Dans les rues en ruine de la vieille ville d'Alep

Affamés et terrifiés, les civils sont sortis de leurs abris, des caves dans lesquelles ils se terraient pour échapper aux combats entre les forces pro-Assad et les rebelles syriens acculés dans la vieille ville d'Alep. /Photo prise le 9 décembre 2016/REUTERS/Omar Sanadiki

par Laila Bassam ALEP, Syrie (Reuters) - Affamés et terrifiés, les civils sont sortis de leurs abris, des caves dans lesquelles ils se terraient pour échapper aux combats entre les forces pro-Assad et les rebelles syriens acculés dans la vieille ville d'Alep. Le quartier de Bab al Hadeed, qui est tombé aux mains de l'armée régulière et de ses alliés cette semaine, est un décor de décombres et de débris, témoins de la violence des affrontements dans cette partie historique de la grande ville du nord de la Syrie. Une femme approchant la trentaine, voilée, vêtue de noir, est assise sur le bord de la rue, pleurant et tenant un bébé dans ses bras. "Mon fils est né après trois mois de siège. Il n'y avait pas d'hôpital, pas de couches, pas de lait", dit-elle. Elle-même ne peut pas le nourrir au sein. "La peur et la panique ont tari mon lait", explique-t-elle. Les combats se poursuivent ailleurs, dans d'autres quartiers, les rebelles perdant peu à peu le terrain qu'ils occupaient dans ce fief de la rébellion contre le régime de Bachar al Assad. De la fumée monte des quartiers voisins et se détache sur le ciel tandis que résonnent des explosions provoquées par des frappes aériennes. La résistance des insurgés a été acharnée, reconnaît Ismaïl, commandant d'un groupe de volontaires intégrés dans les "Forces du Tigre", l'une des unités les plus célèbres de l'armée syrienne dirigée par le général Souheil al Hassan. "Les activistes ont des armes sophistiquées, en particulier des fusils de snipers, ce sont des professionnels. Leur résistance a été féroce. Nous comptons de nombreux martyrs", reconnaît-il. L'AFFAIRE D'UNE SEMAINE Les rebelles ont contrôlé cette partie de la vieille ville pendant quatre années et l'endroit porte les marques de leur présence, ainsi que celles du siège prolongé imposé par l'armée et de l'âpreté des affrontements. Des slogans anti-Assad ont été écrits sur les murs. Des mises en garde également: "attention aux tireurs embusqués". Un autre donne des consignes sur la manière d'éviter les bombardements. Dans une ancienne ébénisterie, sont éparpillés sur le sol les ustensiles pour fabriquer des roquettes artisanales : des bonbonnes de gaz domestique remplies d'explosifs que les rebelles tiraient avec des canons de fortune sur les quartiers ouest de la ville tenus par l'armée. Pour les civils, la bataille rangée dans cette partie d'Alep est venue conclure des années de privations et de bombardements. Des dizaines de civils déplacés, y compris des enfants, se sont rassemblés dans la rue avec leurs affaires après avoir fui le quartier de Salihine où les affrontements se poursuivent. Le carnage n'a rien épargné, ni personne, pas même les morts inhumés dans le cimetière de Dar al Islam où les tombes ont été détruites. Ensuite les gens ont été enterrés dans des fosses communes. Ismaïl est confiant dans la victoire des troupes soutenant le régime de Damas. Pour lui, c'est l'affaire d'une semaine, tout au plus. (Pierre Sérisier pour le service français)