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En plus de la déforestation, un tiers de l’Amazonie a aussi été dégradée à cause des humains

Photo prise en 2015 d’une forêt en feu à Belterra, en Amazonie brésilienne.
Adam Ronan/Rede Amazônia Sustentável Photo prise en 2015 d’une forêt en feu à Belterra, en Amazonie brésilienne.

ENVIRONNEMENT - Lorsqu’on parle de l’état de la forêt amazonienne, on pense systématiquement à la déforestation. Mais les dégradations liées aux autres activités humaines sont toutes aussi importantes, comme l’explique cette nouvelle analyse publiée dans la revue The Science, datée du vendredi 27 janvier.

À partir de plusieurs études collectées, il montre notamment que ces dégradations provoquent des émissions de carbone équivalentes voire supérieures à celle de la déforestation.

Qu’est-ce que la dégradation liée à l’activité humaine ?

« Les dégradations de la forêt sont tous les événements qui abîment une forêt sans pour autant la détruire », peut-on lire sur le site de l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE). La différence avec la déforestation est que les parcelles déforestées ont vocation à être utilisées d’une autre manière, par exemple pour l’agriculture. Bien que les forêts fortement dégradées puissent perdre presque tous les arbres, l’utilisation des terres elle-même ne change pas.

L’étude retient quatre situations qui conduisent à ce type de dégradation. La première est l’effet-lisière, qui l’une des conséquences de la déforestation. « Lorsqu’on coupe une partie de la forêt, on l’abime, mais les parcelles adjacentes aussi », précise Jean-Pierre Wigneron, directeur de recherche à l’INRAE, contacté par Le HuffPost. « Les arbres qui sont en bordure de la parcelle déforestée sont maintenant exposés et leur micro-climat change. Ils sont plus sensibles au vent, aux effets de sécheresse et aux températures. Ils sont donc affaiblis », détaille-t-il.

La seconde est l’exploitation forestière. C’est par exemple l’exploitation de bois ou les mines d’or, y compris de manière illégale.  Quant aux deux derniers éléments, nul besoin de les définir puisqu’il s’agit des feux de forêt et de la sécheresse extrême due au changement climatique induit par l’homme.

2,5 millions de km2 touchés

« Les dégradations se sont un peu “les émissions cachées”. La déforestation est assez bien suivie puisqu’elle est facile à voir mais la dégradation, c’est plus difficile à détecter. Mais on se rend compte qu’elle joue un rôle très important », indique Jean-Pierre Wigneron.  Ainsi, entre 2021 et 2018, un tiers de la forêt amazonienne restante a été dégradé par l’activité humaine. Pour vous donnez une idée, ça représente environ 2,5 millions de km2 de la forêt amazonienne, soit plus que la superficie de l’Algérie.

« Malgré l’incertitude quant à l’effet total de ces perturbations, il est clair que leur effet cumulatif peut être aussi important que la déforestation pour les émissions de carbone et la perte de biodiversité », détaille Jos Barlow, professeur de sciences de la conservation à l’Université de Lancaster au Royaume-Uni et co-auteur de l’étude.

Or, comme le montrait une étude publiée dans la revue Nature en juillet 2021, durant la dernière décennie, la partie sud-est de l’Amazonie est passée d’un puits de carbone à une source de CO2, gaz responsable du réchauffement de la planète. C’est-à-dire qu’elle a émis plus de CO2 qu’elle n’a pu en absorber.

Et le réchauffement climatique dans tout ça ?

Les perspectives ne sont pas vraiment réjouissantes, puisque d’ici 2050, les dégradations de parties de la forêt amazonienne continueront d’être des sources d’émissions de carbone dans l’atmosphère - indépendamment du rythme de la déforestation. Un constat fait à partir d’une projection réalisée par l’équipe en charge de l’étude publiée ce vendredi.

« Même dans un scénario optimiste, lorsqu’il n’y aura plus de déforestation, les effets du changement climatique entraîneront la dégradation de la forêt, entraînant de nouvelles émissions de carbone », déclare le Dr David Lapola, responsable de l’étude et chercheur au Center for Recherche Météorologique et Climatique Appliquée à l’Agriculture à Unicamp. Cependant, « empêcher la progression de la déforestation reste vital et pourrait également permettre d’accorder plus d’attention à d’autres moteurs de la dégradation des forêts ».

Les auteurs proposent tout de même de créer un système de surveillance de la dégradation des forêts, ainsi que la prévention et la lutte contre l’exploitation forestière illégale et le contrôle de l’utilisation du feu, notamment dans le secteur de l’agriculture. Ils suggèrent également le concept de « forêts intelligentes » qui, sur le même principe que pour les « villes intelligentes », utiliserait différents types de technologies et de capteurs pour collecter des données utiles afin d’améliorer la qualité de l’environnement.

« Les actions et politiques publiques et privées visant à freiner la déforestation ne s’attaqueront pas nécessairement également à la dégradation », insiste David Lapola. « Il est nécessaire d’investir dans des stratégies innovantes. »

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