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Les Écossais votent sur l'indépendance

par Guy Faulconbridge et Angus MacSwan EDIMBOURG (Reuters) - Les Écossais étaient appelés jeudi à se prononcer par référendum sur l'indépendance de leur nation au terme d'une campagne très disputée qui s'est achevée sur une courte avance des partisans du "non" dans les sondages. Donné perdant par les sondages, le camp de l'indépendance a reçu un puissant soutien de dernière minute de la part de la star du tennis britannique Andy Murray qui a twitté : "Faisons-le". Pour beaucoup d'Écossais, il s'agit d'un choix entre "le coeur et la tête", entre l'émotion et l'incertitude face au saut dans l'inconnu que représenterait un Etat indépendant, avec ses propres institutions, mais qui conserverait toutefois la livre sterling comme monnaie. Le suspense est d'autant plus grand sur l'issue de cette consultation référendaire qu'environ 600.000 électeurs affirmaient être indécis seulement quelques heures avant de se rendre dans l'isoloir. Les électeurs doivent répondre par "oui" ou "non" à la question : "L'Ecosse doit-elle être un pays indépendant ?" Un "oui" mettrait fin à 307 années d'union avec l'Angleterre. "C'est un jour historique pour l'Ecosse. J'ai attendu ce moment toute ma vie. Il est temps de se séparer de l'Angleterre. 'Oui' à l'indépendance", a commenté Ron, un homme d'affaires, le premier à déposer son bulletin dans l'urne au bureau de Waverley Court à Edimbourg. Alors qu'il s'exprimait, un couple pressé de se rendre au travail par ce matin de crachin brumeux a lancé à la cantonade: "Votez non !". Les bureaux de vote fermeront à 22h00 (21h00 GMT). Le résultat est attendu vendredi matin. Cinq sondages donnent un avantage aux unionistes avec 52% d'intentions de vote pour le "non", contre 48% pour le "oui". Un sixième donne 51% en faveur du "non" et 49% en faveur du "oui", tandis qu'un autre donne le "non" à 53% et les séparatistes à 47%. Confronté à la menace interne la plus importante pour le Royaume-Uni depuis l'Indépendance de l'Irlande il y a près d'un siècle, l'establishment politique et économique britannique a tenté jusqu'au dernier moment de convaincre les Écossais de rester au sein du Royaume-Uni. Le Premier ministre David Cameron sait son poste menacé en cas de victoire du "oui". "LE JOUR DU DESTIN" Consciente de la portée de l'événement, la presse, avec force drapeaux et citations du poète Robert Burns, fait ses gros titres sur le référendum, reléguant la plupart du temps les autres sujets dans les pages intérieures. Pour The Scotsman et le Guardian, il s'agit du "Jour du Destin", tandis que, sur une pleine page, le Daily Telegraph montre deux hommes tenant l'un, l'Union Jack britannique, l'autre le Saltire bleu et blanc écossais avec pour seuls mots une citation de Robert Burns, le poète du XVIIIe siècle symbole de l'Ecosse : "Que la (Grande-)Bretagne soit toujours fidèle à la (Grande-)Bretagne, soyons unis entre nous". Pour le Times, c'est tout simplement "Jour J pour l'Union" avec aussi un extrait du "Auld Lang Syne" ("Ce n'est qu'un au revoir") de Robert Burns. Pour le Financial Times, qui montre un drapeau écossais photographié sur fond de nuage gris, les Écossais sont "aux portes de l'Histoire", tiraillés entre "terreur et beauté". Partisans et adversaires de l'indépendance sont restés mobilisés jusqu'aux dernières heures de la campagne, à l'image du Premier ministre écossais Alex Salmond, champion de la cause indépendantiste, qui a appelé ses compatriotes à ne pas laisser passer "une chance unique". Il a toutefois indiqué pendant la campagne que la reine Elisabeth, laquelle n'est pas intervenue conformément à la Constitution, resterait la reine des Écossais. "C'est une opportunité qui ne se présente qu'une fois dans une vie et nous devons la saisir à deux mains", a-t-il dit pendant un meeting à Perth, dans l'est de l'Ecosse, moins de douze heures avant l'ouverture des bureaux de vote. "L'avenir de l'Ecosse doit être entre les mains de l'Ecosse", a insisté Alex Salmond, qui a terminé son discours en reprenant le slogan de la première campagne du président américain Barack Obama: "Yes we can". Le référendum est suivi avec attention aux Etats-Unis en raison des importantes conséquences économiques qu'il pourrait avoir, a déclaré le secrétaire américain au Trésor à la veille du scrutin. Le chancelier de l'Échiquier George Osborne a annulé sa participation au G20 des ministres des Finances en Australie. Le gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney sera lui aussi à Londres pour attendre le résultat de cette consultation historique. (Guy Kerivel, Jean-Philippe Lefief, Pierre Sérisier et Danielle Rouquié pour le service français, édité par Tangi Salaün)