Crise en Martinique: le quartier de Sainte-Thérèse, épicentre de la colère contre la vie chère
C'est un dossier qui est sûrement déjà sur le bureau de François-Noël Buffet, le nouveau ministre en charge des Outre-mer. Depuis plusieurs jours, la Martinique est en proie à une vague de violence de la part de manifestants qui ont dans leur collimateur le coût de la vie sur l'île. Plusieurs personnes ont été interpellées et certaines placées en garde à vue.
Le mouvement a été initié par le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC). Des violences urbaines ont émaillé les manifestations, causant de nombreuses dégradations dans les rues martiniquaises, amenant à des scènes de pillage. Le commissariat de Fort-de-France a été la cible de coups de feu dans la nuit de vendredi 13 à samedi 14 septembre, sans faire de victimes.
Pour faire face à ces violences, la compagnie de CRS8 a été envoyé en renfort. Et depuis le soir du 18 septembre, des couvre-feux locaux ont été décrétés au Lamentin et à Fort-de-France.
"Moi, j'ai l'impression d'être à Gaza"
Ce vendredi 20 septembre, le préfet Jean-Christophe Bouvier a décrété l'interdiction des "manifestations, attroupements et autres rassemblements revendicatifs" dans quatre communes dont Fort-de-France. Une mesure qui vise à "faire cesser les violences et dégradations commises en réunion, mais aussi les nombreuses entraves à la vie quotidienne et à la liberté de circuler", selon son communiqué.
Malgré ces mesures, le niveau de violence est de plus en plus important sur l'île, plus particulièrement dans le quartier de Sainte-Thérèse, au grand désarroi de certains. Des poteaux électriques ont été découpés, un arrêt de bus a été ravagé par les flammes. Des carcasses de voiture reposent sur les routes où des barrages ont été mis en place par les manifestants.
"On a l'impression d'être dans une zone de guerre donc c'est vraiment effrayant. Autant on comprend la cause sur la vie chère, mais je ne comprends pas les dégradations", témoigne à BFMTV une Martiniquaise.
Un constat partagé par Rosette Jean-Louis, la présidente du comité citoyen du quartier Sainte-Thérèse qui s'alarme de la situation: "Quand vous avez des tirs, des mortiers, des pierres, de la fumée, des grosses explosions, des voitures qui brûlent, vous ne pouvez plus dormir. Moi, j'ai l'impression d'être à Gaza où il y a des militaires et toute sorte d'exactions."
Autre témoin de ces violentes manifestations, Tony qui vit à Sainte-Thérèse depuis plus de 60 ans. Diabétique, il est empêché de prendre son insuline pour la première fois. "Les infirmières n'arrivent pas à arriver ici. On ne peut pas empêcher de soigner les gens malades, bon dieu", s'emporte-t-il devant la caméra de BFMTV.
Une situation qui révolte aussi Émile Gracien, médecin généraliste à Sainte-Thérèse. "Il faut que les professionnels de santé puissent aller librement à leur poste de travail et travailler correctement. Je descendais à mon travail dernièrement et j'ai vu les barrages qui étaient toujours présents. Je leur ai dit que je ne comprenais pas, qu'ils prenaient Sainte-Thérèse en otage. Et là, je me suis fait injurier", raconte-t-il.
Le coût des prix alimentaires 40% plus élevé en Martinique qu'en métropole
Nombreux sont les Martiniquais qui souhaitent le retour au calme même s'ils soutiennent le mouvement contre la vie chère. Selon une étude de l'INSEE, parue en juillet 2023, le coût des produits alimentaires est 40% plus élevé en Martinique qu'en France métropolitaine.
Le RPPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéennes), à l'origine du mouvement social, réclame l'alignement des prix sur ceux de l'hexagone. "Nous sommes Français, nous avons les mêmes cartes d'identité, les mêmes amendes, les mêmes taxes si ce n'est plus, donc on ne comprend pas pourquoi au sujet de l'alimentaire on ne pourrait pas avoir les coûts", s'indignait Rodrigue Petitot, président du RPPRAC, au micro de BFMTV le 18 septembre.
Pour mesurer les écarts de prix, un comparateur a été publié afin de "fournir des informations fiables sur les prix des produits en Martinique, suivre l'évolution des prix de la grande distribution et comparer les prix avec la France hexagonale."
Des négociations sont encore en cours entre l'État, les distributeurs et les collectivités. L'objectif: parvenir à une baisse moyenne de 20% sur le prix de 2.500 produits essentiels. "Dans les prochains jours, une nouvelle table-ronde sera organisée, avec l'ambition, pour tous les acteurs concernés, de présenter le résultat de ces travaux", annonce la préfecture ce samedi dans un communiqué.