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Dernière rénovation : EELV débordée par la radicalité des nouveaux militants pour le climat ?

Dernière rénovation : L’écologie politique débordée par la radicalité des nouveaux militants pour le climat ? (photo d’illustration prise à Sainte-Soline le 2 novembre dernier)
PASCAL LACHENAUD / AFP Dernière rénovation : L’écologie politique débordée par la radicalité des nouveaux militants pour le climat ? (photo d’illustration prise à Sainte-Soline le 2 novembre dernier)

POLITIQUE - Marqués au fer vert. Un mois après la visite houleuse de Yannick Jadot à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, en soutien aux opposants au projet décrié de méga-bassine, l’épisode est encore dans de nombreuses têtes au sein d’Europe écologie-Les Verts. Pourquoi le dernier candidat de la famille écologiste à la présidentielle a-t-il été conspué lors de cet événement ? Pourquoi le représentant le plus identifié de l’écologie politique a-t-il vu sa voiture barrée du mot « crevure » ?

Quelques semaines plus tard, tout le monde, au sein d’EELV, tente sa propre réponse... parfois gênée aux entournures. Pour Marine Tondelier, la future patronne du parti, il n’y a « rien d’étonnant » à ce que « des militants du NPA sifflent Yannick Jadot ». Éric Piolle va plus loin en estimant que cette hostilité est presque inévitable. « Moi aussi je me fais régulièrement secouer parce que je suis aux manettes », souffle au HuffPost celui qui administre Grenoble depuis 2014.

S’il n’a pas souhaité répondre à nos questions, le principal intéressé évoque, de son côté, une affaire plus « anecdotique » qu’autre chose. « La cohérence dans laquelle s’inscrit la désobéissance civique, c’est de rejeter la violence », a simplement regretté l’eurodéputé, mardi 29 novembre au soir sur Facebook, lors des premiers échanges de son cercle de réflexion (le club Maison commune), alors que l’un de ses camarades lui rappelait sa « fraîche » réception dans les Deux-Sèvres. Euphémisme. Le sujet du débat, cette soirée-là ? Les différentes « mobilisations face à la crise. » Et le reflet des préoccupations de l’écologie des institutions face à l’écologie des luttes.

Des militants qui chérissent leur indépendance

Pour cause, l’irruption de nouveaux militants radicaux dans le débat public, type Dernière rénovation ou Just Stop Oil, avec leur panel d’actions controversées et la « résistance » civile chevillée au corps, pose de nombreuses questions à ceux qui souhaitent incarner l’écologie dans les urnes depuis quatre décennies. Au point de se faire déborder ?

« La génération climat, c’est nous »
Marine Tondelier, future patronne d’EELV

« Je ne veux pas laisser prospérer l’idée selon laquelle il existe un problème entre nous. Il n’y en a aucun », réplique d’emblée Marine Tondelier au HuffPost, quand on l’interroge sur ce dialogue parfois difficile entre les représentants des verts et les militants les plus offensifs. Car pour la future patronne d’EELV, « la génération climat, c’est nous ». Passé ce slogan, l’élue locale insiste sur « l’histoire » du « mouvement » qu’elle s’apprête à diriger : « EELV a toujours été de leur côté, du côté des luttes pour le climat. » Certes, mais la réciproque n’est pas forcément vraie. Et c’est là tout le problème.

Outre la difficulté du parti écolo à capter les voix de la fameuse « génération climat » –comme les résultats, cruels, de la dernière élection présidentielle l’ont montré–, ces activistes radicaux, chantres de la désobéissance civile, semblent soucieux de garder leur indépendance vis-à-vis des partis, quels qu’ils soient. « C’est de la discussion et aucun partenariat ne sera créé », insiste Bertrand Caltagirone, l’un des visages de Dernière rénovation, en réponse au souhait exprimé par Marine Tondelier de rencontrer des membres du collectif. Comme pour se tenir à distance.

« Il est important de noter que notre campagne est apartisane. On ne cherche pas à être associé à un parti », prévient le militant pas encore trentenaire, en ce sens, avant d’ajouter : « Si on a choisi le thème de la rénovation, c’est parce qu’il est assez peu clivant et peu parler à n’importe quelle formation politique. »

La radicalité en questions

Derrière ces gestes barrières, difficile de ne pas voir, dans certains discours, le spectre d’un procès en manque d’engagement. Ou de radicalité. Des critiques qui ont jalonné la dernière campagne présidentielle des écolos menée par Yannick Jadot. « À court terme, on n’attend pas spécialement grand-chose du jeu politique actuel », nous dit Bertrand Caltagirone, confirmant cette forme de défiance vis-à-vis du pouvoir en place, des institutions, et même de l’écologie politique.

« Certains élus considèrent qu’il ne faut pas présenter un visage pouvant nous faire apparaître comme des ’écoterroristes’ »
Un membre du bureau exécutif de EELV

« Il faut réarticuler les discours et lier systématiquement les problématiques du quotidien et les grands enjeux climatiques », préconise le militant de Dernière rénovation, pour qui « c’est ce que les partis qui avaient de l’ambition écologique n’ont peut-être pas réussi à faire à la dernière présidentielle. »

Surtout, ces réserves sont bien plus vives en interne à EELV, où certains constatent le risque d’un profond décalage entre le politique, le parti, et les militants sur le terrain. « Il faut que Yannick Jadot entende qu’on a besoin de retrouver l’écologie de combat », cinglait Sandrine Rousseau fin novembre, quelques heures après la visite mouvementée de son collègue à Sainte-Soline. Un reproche on ne peut plus clair. Et un cas pas forcément isolé.

Pour Alain Coulombel, les Verts « s’honorerait » à soutenir davantage la désobéissance civile, tant qu’elle reste pacifique. « Le mouvement est un peu gêné par l’émergence et la multiplication de ces actions depuis le début de l’automne », regrette ce représentant de l’aile gauche d’EELV, membre du bureau exécutif, en pointant « la prudence » de « certains élus qui considèrent qu’il faut garder la face. » En d’autres termes : « Ne pas présenter un visage qui nous ferait apparaître comme des ’écoterroristes’, la vilaine formulation de Darmanin»

« Purée, ’what the fuck’ »

Dans ce contexte, Yannick Jadot reconnaît une certaine circonspection face aux nouvelles pratiques des militants. « La sauce tomate sur Van Gogh ? J’avoue que je n’ai pas bien réagi, je me suis dit ’Purée, what the fuck ?’ Ce n’est pas forcément ce qu’on aurait fait avec Greenpeace », a-t-il concédé mardi lors de son émission dédiée aux mobilisations pour le climat, avant de trouver, malgré tout, des vertus aux actions des militants dans les musées : « Je comprends tout ce qu’il y a derrière – la désacralisation de la vie, la sacralisation de l’art –, et comment ça interpelle. »

« On leur dit ’Vous faites partie de la galaxie écolo’, ils nous répondent ’Vous faites partie du pouvoir’ »
Éric Piolle, maire EELV de Grenoble

Une certaine frilosité qui trouve sa source, selon Alain Coulombel, dans le souhait du mouvement de « s’institutionnaliser », de « faire le choix de l’engagement politique », au détriment, peut-être, de l’activisme de terrain.

Pas de quoi choquer Éric Piolle. Le troisième homme de la primaire écolo 2021 juge cette évolution stratégique indispensable, en dépit de désagréments inévitables. « On ne peut pas essayer de construire un parti d’accession au pouvoir tout en continuant à être ce qu’on a été, des lanceurs d’alerte », avance-t-il, avant d’insister sur la conquête du pouvoir : « Oui, notre histoire est riche, oui nous sommes les héritiers de cette lutte. Mais il faut maintenant lâcher cette culture et assumer le fait que nous devons conduire les affaires publiques. »

S’il pointe des positions « complémentaires » entre les urnes et les luttes et estime que l’action des activistes fait «avancer la société », Éric Piolle évoque une « relation forcément asymétrique. » Et des « tensions normales. » « On leur dit ’Vous faites partie de la galaxie écolo’, ils nous répondent ’Vous faites partie du pouvoir’ », résume le maire, en ajoutant, philosophe : « C’est la vie. » La vie en vert, assurément.

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