Dans le débat face à Donald Trump, Kamala Harris pourra compter sur son expérience de procureure
ÉTATS-UNIS - « Donald Trump rabâche sur la loi et l’ordre comme s’il n’était pas un criminel condamné en campagne contre une procureure. » Cette pique du démocrate Pete Buttigieg visant le candidat républicain reflète bien la ligne d’attaque du camp de Kamala Harris : plus que jamais, les années d’expérience de la vice-présidente à la tête de la justice californienne devront lui servir lors de son premier débat contre Donald Trump, ce mardi 10 septembre.
Le débat entre Kamala Harris et Donald Trump passe aussi par une guerre des micros
Par moments considéré comme un handicap pour Kamala Harris - en particulier lors d’une campagne de 2020 marquée par le mouvement Black Lives Matter -, son passé de procureure est désormais l’un de ses principaux atouts. La démocrate en a bien conscience puisque, dès l’annonce de sa candidature après le retrait de Joe Biden, elle vendait son profil en ces termes : « Avant d’être élue vice-présidente, j’étais procureure […] Je me suis attaquée à des auteurs de crimes et délits en tous genres. Des prédateurs qui avaient abusé de femmes. Des fraudeurs qui avaient volé des consommateurs. Des tricheurs qui avaient enfreint les règles pour leur propre profit. Donc croyez-moi quand je dis : je connais bien les personnes du genre de Donald Trump. »
Un style de débat hérité du prétoire
Ce passé d’avocate et de procureure se retrouve dans les techniques de débat de la candidate, qui n’a pas peur d’être offensive. Cette ténacité avait fait son succès en tant que sénatrice, en particulier en 2018, lors de son interrogatoire du futur juge de la Cour suprême Brett Kavanaugh, alors auditionné devant le Congrès. Face à l’absence de réponse claire du républicain sur un point en particulier, Kamala Harris avait répété sa question 15 fois.
Dès ses débuts en politique, alors qu’elle visait l’élection au poste de procureur général de San Francisco en 2003, elle s’était démarquée par un style de débat confiant et combatif. Auprès du New York Times, l’un de ses conseillers politiques de l’époque commente : « Elle comprend vraiment qu’il n’y a qu’une seule manière de gérer quelqu’un qui vous attaque, c’est de le frapper plus fort qu’il ne vous frappe. Elle est à la fois très féroce et très disciplinée. »
Sa maxime durant ses années comme procureure ? Ne jamais laisser le camp adverse vous intimider. Une approche qu’elle a conservée dans sa carrière politique nationale. Alors qu’elle était candidate à la vice-présidence de Joe Biden, elle avait su s’imposer face à Mike Pence, son adversaire républicain, empêchant ses interruptions par de simples mais efficaces « Monsieur le vice-président, je parle. »
Un bilan plus si gênant
Reste que son profil de procureure a pu être un poids pour Kamala Harris. En 2020, les États-Unis sont traversés par le mouvement Black Lives Matter à la suite de la mort de George Floyd. La police et le système judiciaire américain sont remis en question. Kamala Harris, elle, est candidate à la primaire démocrate, puis choisie comme colistière par Joe Biden. Mais son bilan à la tête de la justice californienne pose question au sein de la frange la plus à gauche de son parti. On lui reproche notamment d’avoir alimenté un système d’incarcération massif, à travers des mesures punitives contre les parents de jeunes délinquants ou son opposition à la légalisation du cannabis à usage récréatif.
Une ambivalence autour de son passé professionnel qui a totalement disparu de la campagne actuelle, où son expérience comme procureure à San Francisco, puis procureure générale de Californie est constamment mise en avant. Dans un clip intitulé « Fearless » (« sans peur »), son équipe insiste sur les dizaines d’années qu’elle a passées à « mettre des agresseurs en prison ». En août, lors de la convention démocrate, deux de ses anciennes collègues sont venues témoigner sur scène. L’une d’entre elles l’assurait : « Pour Kamala, dans la pratique de la loi, il a toujours été question de protéger les vulnérables et de donner une voix aux victimes. »
« Éliminer pour de bon le méchant ultime »
Ce changement de cap s’explique en partie par un changement dans l’opinion publique outre-Atlantique. Selon une enquête menée en 2023, les Américains n’avaient pas été aussi préoccupés par leur sécurité depuis plus de 30 ans. Les démocrates ont donc tout intérêt à insister sur le profil sécuritaire de leur candidate.
Et il faut ajouter à cela le passif de Donald Trump, un homme qui a notamment été poursuivi pour fraude, agression sexuelle, diffamation ou encore falsification de documents comptables. Face au milliardaire au si lourd pedigree, Kamala Harris incarne la justice. En juillet, la présidente de l’organisation pro-choix Reproductive Freedom for All, Mini Timmaraju, se félicitait ainsi auprès de CNN : « C’est une si belle juxtaposition. Toute sa carrière, elle s’est confrontée à des affaires compliquées et des personnages compliqués, comme Donald Trump. Sa réputation est née du succès qu’elle a eu à mettre les méchants en prison. Et maintenant, elle a l’opportunité d’éliminer pour de bon le méchant ultime. »
Dans la construction de son image, la candidate n’hésite donc plus se présenter comme la « prosecutor for president » (la procureure qui se présente à la présidentielle). D’autant que ce n’est pas seulement au statut de criminel de Trump qu’elle s’attaque ainsi, mais aussi à son mépris pour les faits. Ce qu’elle martèle : « Regardons les faits ». En avril, alors qu’elle n’était encore que la numéro deux du ticket démocrate, elle expliquait à CNN : « L’approche du procureur, c’est vraiment de déconstruire un problème. De présenter et de rappeler aux gens les preuves empiriques qui montrent comment nous en sommes arrivés là. » Elle n’a plus qu’à en fait la démonstration ce mardi face à Donald Trump.
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