Le département de l’Ain n’a pas le droit de ne plus héberger les mineurs étrangers isolés
JUSTICE - La justice a suspendu la décision du conseil départemental de l’Ain de ne plus assurer pendant au moins trois mois l’accueil des nouveaux mineurs étrangers non accompagnés, notant leur « particulière vulnérabilité ».
Le tribunal administratif de Lyon, saisi en référé par cinq associations d’aide aux migrants dont la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), a suspendu la mesure « jusqu’à ce qu’il soit statué sur les conclusions de la requête au fond », selon une copie du jugement rendu mercredi.
« Cet accueil est une mission de service public obligatoire », a commenté sur X Me Lionel Crusoé, l’un des avocats des associations, dénonçant une mesure « illégale ».
« Accélération flagrante »
Depuis 2013, dans le cadre de leur mission de protection de l’enfance, les départements ont la responsabilité de l’accueil, l’évaluation, l’hébergement et la prise en charge des mineurs étrangers isolés.
Mais le 30 novembre, le président LR de l’Ain, Jean Deguerry, avait annoncé que l’hébergement des jeunes migrants n’était plus possible dans son département faute de « capacités d’accueil et d’encadrement » malgré l’ouverture « de plus de 150 places » en 2023.
Selon l’élu, parmi les 252 arrivées directes enregistrées depuis le mois de janvier (contre 131 pour l’ensemble de l’année 2022), « une accélération flagrante » s’est opérée depuis septembre avec une moyenne de 43 arrivées mensuelles contre 23 entre janvier et août.
Faute de moyens humains, financiers et matériels
Un constat qui n’est pas un fait isolé, puisque plusieurs départements ont annoncé depuis octobre faire une pause dans l’accueil des mineurs isolés étrangers dans la Protection de l’Enfance, arguant de dispositifs saturés. En cause, là aussi, une augmentation du nombre de mineurs se présentant dans les départements.
« Depuis un an nous avons un afflux de personnes. En novembre 2022, nous avons accueilli 780 mineurs, au mois de novembre de cette année c’était 1 358 », a justifié sur France Bleu Dominique Santoni, présidente du Conseil départemental du Vaucluse. Elle a annoncé fin décembre stopper l’accueil de mineurs étrangers non accompagnés (MNA), faute de moyens humains, financiers et matériels nécessaires.
« Premièrement, nous n’avons pas les moyens humains, nos agents sont débordés, ils ne peuvent pas évaluer un tel nombre de personnes, a-t-elle expliqué au micro de France Bleu. Deuxièmement, nous n’avons pas les moyens financiers, puisque c’est un coût et nous sommes très peu compensés par l’État. Et puis les moyens matériels, puisque nous avons 85 places et 135 mineurs accueillis en Vaucluse. »
Une situation « intenable »
Depuis le début de l’année, les arrivées de migrants ont fortement augmenté sur les côtes italiennes, provoquant un afflux en France de mineurs isolés. Avant l’été, plusieurs autres départements avaient déjà alerté sur une situation « intenable ».
En octobre, le conseil départemental du Territoire de Belfort, avait annoncé qu’il allait plafonner la prise en charge de ces mineurs.
La secrétaire d’État à l’Enfance Charlotte Caubel s’était dite prête en octobre à envisager une « renationalisation » de la Protection de l’enfance, suscitant l’indignation de l’Assemblée des départements.
Pour tenter d’apaiser les tensions, le gouvernement et les départements ont lancé mardi 12 décembre « cinq chantiers » pour améliorer la Protection de l’enfance en crise. L’un d’entre eux concerne « la prise en charge » des MNA étrangers. Les conclusions de ces chantiers devraient être partagées et diffusées avant l’été.
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