Déficit public : Bruno Le Maire et Emmanuel Macron, deux suspects dans le viseur de l’enquête du Sénat
POLITIQUE - Une question à plusieurs milliards. Les membres de la commission des Finances du Sénat reprennent les travaux de leur mission d’information sur la « dégradation des finances publiques. » Avec un axe central : comprendre les causes du dérapage du déficit cette année (de 4,4 % à 6,1 % du PIB), et identifier les responsables de cette situation.
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En d’autres termes, ceux de Valérie Pécresse en l’occurrence : les sénateurs vont chercher à savoir « qui a cramé la caisse. » Principal suspect, déjà accusé par l’opposition et une partie de son propre camp, Bruno Le Maire est auditionné ce jeudi 7 novembre à partir de 8 heures. Après lui, suivront les ex-locataires de Matignon Gabriel Attal, vendredi, et Élisabeth Borne le 15 novembre.
L’enjeu est majeur pour le camp présidentiel. Il l’est, certes pour l’ancien ministre tout-puissant sept années durant à Bercy. Mais il l’est également pour Emmanuel Macron et ses soutiens, qui risquent de voir leur bilan être sérieusement écorné et leur stratégie économique battue en brèche.
Le Maire a-t-il tardé à réagir ?
Bruno Le Maire n’a pas prévu de porter le chapeau. L’ancien ministre, professeur à l’université de Lausanne en Suisse depuis son départ du gouvernement, est accusé par les oppositions et la droite d’avoir cherché à dissimuler l’état des comptes publics, après avoir tardé à réagir sur l’ampleur du gouffre entre les prévisions de déficit, et l’embardée réelle.
Depuis l’automne 2023, nombreux sont ceux à dénoncer son « insincérité budgétaire », voire son entreprise de « mystification », à l’image de Jean-François Husson, le sénateur LR à la manœuvre pour ces auditions. Dans ce sillage, Michel Barnier insiste lui-même à chaque fois qu’il en a l’occasion sur la situation « grave » qu’il a « découverte » à son arrivée à Matignon.
Concrètement, plusieurs enquêtes médiatiques ont révélé en octobre dernier que l’ancien locataire de Bercy n’a pas immédiatement pris en compte les alertes de ses propres services, un an auparavant. Le Nouvel Obs affirme par exemple que l’administration a fait part de ses inquiétudes par trois fois en un mois, sans provoquer un changement de cap du ministre. Une sorte d’attentisme que le premier concerné réfute depuis qu’il est placé sur le banc des accusés.
Sur un plan plus politique, il est vrai que Bruno Le Maire est le premier en Macronie à avoir alerté sur la nécessité d’œuvrer au rétablissement des comptes publics. Il a par exemple plaidé la fin du « quoi qu’il en coûte » quand l’heure était aux « chèques » en tous genres pour lutter contre la crise inflationniste, avant d’imposer 10 milliards d’euros de coup de rabot en février 2023, puis de pousser - en vain - pour un Projet de loi de finances rectificative au printemps 2024. Ce qu’il ne manquera pas de rappeler ce jeudi aux sénateurs - et au-delà.
Macron ne sera pas épargné
Selon Le Parisien, Bruno Le Maire - qui a déjà fait savoir son envie de s’expliquer - aurait l’ambition de « rétablir les faits au scalpel », « devant le torrent de mensonges et la brutalité des accusations. » Les choses peuvent alors se corser, notamment pour Emmanuel Macron.
Le président de la République pourrait effectivement être attaqué sur trois flancs. Sur son dogme économique, basée sur la stratégie de l’offre et la théorie de ruissellement, lequel n’a pas produit les effets escomptés selon les oppositions de gauche. Là-dessus, Bruno Le Maire sera le premier soutien du chef de l’État. Mais également sur des choix plus récents, et contestés jusque dans son propre camp.
En ce sens, le ministre de l’Économie aura du mal cette fois-ci à défendre l’arbitrage du président de la République sur le fameux Projet de loi de finances rectificative. Emmanuel Macron a effectivement refusé le principe de ce texte défendu par Bruno Le Maire (et portant des mesures forcément impopulaires) à quelques encablures des élections européennes. L’ex-locataire de Bercy risque aussi d’être à la peine pour expliquer le choix du chef de l’État de dissoudre l’Assemblée nationale et de laisser en place un gouvernement illégitime à prendre des décisions structurantes.
« Cela nous a interrompus dans le plan de redressement des finances publiques », a ainsi concédé l’ancien ministre du Budget Thomas Cazenave mi-octobre sur LCI. Comme un avant-goût de son audition au Sénat, pour sa part jeudi après-midi ? Les ténors du camp présidentiel n’ont, en tout cas, pas prévu de supporter seul le fardeau de ce dérapage face aux enquêteurs du Sénat. Les services de Bercy, qui n’ont pas brillé dans leur exercice de prévision, ou Les Républicains et leurs désirs coûteux pour le budget 2023, risquent aussi de rejoindre le banc des accusés au fil des différentes auditions.
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