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Dealers à Grenoble: la situation liée au trafic de drogue dénoncée depuis des années

Des gendarmes patrouillent dans le quartier du Mistral à Grenoble, le 26 août 2020 - PHILIPPE DESMAZES © 2019 AFP
Des gendarmes patrouillent dans le quartier du Mistral à Grenoble, le 26 août 2020 - PHILIPPE DESMAZES © 2019 AFP

Dans les années 80, Grenoble était déjà surnommée le "Chicago français". Un surnom réutilisé il y a deux ans par le syndicat de police Alliance qui mettait alors en avant un taux de délinquance "63% plus élevé" dans la préfecture iséroise "que dans des villes de mêmes tailles." Cette situation est une nouvelle fois dénoncée après la diffusion de vidéos de dealers, qui pourraient être en réalité un clip de rap, dans le quartier Paul Mistral où deux familles se mènent une guerre de territoire.

Une enquête a été ouverte par le parquet de Grenoble pour savoir si les armes sont factices ou réelles et dans quel but ces images ont été tournées. Une "provocation", selon le maire de la ville, à laquelle l'Etat a répondu par une opération de communication assumée en lançant une opération policière dans ce quartier qui n'a donné lieu à aucune interpellation.

"Une ville gangrenée par le trafic"

En un mois, trois homicides ont été recensés dans l'agglomération grenobloise. Au début du mois d'août, 16 kilos de cocaïne en provenance des Antilles ont été saisis dans cette même agglomération. Début juillet, un trafic de drogue était aussi démantelé par la sûreté départementale à Grenoble, près d'un stade, avec six interpellations. Le même jour, ce sont les gendarmes qui interpellaient 12 personnes, là encore dans une enquête pour trafic de stupéfiants.

Depuis plusieurs années, le trafic de drogue est connu à Grenoble, provoquant d'importantes violences dans la ville. Les faits divers se multiplient comme les agressions au couteau ou les fusillades sur fond de règlements de comptes en lien avec ces trafics. Au point que le procureur de Grenoble de l'époque finisse par pousser un cri d'alarme.

"C’est déplaisant, c’est désagréable, mais c’est malheureusement habituel dans cette ville, et dans l’agglomération, avait déclaré en juillet 2017 Jean-Yves Coquillat.. De toute ma carrière, je n’ai jamais vu une ville qui était aussi pourrie et gangrenée par le trafic de drogue que Grenoble. C’est bien simple, il y a des points de revente quasiment partout."

Le procureur de la République actuel compare, lui, Grenoble à Marseille, elle-aussi théâtre de nombreux règlements de comptes en lien avec le trafic de drogue. Une quarantaine de quartiers à Grenoble sont concernés par ce fléau que les autorités tentent de combattre. Le parquet de la ville a pris un coordinateur pour organiser au mieux le travail entre la justice et les moyens de la préfecture. Des moyens sont également réclamés alors qu'une quarantaine de policiers et gendarmes sont arrivés depuis le mois de mai.

Manque d'effectifs

En 2018, Gérard Collomb, alors ministre de l'Intérieur, estimait que "la délinquance et le crime ont changé d’échelle", qui "s’organisent à l’échelle internationale, financés par des réseaux mafieux de très grande envergure". Il promettait alors "une reconquête" des territoires.

En 2019, la ville intègre le dispositif police de sécurité du quotidien. "Au début du confinement nous avons demandé des renforts, parce que nous savions que le confinement allait créer des provocations, nous n’avons pas eu de réponse", dénonce sur BFMTV Eric Piolle, le maire EELV de Grenoble, qui met en cause au plus long terme "la baisse des effectifs" décidée par Nicolas Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur.

"Mes collègues y vont (dans les quartiers, NDLR), ils contrôlent régulièrement, peut-être pas avec un nombre suffisant pour avoir une présence permanente mais le travail est fait", reconnaît Yannick Biancheri, secrétaire départemental Alliance Police.

Le préfet de l'Isère, présent dans le quartier Paul Mistral mercredi soir, a assuré que l'implication des forces de l'ordre au quotidien, notamment dans ce quartier, était "opiniâtre, discrète, mais néanmoins efficace". Selon les chiffres de la préfecture, 160 interpellations y ont été effectuées depuis janvier. "On ne peut pas dire qu’il s’agit d’une zone de non-droit mais il va falloir faire vite les choses cette fois-ci, estime Julien Morcrette, secrétaire général adjoint au syndicat Alternative Police-CFDT. Il faut vraiment donner les moyens à la police en effectifs, en temps et en simplifiant la procédure pénale puisqu’on met fin à ce type de trafic par un long travail d’investigations." Les syndicats de policiers réclament également des "peines exemplaires", une revendication habituelle.

Augmentation de la consommation de drogue

La proximité avec l'Italie et le fait que Grenoble se trouve dans le couloir pour descendre jusqu'à Marseille sont des explications avancées à la multiplication des trafics de drogue dans la ville. Mais le cas de Grenoble serait loin d'être le seul sur le territoire. "Il n’y a jamais eu autant de consommateurs, autant d’usagers", analyse Thierry Colombié, spécialiste du grand banditisme.

"Il y quand même des centaines de milliers d’usagers en France, c’est quand même un problème. Pourquoi la France et les jeunes sont un pilier de la consommation de drogue en Europe?", complète Serge Portelli, avocat et magistrat honoraire, qui appelle à une véritable politique pénale de lutte contre les trafics. "Il faut rappeler qu’en février 2018 le gouvernement Macron a décidé d’intégrer le trafic de drogue dans la croissance du PIB. D’un côté on dit aux policiers, allez-y à fond, on fait des coups de menton et de l'autre on dit 'Super, le trafic de drogue fait croître le PIB'", conclut Eric Piolle, appelant à mettre fin "à cette hypocrisie ultime".

Article original publié sur BFMTV.com