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Au Kenya, le pape dénonce les inégalités et la radicalisation

Le pape François à Kangemi, un bidonville de Nairobi. Au troisième jour de sa visite en Afrique, vendredi, François a dénoncé les "blessures" de la pauvreté et mis en garde la jeunesse kényane contre les idéologies "fanatiques". /Photo prise le 27 novembre 2015/REUTERS/Stefano Rellandini

par Philip Pullella et George Obulutsa NAIROBI (Reuters) - Le pape François, au troisième jour de sa visite en Afrique, a dénoncé vendredi les "blessures" de la pauvreté et mis en garde la jeunesse kényane contre les idéologies "fanatiques". Arrivé mercredi au Kenya, première étape d'un voyage de cinq jours en Afrique qui le conduira également en Ouganda puis en Centrafrique, le chef de l'Eglise catholique est allé au contact de la jeunesse au stade Kasarani de Nairobi, la capitale. S'écartant comme à l'accoutumée du texte écrit de son discours, il a plaidé pour le dialogue entre les religions et souligné que nul ne pouvait invoquer le nom de Dieu pour justifier la violence. Le Kenya, dont l'armée est engagée en Somalie contre les islamistes d'Al Chabaab, a été le théâtre d'attaques et d'attentats, comme la tuerie sur le campus universitaire de Garissa, en avril, où 148 personnes, des chrétiens pour la plupart, ont été assassinées par un commando des miliciens islamistes somaliens. "L'esprit du mal nous entraîne vers une absence d'unité, vers le tribalisme, la corruption et les drogues. Il nous entraîne vers la destruction par fanatisme", a lancé le pape François. "Dieu est bien plus fort que toutes les campagnes de recrutement", a-t-il poursuivi, appelant son auditoire à veiller à ceux que le "danger social" pousse vers la radicalité et à ne pas les laisser seuls, mais au contraire à les intégrer dans des groupes et, pourquoi pas, les inviter à "venir au stade et regarder du football". "Ne les laissez pas livrés à eux-mêmes", les a-t-il exhortés. LES "BLESSURES" DE L'EXCLUSION URBAINE François s'était auparavant rendu à Kangemi, un bidonville de Nairobi aux ruelles défoncées, aux égouts à ciel ouvert et aux cabanes de tôle, situées à quelques centaines de mètres à peine d'élégants complexes résidentiels. Kangemi et les zones de ce type, a-t-il dit, sont des "blessures infligées" à la population "par des minorités qui concentrent le pouvoir et la richesse". S'adressant aux habitants et à des employés d'associations caritatives dans l'église Saint-Joseph-le-Travailleur, le pape a dénoncé "l'épouvantable injustice de l'exclusion urbaine". "Ce sont des blessures provoquées par des minorités qui concentrent le pouvoir et la richesse, qui gaspillent égoïstement pendant qu'une majorité croissante est obligée de fuir vers les périphéries abandonnées, sales et délabrées", a-t-il dit. Le souverain pontife, qui fait de la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales un des axes majeurs de son pontificat, a encore critiqué "les promoteurs privés anonymes qui accaparent des terrains et cherchent même à s'approprier les cours de récréation de vos écoles". Il a estimé que le manque de ressources de base était un défi essentiel pour l'humanité. "Notre monde a une grande dette sociale envers les pauvres qui n'ont pas accès l'eau potable", a-t-il déclaré. "Aucun prétexte bureaucratique" ne peut justifier de priver une famille d'eau potable selon lui. Le pape a ajouté que l'Afrique n'était pas seule à devoir affronter un "nouveau colonialisme", un thème qu'il a déjà développé à l'occasion de précédents voyages à l'étranger en dénonçant notamment les tenants des programmes d'austérité qui frappent prioritairement les populations modestes. Le chef de l'Eglise catholique, qui effectue son premier voyage en Afrique depuis son élection en mars 2013, a ensuite quitté le Kenya pour l'Ouganda, où il a lancé un appel en faveur des réfugiés. La crise migratoire, a-t-il déclaré en présence du président Yoweri Museveni, "sera un révélateur de notre humanité, de notre respect de la dignité humaine et, surtout, de notre solidarité à l'égard de nos frères et de nos soeurs dans le besoin". Il sera dimanche en Centrafrique, dernière étape de cette tournée. (Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français)