Crise des sous-marins: à quoi ressemblera l'appel entre Biden et Macron?

A quoi pourra ressembler l'appel entre Biden et Macron sur l'affaire des sous-marins (Emmanuel Macron et Joe Biden, Photo prise en juin 2021 par Brendan Smialowski, Pool via AP) (Photo: via Associated Press)
A quoi pourra ressembler l'appel entre Biden et Macron sur l'affaire des sous-marins (Emmanuel Macron et Joe Biden, Photo prise en juin 2021 par Brendan Smialowski, Pool via AP) (Photo: via Associated Press)

DIPLOMATIE - Pas une “réconciliation”, mais une “clarification”. L’échange entre Emmanuel Macron et Joe Biden sur la rupture de contrat entre l’Australie et la France doit se tenir ce mercredi 22 septembre. “Ce ne sera pas un échange de réconciliation, mais sera un échange de clarification, parce qu’il y a eu un problème sur le fond et sur la forme”, a expliqué mardi sur France Inter Stéphane Séjournée, conseiller politique du président de la République.

Mais que vont pouvoir se dire les deux présidents dans ce contexte crise diplomatique sans précédent qui a vu la France rappeler pour la première fois son ambassadeur à Washington?

Comme on peut l’imaginer, le ton de la discussion ne risque pas d’être très chaleureux, mais il ne faut pas s’attendre à des esclandres pour autant, diplomatie oblige. Deux options s’offrent au chef de l’État: pousser l’affaire d’État encore plus loin en menaçant de quitter le commandement unifié de l’OTAN, ce qui approfondirait encore la crise ou faire avancer les relations en tentant de trouver une porte de sortie dans laquelle la France pourrait sauver la face.

Une discussion qui promet d’être “très franche”

Alors que Jean-Yves Le Drian évoquait une “rupture majeure de confiance”, une “duplicité” et un “mépris” de la part des États-Unis notamment dans cette “affaire d’État”, Emmanuel Macron, qui ne s’est pas encore exprimé publiquement, fera part de son mécontentement à son homologue et allié. “La discussion va être très franche, pronostique la politologue spécialiste des États-Unis, Marie-Christine Bonzom. Emmanuel Macron devra employer des termes les plus francs possible dans un contexte diplomatique pour bien faire comprendre la gravité de la crise”.

De son côté, Joe Biden qui a assuré vouloir “travailler étroitement avec la France”, tentera de calmer le jeu. “Il va être dans une optique de réconciliation pour tenter d’apaiser les tensions, mais Emmanuel Macron va rester dur, du moins dans un premier temps”, imagine Nicole Bacharan, historienne et politologue spécialiste de la politique américaine.

Leur échange devrait, à priori, dépasser ce stade. “On parle dans les médias de ‘trahison’, comme une histoire de couple, quelque chose de passionnel. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit ici de diplomatie. Ce sont des alliés, des partenaires qui ont leurs propres intérêts, et ils vont s’en tenir à leur rôle. Ainsi, au-delà du mécontentement, ils vont surtout aborder les sujets importants”, veut croire Jean-Eric Branaa, chercheur spécialiste des États-Unis et auteur de la biographie Kamala Harris: l’Amérique du futur (éditions Nouveau Monde) .

Malentendu ou mensonge?

“Dans un premier lieu, il y a un contentieux qu’il va falloir régler lors de cette discussion: la France assure ne pas avoir été prévenue de la rupture du ‘contrat du siècle’ alors que l’Australie et les États-Unis soutiennent qu’elle était au courant. Soit il y a un malentendu, soit il y a quelqu’un qui ment. Ceci doit être élucidé. Toutefois, il se peut que cela reste un non-dit pour le moment”, soulève Marie-Christine Bonzom.

Joe Biden pourrait ensuite évoquer le contexte de la rupture du contrat de sous-marins et s’expliquer. “Il mettra probablement en avant la menace chinoise qui s’est accrue ces dernières années et l’inquiétude grandissante de l’Australie et l’importance du soutien que les États-Unis peuvent lui apporter rapidement”, estime Nicole Bacharan, également auteure du roman Les grands jours qui ont changé l’Amérique (Éditions Perrin).

Devraient être également abordées les modalités de la rupture du contrat. En effet, “la France n’a pas reçu une demande de résiliation écrite comme les clauses du contrat le stipulent”, a relevé Stéphane Séjourné, estimant qu’“il y aura sûrement des compensations au contrat”, ainsi que “des compensations diplomatiques”.

Pour aller plus loin et tenter de dépasser la crise, Emmanuel Macron pourrait demander des éclaircissements sur l’alliance Aukus nouée par les États-Unis avec l’Australie et le Royaume-Uni. “On pourrait imaginer que le président évoque la possibilité d’intégrer la France dans cette alliance. Ou du moins qu’il demande des précisions sur la suite des relations. Joe Biden a dit vouloir “travailler étroitement avec la France”, mais qu’est-ce que ça veut dire? Comment? Sous quelle forme et dans quelles régions? Ce sont des questions qu’ils pourront aborder”, poursuit Marie-Christine Bonzom.

Enfin, pour Jean-Eric Branaa, cette conversation téléphonique pourra être l’occasion pour Emmanuel Macron de réaffirmer la volonté d’indépendance de la France vis-à-vis de Washington. “Je pense qu’il va appuyer sur la question de l’autonomie stratégique européenne dans l’Indopacifique et réaffirmer la volonté de porter la troisième voie sans confrontation dans cette zone. Et je pense que Joe Biden va acquiescer et dire qu’il n’en pense pas moins”, anticipe-t-il. En effet, la perte de “contrat du siècle” fragilise l’influence de la France dans la région et renforce celle des États-Unis qui entend contrer l’influence grandissante de la Chine.

“Ces discussions ne vont pas mener à grand-chose”

Beaucoup de sujets abordés, une blessure à panser et une relation à renouer, mais pour Nicole Bacharan, il ne faut pas trop attendre de cet entretien. “Ces discussions ne vont pas mener à grand-chose, la question sur le poids de la France dans l’Indopacifique va mettre des mois à être discutée”, estime-t-elle. Dans tous les cas, selon elle, les discussions ne devraient pas tourner court.

“La déception de la France est à la mesure de l’enthousiasme qui avait prévalu lors de l’élection de Joe Biden après Donald Trump”, note Marie-Christine Bonzom. Peut-être que le président américain aura l’occasion de se rattraper lors de cet entretien particulièrement attendu.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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