Décryptage de l'incursion ukrainienne en territoire russe

Décryptage de l'incursion ukrainienne en territoire russe

Par le passé, les forces ukrainiennes ont lancé quelques incursions en territoire russe, la plus récente ayant eu lieu en mars de cette année, lorsque trois unités armées anti-Kremlin ont pénétré dans les régions de Belgorod et de Koursk depuis l'Ukraine, ce qui aurait donné lieu à des affrontements avec les forces russes dans plusieurs localités.

Toutes ces incursions ont été presque immédiatement suivies d'attaques incessantes contre la capitale régionale, Soumy et sa région.

Mais ce qui a commencé mardi matin à la frontière s'est rapidement transformé en un raid d'un autre type.

Pas d'information, pas d'avertissement

Toutes les informations et tous les détails concernant les combats actuels dans la région de Koursk, en particulier autour de la ville de Soudja, proviennent presque exclusivement de sources officielles russes et de blogueurs militaires russes.

Il n'y a pas eu d'avertissements, de vidéos, de photos ou de déclarations de l'Ukraine avant et pendant les premières heures de l'opération, qui a dû être longuement préparée.

La seule fois où des responsables ukrainiens ont commenté ce qui se passait dans la région de Koursk en Russie, c'est lorsque Andrii Kovalenko, membre du Conseil ukrainien de sécurité nationale et de défense, a déclaré que la Russie ne contrôlait pas sa frontière.

Un soldat russe tire avec un obusier D-30 en direction des positions ukrainiennes, le 7 août 2024.
Un soldat russe tire avec un obusier D-30 en direction des positions ukrainiennes, le 7 août 2024. - AP/ministère russe de la Défense

Le ministère russe de la Défense a d'abord indiqué que quelque 300 soldats ukrainiens avaient mené une incursion en Russie en traversant la frontière, engageant le combat à l'intérieur, avec l'appui de chars, de véhicules de combat blindés, de drones, ainsi que des tirs de missiles.

Moscou a d'abord déclaré que les attaques avaient été repoussées. Le gouverneur régional par intérim, Alexei Smirnov, a déclaré qu'il avait informé le président russe Vladimir Poutine de la situation, qui était selon lui sous contrôle.

Toutefois, des blogueurs militaires russes ont continué à faire état de la capture par les forces ukrainiennes de plusieurs localités et de leur progression dans le territoire russe.

Quelles sont les forces en présence ?

Les précédents raids et incursions en territoire russe ont été principalement revendiqués par le Corps des volontaires russes, la Légion de la liberté de la Russie et le bataillon Sibir, composé de volontaires russes combattant aux côtés des forces armées ukrainiennes.

Mais cette fois, la déclaration de Moscou affirme que les forces ukrainiennes appartiennent à la 22e brigade mécanisée de l'armée, c'est-à-dire non pas à des volontaires, mais à des soldats aguerris et expérimentés des forces armées ukrainiennes, endurcis par certains des combats les plus violents, y compris dans la région de Bakhmout.

La brigade s'est refusée à tout commentaire, tout comme la Légion pour la liberté de la Russie, l'état-major ukrainien et le ministère de la Défense.

Du côté russe, cette partie de la frontière dans la région de Koursk était gérée par les forces de contrôle des frontières, qui ne disposaient pas d'un nombre suffisant de soldats en service.

Elles ont donc été renforcées par des conscrits. Il s'agit de jeunes soldats russes, âgés d'au moins 18-19 ans, qui n'ont que peu d'expérience pour contrer ce type d'attaque.

Le deuxième jour de l'incursion, les médias ukrainiens ont rapporté que des dizaines de soldats russes s'étaient rendus à l'Ukraine dans l'oblast de Koursk.

La guerre des drones est cruciale

L'opération menée par l'Ukraine de l'autre côté de la frontière est massivement soutenue par des drones et, plus particulièrement, par des drones à vision subjective.

Le déploiement de drones FPV par l'Ukraine lui a procuré des avantages tactiques et stratégiques notables face à la Russie.

Selon des rapports russes, mardi, un drone FPV ukrainien a touché un hélicoptère d'attaque russe Mi-28 Havoc au-dessus de la région de Koursk. Le Mi-28 est un hélicoptère d'attaque conçu pour rechercher et détruire les véhicules blindés, les cibles aériennes et les effectifs de l'ennemi.

La vidéo de l'attaque présumée, publiée ultérieurement, illustre la stratégie plus large de l'Ukraine consistant à utiliser différents types de drones pour perturber les opérations militaires russes au sol, en mer et dans les airs.

Quel est l'objectif final ?

Des questions subsistent quant aux avantages d'actions similaires, hormis l'effet de choc et le fait de contraindre certaines parties des troupes russes à renforcer leurs défenses en repositionnant des troupes venues d'autres fronts.

Voici quelques-uns des facteurs importants concernant l'axe de l'attaque. L'axe de Soudja est situé sur l'une des principales lignes de chemin de fer - la ligne Lgov-Belgorod, qui va jusqu'à Belgorod, le principal dépôt logistique du groupe opérationnel nord russe à Kharkiv.

Un hub stratégique pour les livraisons de gaz russe

La région revêt également une grande importance économique et énergétique. Les stations de transfert et de mesure du gaz de Soudja sont le seul point d'entrée du gaz naturel russe dans le système ukrainien de transport de gaz pour l'acheminement vers l'Europe.

Actuellement, environ 42 millions de mètres cubes de gaz passent par Soudja chaque jour, selon les données de l'agence Reuters. Le volume de transit annuel total est d'environ 14 milliards de mètres cubes.

Deux blogs militaires russes ont affirmé, sans fournir de preuves, que les forces ukrainiennes avaient capturé une installation de mesure du gaz. Ces affirmations n'ont pas pu être vérifiées de manière indépendante.