Déjà mise en cause pour la mort de sa fille, une mère mise en examen pour "empoisonnement" sur sa cadette

La balance de la Justice (illustration) - LOIC VENANCE / AFP
La balance de la Justice (illustration) - LOIC VENANCE / AFP

Empoisonneuse en série ou mère surprotectrice? Maylis D., déjà mise en examen pour "empoisonnement" après la mort de sa fille aînée en 2019, est soupçonnée d'avoir récidivé sur sa fille cadette, avec qui elle vivait entre le décès de la jeune Enéa et son incarcération en janvier 2022. Elle vient d'être à nouveau mise en examen lundi 6 mars, a appris BFMTV.com de sources concordantes, confirmant les informations de France 3 Aquitaine.

Le 13 novembre 2019, Enéa, la fille aînée de Maylis D., est hospitalisée après avoir fait un malaise. La jeune fille de 18 ans vivait jusqu'alors recluse dans la maison familiale avec sa mère, sa sœur, son petit-ami et le frère de ce dernier, également en couple avec la jeune sœur. Après six jours de coma, elle était décédée.

Si, au départ, l'enquête s'oriente vers un suicide, rapidement les analyses toxicologiques réalisées sur la jeune fille révèle une importante consommation de médicaments. Une vingtaine de molécules différentes sont retrouvés dans l'organisme de la victime. L'autopsie déterminera que la mort d'Enéa a été causée par une ingestion massive de comprimés, du Propanolol, un bêtabloquant, normalement prescrit pour réduire la tension artérielle.

Une temporalité qui interroge

L'enquête sur la mort de la jeune femme aboutie le 18 janvier 2022 avec la mise en examen de sa mère pour "empoisonnement" dans le cadre d'une information judiciaire. Elle est ainsi soupçonnée de lui avoir fait ingérer cette dose létale de médicament. Un des éléments la mettant en cause sont des recherches sur Internet quelques jours avant le décès de sa fille sur l'effet des bêtabloquants et les conséquences d'un surdosage. Elle est alors placée en détention provisoire à la maison d'arrêt de Pau.

Entre le décès d'Enéa et cette incarcération, soir un peu plus de deux ans, Maylis D. vivait encore avec sa fille cadette, alors âgée de 16 ans.

"Il y a eu comme une prise de relais entre les deux sœurs", estime Me Thibault Laforcade, l'avocat du père des deux jeunes femmes.

Au début de l'enquête pour recherche des causes de la mort après le décès d'Enéa, la mère de famille avait écopé d'un rappel à la loi pour "manquement à ses obligations parentales" pour avoir administré un somnifère à sa fille cadette à la veille d'un examen. Des analyses ont été approfondies et ont révélé qu'entre septembre 2019 et janvier 2022, la jeune fille a ingéré une forte dose d'antidépresseurs et d'anxiolytiques. Ce qui vaut à Maylis D. cette nouvelle mise en examen.

"Surprotection"

Pendant des années, Maylis D. a fait courir les cabinets médicaux à ses deux filles. Hormis un trouble dépressif, Enéa ne souffrait d'aucune pathologie, avait précisé le procureur de la République de Mont-de-Marsan où l'information judiciaire est instruite. Sa jeune sœur connaît le même quotidien. Pour autant, les molécules retrouvées dans son organisme ne relèvent d'aucune prescription.

Pour le père des deux jeunes filles, divorcé de Maylis D. depuis 2009, et alors que cette dernière avait fait en sorte que leurs filles ne voient plus leur père, cette seconde mise en examen est "extrêmement difficile". "Le différentiel entre ce qu'il imaginait pour ses filles et la réalité n'est pas grand", déplore Me Laforcade. Peu de temps avant la mort d'Enéa, Yannick Reverdy avait lancé à une juge que le dernier document qu'elle rentrerait au dossier serait le certificat de décès de sa fille...

Du côté de la mise en cause, on ne nie pas la surmédication, mais on nie toute intention volontaire de nuire. "Il y avait certainement une surmédication liée à une surprotection pour les soulager, pour les protéger, estime auprès de BFMTV.com Me Gérard Danglade. Elle avait des ordonnances, des médicaments prescrits par des pharmacies, les prescriptions ont été vérifiées par la CPAM, il n'y a jamais eu l'intention d'administrer des médicaments pour attenter à la santé de ses filles."

Une personnalité "mythomane"

Au cœur de ce dossier réside l'emprise d'une mère sur ses deux filles. La cadette, placée sous le statut de témoin assisté dans le cadre de l'information judiciaire ouverte sur la mort de sa sœur, réfute les accusations portées à l'encontre de sa mère. À plusieurs reprises devant les juges pour enfant, le père des deux filles a tenté d'alerter du danger qu'elle pouvait encourir "sans être entendu".

Des premières expertises psychologiques ont dépeint Maëlys D. comme "mythomane". Elle a fait croire un temps que son mari avait été tué par les Farc, ces groupes révolutionnaires colombiens, elle a inventé une leucémie à sa fille, elle affirmait successivement être neurochirurgienne, travailler pour la Nasa ou encore qu'elle connaissait le couple Macron.

Alors que l'intentionnalité de son geste sera certainement au cœur des prochains débats devant le juge d'instruction ou une cour d'assises si elle était renvoyée, les experts ont évoqué pour Maylis D. la possibilité qu'elle souffre du syndrome de Münchausen par procuration, un trouble psychique qui consiste à faire en sorte d'exister socialement au travers de la maladie d'un proche, feinte ou provoquée. Les conclusions des expertises psychiatriques devraient être rendues prochainement.

Article original publié sur BFMTV.com