Débat Harris-Trump : ce que disent les derniers sondages, et pourquoi vous devriez vous en méfier

À quelques heures d'un débat télévisé très attendu entre les deux candidats, Donald Trump et Kamala Harris sont au coude à coude dans les sondages.

Les derniers sondages nationaux donnent Kamala Harris en tête devant Donald Trump, mais est-ce fiable ? (Photo Brendan SMIALOWSKI and Peter Zay / AFP)

Ils rythment la vie politique, de ce côté-ci de l'Atlantique comme de l'autre, mais peut-on vraiment leur faire confiance ? À mesure que l'on approche de l'élection présidentielle américaine, programmée le 5 novembre prochain, les sondages d'intentions de vote sont scrutés avec de plus en plus d'attention par la presse locale, mais aussi internationale.

Depuis que le président démocrate sortant Joe Biden s'est désisté en faveur de sa vice-présidente Kamala Harris, les études d'opinion ont en tout cas montré un impressionnant changement de tendance. Alors que le candidat républicain Donald Trump était quasi-systématiquement donné en tête face à Biden, la plupart des sondages nationaux le positionnent désormais derrière Kamala Harris.

Alors que se profile, ce mardi 10 septembre, un débat télévisé crucial entre les deux principaux candidats à la Maison Blanche, l'écart dans les intentions de vote semble toutefois plus serré que jamais. Le site Real Clear Polling, qui recoupe les données de pas moins de onze instituts de sondage, donne ainsi, au 9 septembre, un très léger avantage à Kamala Harris (48,4% des intentions de vote, contre 47,2% pour Donald Trump).

Selon 270 To Win, qui compile pour sa part les chiffres de huit sondeurs différents, l'écart est sensiblement le même puisque ce site positionne Kamala Harris à 47,8% et Donald Trump à 46,5%. Une troisième source, le site Race to the WH, propose un indicateur actualisé en temps réel à partir des 30 derniers sondages réalisés sur le territoire américain. Au matin du 10 septembre, cet agrégateur annonçait 48,7% d'intentions de vote pour Kamala Harris et 46% pour Donald Trump.

L'évolution de ces indicateurs, alimentés chaque jour par de nouveaux sondages, informe sur l'évolution des tendances générales au sein de l'électorat américain. Il serait toutefois hasardeux de les considérer comme des prédictions fiables du résultat du scrutin à venir. L'histoire récente des États-Unis a en effet démontré que les prévisions des instituts de sondage étaient souvent démenties dans les urnes.

Les deux dernières élections présidentielles ont ainsi été marquées par des ratés spectaculaires en la matière. En 2016, toutes les études donnaient Hillary Clinton gagnante face à Donald Trump, au point qu'à quelques jours du scrutin, The New York Times avait estimé que la candidate démocrate avait 85% de chance de devenir présidente. Elle s'était finalement inclinée face au candidat républicain.

Alors que l'élection présidentielle de 2020 devait leur permettre de regagner de la crédibilité, les instituts de sondage se sont à nouveau complètement loupés dans leurs prévisions. Tout au long de la campagne, le candidat démocrate Joe Biden avait été nanti d'une avance confortable, autour de 8 points. Il s'était finalement imposé d'extrême justesse et le journaliste de The Atlantic David Graham, cité par Ouest France, avait parlé de "désastre pour l’industrie des sondages".

La situation ne date d'ailleurs pas d'hier : depuis plusieurs décennies, les enquêtes préalables sur les intentions de vote aux élections présidentielles sont souvent assez éloignées du résultat des urnes. Comme le rappelle France Culture, l'institut Gallup, qui est le plus ancien et le plus prestigieux institut de sondage américain, a d'ailleurs décidé en 2012 de ne plus réaliser de sondages politiques "au niveau national".

Le manque de fiabilité des sondages nationaux aux États-Unis est indiscutablement lié au mode de scrutin très spécifique de la présidentielle américaine. Il ne s'agit en effet pas d'un suffrage universel direct comme en France, où celui qui récolte le plus de voix est automatiquement élu, mais bien d'un suffrage indirect. Dans chacun des 50 États, les électeurs votent en fait pour un collège de grands électeurs, affilié à l'un ou l'autre des deux partis principaux.

Au terme des élections, lorsqu'un parti arrive en tête d'un Etat, il remporte automatiquement l'intégralité des grands électeurs de cet Etat (sauf dans le Maine et le Nebraska, qui appliquent la proportionnelle). Les grands électeurs ainsi mandatés sont ensuite chargés de voter pour le candidat arrivé en tête dans leur Etat, dans le cadre du collège électoral, qui regroupe au total 538 grands électeurs. Il faut alors obtenir la majorité absolue (270 voix) pour être élu président des États-Unis.

Ainsi, dans le système américain, il est tout à fait possible d'être élu président en ayant totalisé moins de voix que son adversaire. Cela s'est par exemple produit pour Hillary Clinton, qui avait récolté près de trois millions de voix de plus que Donald Trump, mais avait obtenu beaucoup moins de grands électeurs (227 contre 304). Le cas de figure s'était déjà produit en 2000 : alors qu'il comptait 500 000 voix de moins que son adversaire démocrate Al Gore, George W. Bush avait tout de même remporté l'élection d'un souffle (271 grands électeurs, contre 266 pour Gore).

Ce mode de scrutin donne donc une importance démesurée à certains États où la répartition historique des votes entre Républicains et Démocrates est équilibrée et qui peuvent donc chacun faire basculer un contingent plus ou moins important de grands électeurs d'un côté ou de l'autre. Ces États pivots, qualifiés outre-Atlantique de "swing states", varient d'une élection à l'autre, en fonction de l'évolution de la situation politique, mais aussi de leur démographie électorale.

D'après le cabinet Redfield & Wilton Strategies, ces "swing states" sont au nombre de dix pour l'élection présidentielle de 2024 : l'Arizona, la Caroline du Nord, la Floride, la Géorgie, le Michigan, le Minnesota, le Nevada, le Nouveau-Mexique, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Ces dix États représentent au total 138 grands électeurs, soit environ un quart du collège électoral !

VIDEO - Présidentielle aux États-Unis : la bataille des "Swing states"

Leur importance est donc capitale et scruter l'évolution des sondages dans ces "swing states" est sans doute un indicateur relativement pertinent pour anticiper ce qui pourrait se passer le 5 novembre prochain. Or, comme le rapporte L'Express, les derniers sondages en provenance de ces États donnent les deux candidats au coude à coude !

L'hebdomadaire évoque ainsi une étude du Siena College pour le New York Times, donnant Kamala Harris légèrement en tête dans le "dans le Wisconsin (50 contre 47), le Michigan (49/47) et en Pennsylvanie (49/48)". Dans quatre autres États (Arizona, Caroline du Nord, Géorgie et Nevada), les deux candidats seraient en revanche à égalité parfaite (48/48).

Un autre sondage mentionné par L'Express, et réalisé par YouGov pour CBS News, indique pour sa part que la candidate démocrate devance légèrement Donald Trump dans le Michigan (50/49) et dans le Wisconsin (51/49). Selon la même étude, les deux candidats seraient en revanche à la même hauteur en Pennsylvanie (50/50).

Compte tenu de la marge d'erreur inhérente à ce type de sondages, la faiblesse des écarts observés dans les "swing states" interdit donc de se projeter avec trop d'empressement sur le résultat de l'élection à venir. À deux mois du scrutin, la seule certitude est que tout reste ouvert et qu'aucun favori ne se détache clairement pour devenir le prochain président des États-Unis.