Des casques bleus congolais accusés de meurtre en Centrafrique

Soldats de la force de paix de l'Union africaine à Bangui. Des soldats de la République du Congo servant sous l'uniforme des Nations unies et de l'Union africaine se sont rendus coupables de meurtres en Centrafrique, accuse l'ONG Human Rights Watch. /Photo d'archives/REUTERS/Andreea Campeanu

par Joe Bavier ABIDJAN (Reuters) - Des soldats de la République du Congo servant sous l'uniforme des Nations unies et de l'Union africaine (UA) se sont rendus coupables de meurtres en Centrafrique, accuse mardi l'ONG Human Rights Watch (HRW). La République centrafricaine a plongé dans le chaos en 2013 lorsque des milices majoritairement musulmanes, les Seleka, se sont emparées du pouvoir, provoquant un conflit avec les miliciens chrétiens anti-balaka. HRW affirme que des soldats venus du Congo ont torturé à mort deux dirigeants anti-balaka et en ont exécuté publiquement deux autres en février 2014. Ils auraient également battu deux civils à mort en juin 2015. L'ONG dit en outre qu'une fosse commune a été retrouvée près d'une base anciennement occupée par des soldats congolais dans la ville de Boali. Elle contenait les restes de douze individus arrêtés par les casques bleus le 24 mars 2014. "La découverte de douze corps est une preuve accablante d'un crime effroyable commis par des soldats de maintien de la paix congolais, qui avaient été envoyés pour protéger la population, et non pour s'attaquer à elle", a déclaré Lewis Mudge, chercheur sur l'Afrique à Human Rights Watch. "Les autorités de la République du Congo ne devraient pas fermer les yeux sur les preuves croissantes de meurtres commis par leurs soldats à Boali et ailleurs." Les Nations unies ont pris la responsabilité du maintien de la paix en septembre 2014, jusque là assumée par l'UA, et elles ont depuis été visées par de nombreuses accusations d'exactions. Selon HRW, la force de l'Onu a insisté pour que les soldats impliqués dans les meurtres présumés soient rapatriés au Congo. SOLDATS MUTÉS "Simplement muter les troupes hors de la République centrafricaine sans autres conséquences envoie le message que les soldats de maintien de la paix peuvent commettre des meurtres en toute impunité", a jugé Lewis Mudge. "Aucun soldat de maintien de la paix ne devrait être au-dessus des lois." Selon Stéphane Dujarric, porte-parole des Nations unies, des enquêteurs de l'Onu se sont penchés sur ces accusations et ont remis le résultat de leurs investigations aux autorités locales. Au moins 13 personnes, dont cinq femmes parmi lesquelles une était enceinte de six mois, et deux enfants, ont été arrêtées au domicile d'un dirigeant anti-balaka après un affrontement lors duquel un soldat congolais a trouvé la mort, dit le rapport de HRW. Selon des témoins entendus par HRW, des cris et deux séries de coups de feu ont été entendus dans la nuit en provenance de la base de l'armée. En février, le site a été fouillé par une organisation locale et les victimes identifiées grâce à leurs vêtements. HRW dit avoir contacté les autorités du Congo à de multiples reprises au cours des deux dernières années, le président Denis Sassou Nguesso, notamment, afin qu'une enquête soit lancée et que les responsables de ces meurtres soient punis. Aucune mesure n'a été prise, regrette HRW. Un responsable du ministère congolais de la Défense a assuré qu'une enquête était en cours et a démenti que les informations transmises par HRW ont été ignorées. "Le Congo coopère avec les Nations unies pour vérifier la véracité des allégations contre ses soldats", a déclaré Romain Oba, porte-parole du ministère de la Défense. "Nous attendons les résultats." (Avec Louis Charbonneau aux Nations unies, Christian Elion à Brazzaville, Nicolas Delame pour le service français)