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"On craint une prise d'otages massive": l'ambassadeur de France en Afghanistan raconte la fuite de Kaboul sur BFMTV

David Martinon se confie à BFMTV.  - BFMTV
David Martinon se confie à BFMTV. - BFMTV

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C'était il y a trois mois. Alors que les Américains finalisaient leur départ d'Afghanistan, vingt ans après y avoir posé le pied, les talibans balayaient leur séjour comme un éphémère château de cartes et reprenaient possession du pays, s'emparant même de Kaboul.

Au milieu du chaos, à l'heure où chacun - expatriés, Afghans - cherche à gagner les airs pour quitter l'atmosphère désormais viciée du nouvel "Emirat islamique", l'ambassade de France est la dernière à demeurer ouverte. Le temps d'organiser d'ultimes évacuations. Dans un document exceptionnel que nous diffusons ce lundi, David Martinon, l'ambassadeur de France à Kaboul, a accepté d'évoquer ces circonstances troublées et les tractations avec les talibans.

"Nous sommes obligés de parler avec les talibans car nous sommes déjà dans une zone 'taleb'".

David Martinon ne louvoie pas et confirme sans fard les discussions entreprises avec la milice islamiste.

"Imaginer une sortie non-négociée? Mais on aurait pu être pris sous le feu immédiatement. La sortie doit même être encadrée par les talibans", justifie-t-il. 876450610001_6280868969001

"On craint une prise d'otages massive"

L'arrivée en France, parmi les rescapés, d'un homme lié aux talibans a initié une controverse. Là encore, David Martinon ne se cache pas.

"Il y a 300 ou 400 personnes à l’ambassade à la fin. On ne peut pas les faire sortir sans bus. On a un bus blindé, quelques véhicules blindés pour les policiers d’escorte mais il faut bien sûr faire venir des bus et des chauffeurs de bus. On en fait venir une dizaine mais le responsable taleb nous fait comprendre que les bus n’entreront pas si on ne prend pas sa femme, ses enfants, son frère. Il demande à être évacué. Il demande à partir avec nous", retrace-t-il, achevant:

"Si c’est la condition pour que 300 personnes sortent, bien-sûr qu’il faut le faire. Et ça ne veut pas dire qu’on n’a pas pris nos précautions après."

"Quand les bus arrivent finalement à l’aéroport, on s’occupe du taleb – qui est pris en charge par la DGSE. Il est fouillé, identifié. Une fois que les gens sont vérifiés, ils sont évacués dès que possible", illustre alors le diplomate.

Ni cet appui, ni ces négociations ne fournissent de tranquille sauf-conduit. Ainsi, tout au long de la route ralliant l'ambassade à l'aéroport - cinq petits kilomètres qu'il faudra deux heures pour parcourir -, le personnel de l'ambassade et sa sécurité chemineront la peur au ventre, une frayeur approfondie à chaque ralentissement, à chaque check-point. "On craint un piège, une prise d’otages massive", note ainsi David Martinon. Il n'en sera rien, et les 300 à 400 passagers pourront s'envoler vers Paris.

Article original publié sur BFMTV.com