'Alep tenus par la rébellion comptent seulement 31 médecins et trois dentistes. (Alexander Winning, avec Stephanie Nebehay et Tom Miles à Genève; Jean-Stéphane Brosse, Laura Martin et Eric Faye pour le service français)