Déclaration de politique générale de François Bayrou: à quoi sert ce discours du Premier ministre?
Il est le 28e Premier ministre à s'y conformer: François Bayrou effectue ce mardi 14 janvier sa déclaration de politique générale, un grand classique pour les chefs de gouvernement de la Ve République lors de leur entrée en fonction - le discours et les réactions seront à suivre à partir de 15 heures sur BFMTV et BFM2.
Tous les Premiers ministres se sont confrontés à cet exercice depuis Michel Debré en 1959. Mais en quoi ce discours consiste-t-il exactement?
• Qu'est-ce qu'une déclaration de politique générale?
Pour un Premier ministre, la déclaration de politique générale vise à exposer devant le Parlement l'action que veut mener son gouvernement. Autrement dit, à indiquer les principales réformes qu'il souhaite mettre en place, hiérarchiser des priorités, préciser un calendrier...
Pour François Bayrou, les questions sont nombreuses: quels seront les arbitrages effectués pour le prochain budget, alors que le précédent a fait chuter son prédécesseur Michel Barnier? Quels gages donnera-t-il aux uns et aux autres dans cet hémicycle morcelé entre trois blocs - le Nouveau Front populaire à gauche macronistes, les centristes et la Droite républicaine, ainsi que le Rassemblement national à l'extrême droite?
En ce sens, annoncera-t-il une instauration de la proportionnelle, une mesure que le RN verrait d'un bon œil? Sera-t-il prêt à faire un geste significatif au Parti socialiste concernant la réforme des retraites?
Le patron du Modem va préciser sa ligne politique dans une déclaration voulue comme "exigeante mais aussi anti-censure", selon l'un de ses compagnons de route, lucide sur le dilemme auquel est confronté ce dernier.
Le discours de politique générale revient également à définir une méthode. En 2022, Élisabeth Borne avait marqué par son plaidoyer en faveur des "compromis" avec la majorité relative présidentielle. Tandis que son successeur, Gabriel Attal, s'était distingué début 2024 par un débit mitraillette, cherchant à démontrer son volontarisme, appuyé par des phrases choc du type: "Tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l'autorité, tu apprends à la respecter".
Rien à voir avec la patte de Michel Barnier, auteur d'une déclaration beaucoup plus posée, après avoir promis dès la passation de "davantage agir que de parler", dans une pique à son prédécesseur.
• Comment se déroule-t-elle?
L'usage veut que la déclaration de politique générale soit lue en même temps dans les deux chambres du Parlement. Le 1er octobre dernier, lorsque Michel Barnier s'est présenté devant les députés, Didier Migaud, numéro deux du gouvernement dans l'ordre protocolaire, l'a épaulé au Sénat. Avant que le Savoyard ne s'exprime dans la chambre haute le lendemain.
Dans le cas présent, c'est Élisabeth Borne, de retour au gouvernement comme ministre de l'Éducation nationale, qui devrait lire la déclaration de François Bayrou.
Une fois que le Premier ministre a pris la parole, les différents chefs de groupes parlementaires ont le droit à un temps de parole. L'occasion de faire valoir leur opposition ou leur soutien au locataire de Matignon. Ce dernier peut ensuite engager la responsabilité du gouvernement, en vertu de l'article 49.1 de la Constitution et organiser un vote de confiance.
Si les députés votent la confiance, le Premier ministre assoit alors sa légitimité devant le Parlement. Dans le cas inverse, son gouvernement est renversé.
• Un vote de confiance est-il obligatoire?
Dans tous les cas, ce vote de confiance - de même que la déclaration de politique générale - n'est pas une obligation constitutionnelle. En situation de majorité relative, Michel Barnier, Gabriel Attal, Élisabeth Borne, mais aussi avant eux Michel Rocard, Édith Cresson ou encore Pierre Bérégovoy s'en étaient passé. On pourrait également citer Georges Pompidou, Pierre Messmer, Maurice Couve de Murville et Raymond Barre.
À l'image de ses trois prédécesseurs, François Bayrou ne sollicitera pas de vote de confiance, comme il l'avait indiqué sur BFMTV lundi 23 décembre, renvoyant un vote à une probable motion de censure, confirmée ensuite par La France insoumise.
Pour être adoptée cette initiative doit recueillir les voix de la majorité absolue de l'Assemblée, soit 288 en l'état, deux sièges étant remis en jeu à l'occasion d'élections législatives partielles. Pour l'instant, seule La France insoumise, représentée par 71 députés, a clairement affirmé son intention de voter cette disposition.
Chez les socialistes, qui ont négocié la semaine dernière avec le gouvernement, le compte n'y était pas lundi soir, après une réunion de deux heures à Matignon qui s'est soldée par un échec. Le député Philippe Brun a affirmé que le projet de budget proposé par le gouvernement "n'est ni plus ni moins que le budget de Michel Barnier en moins bien, avec encore moins d'impôts pour les très, très riches" et "un certain nombre de crédits qui vont baisser pour certaines missions essentielles".
"Là, on nous propose un budget qui aggravera la crise que nous connaissons aujourd'hui et ne résoudra pas les difficultés que les Français connaissent", a-t-il résumé. De quoi pousser le PS à censurer?