Damas veut reprendre Alep avant l'investiture de Trump

par Laila Bassam et Ellen Francis BEYROUTH (Reuters) - L'armée syrienne et ses alliés accentuent leur pression sur les quartiers rebelles d'Alep-Est avec l'intention de reprendre le contrôle de toute la ville avant l'entrée à la Maison blanche de Donald Trump le 20 janvier, a dit mardi un responsable de l'alliance militaire soutenant le régime de Damas. Ce responsable a toutefois reconnu que la prochaine phase de cette entreprise de reconquête pourrait se révéler plus délicate car elle concernera des quartiers plus densément peuplés. Les rebelles ont perdu au cours des derniers jours environ un tiers de la zone orientale qu'ils contrôlaient et les combats ont désormais gagné le sud-est de la ville. "On ne constate pas de nouvelle progression (des forces gouvernementales), mais les bombardements et les affrontements sont toujours acharnés, notamment à Aziza", a dit à Reuters un responsable du groupe rebelle Djabha Chamiya. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), l'opposition a perdu plus du tiers de la partie d'Alep qui était sous son contrôle. Le ministère russe de la Défense a évalué à 40% la zone "libérée" par les forces gouvernementales. Les conditions de vie des civils s'y sont considérablement améliorées, dit-il. "Au cours des dernières 24 heures, grâce à des initiatives très bien préparées, les militaires syriens ont pu changer radicalement la situation", assure le général Igor Konachenko, porte-parole du ministère. Plus de 80.000 civils, dont des dizaines de milliers d'enfants, ont pu avoir accès à l'aide humanitaire russe, dit-il dans un communiqué, affirmant qu'ils étaient utilisés depuis des années comme boucliers humains "par des terroristes de toutes tendances". "Les Russes veulent achever l'opération avant que Trump entre en fonction", a commenté un responsable de l'alliance militaire pro-gouvernementale. Jusqu'à présent, le calendrier de la reconquête se montrait plus mesuré afin d'éviter un changement de position des Etats-Unis dans le conflit syrien, a-t-il ajouté. DÉSINTÉRÊT AMÉRICAIN Les rebelles font le constat que l'administration américaine ne s'intéresse pas à la Syrie, a estimé un représentant des rebelles. Assad et ses alliés "tentent d'exploiter les circonstances actuelles et malheureusement les Etats occidentaux ne peuvent rien faire", a-t-il déploré. Le ton se veut pourtant alarmiste du côté des puissances occidentales et des Nations unies. La France a demandé mardi la tenue d'une réunion extraordinaire du Conseil de sécurité pour évoquer la "catastrophe humanitaire" en cours. "Je ne peux pas le nier (...) Il y a clairement un emballement militaire et je ne peux pas vous dire combien de temps Alep tiendra", a quant à lui reconnu l'émissaire de l'Onu Staffan de Mistura, devant le Parlement européen. Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), 20.000 personnes ont fui depuis 48 heures les quartiers sous contrôle rebelle de l'est d'Alep. Les civils doivent être autorisés à quitter ces quartiers en toute sécurité, souligne l'organisation, qui se dit prête à superviser l'évacuation des blessés et des malades. Entre juillet et la mi-novembre, plus de 40.000 personnes ont fui les zones de combat de l'ouest de la ville, aux mains des forces gouvernementales, et les secteur voisins, ce qui porte à 60.000 le nombre de déplacés en cinq mois. Les raids menés dans la nuit par l'aviation syrienne à Bab al Naïrab alors que des civils tentaient de fuir ont fait 25 morts, rapporte par ailleurs la Défense civile, un service de secours de la partie orientale d'Alep. L'OSDH fait quant à lui état de dix tués, mais s'attend à ce que ce bilan s'alourdisse. Il dit ignorer si les victimes sont ou non des déplacés. A Alep-Est, tous les hôpitaux sont hors service et les réserves de nourriture pratiquement épuisées. (Eric Faye, Pierre Sérisier et Gilles Trequesser pour le service français)