Décès de Genscher, architecte de la réunification allemande

L'ancien ministre allemand des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher a succombé jeudi soir à une crise cardiaque à l'âge de 89 ans. Il a été le premier chef de la diplomatie de l'Allemagne réunifiée. /Photo d'archives/REUTERS/Ralph Orlowski

par Madeline Chambers BERLIN (Reuters) - L'ancien ministre allemand des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher, réfugié de l'Est devenu l'un des architectes de la réunification de son pays, est décédé à l'âge de 89 ans. Il a succombé à une crise cardiaque jeudi soir à son domicile, entouré de ses proches. Avocat, adhérent du Parti libéral-démocrate (FDP) après avoir fui la République démocratique allemande, Hans-Dietrich Genscher a mené une carrière politique étalée sur un demi-siècle qui a culminé avec la réunification en 1990. "Nous pleurons un grand Allemand et un Européen convaincu", a déclaré la chancelière Angela Merkel, l'air sombre, lors d'une allocution télévisée. "Personnellement, je lui suis reconnaissante pour toutes ces discussions et ces rencontres où je pouvais tirer profit de son expérience du monde et de sa sagesse", a-t-elle ajouté. Christian Lindner, le chef de file actuel du FDP, a déclaré sur Twitter que Hans-Dietrich Genscher avait été "l'architecte de l'unité, l'un des fondateurs de l'UE et notre figure paternelle". Parfois comparé par les observateurs au secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger ainsi qu'à Talleyrand, le chef de la diplomatie de Napoléon, Genscher avait notamment contribué à rallier à la réunification certains des alliés ou des ex-ennemis de l'Allemagne que cette perspective inquiétait, à commencer par l'URSS et la France. Ses efforts furent récompensés le 3 octobre 1990 avec la signature par les deux Allemagnes d'alors du traité de réunification avec les quatre vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, qui a restauré la souveraineté allemande après une parenthèse de 45 ans. LA FRANCE SALUE "UN EUROPÉEN CONVAINCU" Le porte-parole du gouvernement allemand, Georg Streiter, a déclaré que Hans-Dietrich Genscher était "un grand homme d'Etat, un grand Européen et un grand Allemand". Jean-Marc Ayrault, le ministre français des Affaires étrangères, a salué "l'un des grands acteurs de la réunification (qui) aura marqué par ses qualités tant politiques qu'humaines cette période majeure de l’histoire de l’Europe". "La France salue la mémoire d’un Européen convaincu, cheville ouvrière de la coopération franco-allemande", a-t-il ajouté. Né le 21 mars 1927 à Reideburg, près de Halle, Hans-Dietrich Genscher avait servi dans la Luftwaffe, l'aviation allemande, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il avait assuré n'avoir découvert que bien des années plus tard que son nom avait été inscrit dans le registre des membres du parti nazi. Ministre de l'Intérieur de Willy Brandt, il avait vécu le pire moment de sa carrière politique en 1972 avec le drame de la prise d'otages des Jeux olympiques de Munich, l'assaut des forces de sécurité allemandes s'étant soldé par la mort de 11 membres de l'équipe israélienne. Il avait été nommé en 1974 ministre des Affaires étrangères, un portefeuille qu'il a occupé sans interruption jusqu'en 1992, aussi bien sous l'autorité du chancelier social-démocrate Helmut Schmidt que du chrétien-démocrate Helmut Kohl. Fervent partisan de la construction européenne dès les années 1980, il avait ouvert la voie en négociant un accord sur la création de la future Banque centrale européenne, première étape vers l'introduction de l'euro en 1999. (Avec Michelle Martin, Joseph Nasr, Matthias Sobolewski et Paul Carrel, Jean-Philippe Lefief, Marc Angrand et Guy Kerivel pour le service français)