Cyberattaques, faux comptes Tiktok... La présidentielle roumaine annulée pour des soupçons d'ingérence russe
La Cour constitutionnelle roumaine a annoncé vendredi 6 décembre dans un communiqué l'annulation de l'élection présidentielle, dont le deuxième tour était prévu dimanche. Et ce, "afin de garantir l'exactitude et la légalité du processus électoral", alors que des soupçons d'ingérence de la Russie sont évoqués.
Selon les informations relayées par Antena 1, la première chaîne TV du pays, cette décision inédite a été prise sur la base de documents déclassifiés jeudi par le Conseil de Défense Suprême du pays (CSAT) qui visent Calin Georgescu, le candidat nationaliste et pro-Poutine arrivé en tête au premier tour, le 24 novembre dernier.
La cour "annule la totalité du processus pour élire le président roumain" et demande à ce que "l'intégralité du processus électoral" recommence, peut-on lire dans le communiqué de l'autorité constitutionnelle.
Le gouvernement doit désormais fixer un nouveau calendrier électoral. Le mandat de l'actuel président, Klaus Iohannis, se terminera le 21 décembre. Après cette date, le poste sera assumé par le président du Sénat selon la Constitution.
Tiktok dans le viseur
Dans les dossiers déclassifiés cette semaine par le CSAT, des documents détaillent des manœuvres de déstabilisation présumées, qui rappellent des techniques employées par la Russie. Par la voix de sa porte-parole de la diplomatie, Maria Zakharova, Moscou a démenti ce jeudi toute implication.
Mis en cause: le réseau social Tiktok, sur lequel le candidat d'extrême droite a fait l'essentiel de sa promotion, notamment grâce au soutien d'influenceurs locaux et l'appui de faux comptes, a lui dit à l'AFP "n'avoir aucune preuve qu'une campagne coordonnée ait eu lieu sur la plateforme à ce jour".
Adepte des théories de complot et admiratif de Donald Trump, Calin Georgescu a bénéficié sur les réseaux sociaux d'une "campagne de promotion agressive, en violation de la législation électorale", d'après les autorités.
Les services secrets ont recensé "25.000 comptes Tiktok" directement associés à la campagne du candidat et devenus "extrêmement actifs deux semaines avant la date du scrutin", selon ces documents.
La Roumanie a par ailleurs détecté plus de 85.000 cyberattaques, "y compris le jour de l'élection", lancées depuis une trentaine de pays et "exploitant les vulnérabilités des systèmes informatiques électoraux" pour déstabiliser le processus. Deux enquêtes ont été ouvertes sur des faits de délits électoraux et blanchiment d'argent, notamment par le parquet anti-corruption.
Les deux candidats en lice dénoncent la décision
Au deuxième tour, Calin Georgescu, qui a recueilli 23% des voix fin novembre, devait affronter Elena Lasconi, la cheffe de file des centristes (19%), arrivée d'une courte tête devant le Premier ministre pro-européen sortant, Marcel Ciolacu.
Elle a "condamné fermement" la "décision illégale" d'un "État roumain bafouant la démocratie" et "conduisant le pays à l'anarchie", estimant dans une vidéo que "le vote aurait dû avoir lieu". Cette candidate autoproclamée "anti-système" remontait dans les sondages.
Le chef du principal parti d'extrême droite AUR, George Simion, a de son côté dénoncé une décision "motivée politiquement", "annulant la volonté du peuple roumain" tout en appelant ses partisans au calme, car "le système doit tomber démocratiquement".
À l'inverse, Marcel Ciolacu a salué sur Facebook la "seule bonne solution" à cette situation. Lundi, la Cour constitutionnelle avait validé les résultats du premier tour après un recomptage.