Un député d’extrême droite allemand employait des prisonniers politiques pour sa ferme en Biélorussie
INTERNATIONAL - En Allemagne, Jörg Dornau est principalement connu pour son rôle de parlementaire du parti d’extrême droite AfD depuis 2019. Pourtant, les récentes révélations de The Observer dévoilent une tout autre facette (peu enviable) de la vie de cet homme politique de 54 ans.
Le journal dominical britannique révèle en effet ce 29 septembre que le député AfD de Saxe, dans l’Est du pays, fait travailler des prisonniers politiques biélorusses dans un domaine qui lui appartient dans ce pays d’Europe de l’Est, et où se trouve son exploitation d’oignons. Des accusations aussi étranges qu’étayées, et pour lesquelles il pourrait écoper de bien plus qu’une simple amende.
Triage d’oignons pour un « like » dissident
Le média britannique a en effet réussi à s’entretenir avec un certain Nikolaï (le prénom a été changé), un homme employé dans cette ferme en février dernier, laquelle est gérée par la société Zybulka-Bel Ltdf, appartenant à Jörg Dornau. Selon Nikolaï, une trentaine de prisonniers politiques enfermés comme lui en Biélorussie ont travaillé durant sur séjour sur la propriété de plusieurs centaines d’hectares.
Sur place, tous devaient trier des oignons par un temps très froid. Un travail « difficile », basé sur le volontariat et pour lequel ils étaient payés un peu moins de cinq euros par jour. « Nous prenions le petit déjeuner à 7 heures du matin et travaillions jusqu’au soir, avec peu de pauses », témoigne-t-il, tout en assurant qu’il s’agissait d’un sort plus enviable que l’enfermement en cellule. « Et les oignons avaient bon goût. »
Nikolaï dit avoir été arrêté quelques semaines plus tôt par les services secrets du régime d’Alexandre Loukachenko. Son tort ? Avoir « liké » une publication sur les réseaux sociaux datant de 2021. Suffisant pour être condamné à 15 jours de prison pour dissidence. Déjà enfermé à deux reprises pour des raisons politiques, l’homme a aujourd’hui fui la Biélorussie, ce qui lui permet de témoigner plus facilement.
C’est lui qui affirme avoir vu le député allemand débarqué un beau jour sur la propriété. « Il est arrivé dans une voiture immatriculée en Allemagne. Il s’est ensuite approché de nous et nous a chaleureusement accueillis », se souvient Nikolaï.
Exploitation de personnes en difficulté
Si l’on pouvait encore douter du témoignage de cet ancien prisonnier, le média indépendant biélorusse Reforme.news avait dévoilé quelques jours plus tôt que Jörg Dornau avait bel et bien passé un accord avec la prison de Lida, dans l’ouest du pays, lui permettant d’employer des personnes détenues pour dissidence politique dans cette prison. Le média affirme en outre que des prisonniers y sont « délibérément torturés ».
Alors que Jörg Dornau a refusé de s’expliquer, d’autres témoignages viennent confirmer celui de Nikolaï. The Observer cite pour cela « un groupe indépendant de surveillance des prisons » qui a reçu plusieurs récits similaires sur les activités de la ferme depuis le début de l’année. « Une vingtaine de salariés travailleraient également contre rémunération », en plus de la trentaine de prisonniers recensés par l’organisation.
German fascist from AfD Jörg Dornau apparently was using slave labor from political prisoners in on his onion farms #Belarus. And this is all in times of sanctions and clear alliance of Lukashenko with #Putin on the war in #Ukraine #JörgDornau pic.twitter.com/C7iYgzWyHM
— Integration Nightmares (@bad_immigrant) September 25, 2024
Rattrapé en Allemagne par l’existence de la propriété, Jörg Dornau a été condamné en août dernier à verser une amende de plus de 20 000 euros pour avoir dissimulé ses revenus perçus hors du cadre de son mandat de parlementaire.
Un moindre mal. Car ces révélations viennent surtout mettre le doigt sur la relation entre des partis d'extrême droite européens et le régime autoritaire et dictatorial de Loukachenko, lui-même allié de Vladimir Poutine.
D’autant qu’au-delà des questions morales que soulève cette activité lucrative, Jörg Dornau pourrait finalement être poursuivi pour l’emploi de prisonniers politiques, comme l’indique un avocat proche du parti écologiste allemand. Ce dernier indique avoir déposé une plainte au pénal : « Si les preuves du journal biélorusse se confirment, il s’agit clairement d’un cas d’exploitation de personnes en difficulté ». En attendant, la ferme du député continue de fonctionner. Avec ou sans prisonniers ?
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