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La scission de la droite entérinée à l'Assemblée

Thierry Solère, chef de file officieux des députés "constructifs", a annoncé mercredi la création d'un groupe commun avec les centristes de l'UDI à l'Assemblée nationale, actant la scission de la droite au Parlement. /Photo d'archives/REUTERS/Gonzalo Fuentes

PARIS (Reuters) - Thierry Solère, chef de file officieux des "constructifs" à l'Assemblée, a prononcé mercredi le divorce des droites au Parlement en annonçant la création d'un groupe dissident de celui des Républicains (LR) avec l'aide des centristes de l'UDI. Cette rupture, qui était en germe depuis l'élection d'Emmanuel Macron, sépare désormais les députés LR prêts à travailler sous conditions avec le gouvernement et ceux qui préfèrent opter pour une stratégie d'opposition classique. Elle expose par ailleurs les rebelles à une exclusion si le secrétaire général de LR, Bernard Accoyer, finit par mettre à exécution une menace à peine voilée formulée lors d'un bureau politique du parti, en fin de journée. "Nous travaillons à la construction d'un nouveau groupe parlementaire, qui est une nouvelle force parlementaire", a déclaré Thierry Solère lors d'une conférence de presse commune avec le président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde. La démarche "constructive" vise, selon lui, à "accompagner les réformes qui vont dans le bons sens (...), obtenir des inflexions quand il y aura besoin d'obtenir des inflexions et (...) s'opposer quand il y aura besoin de s'opposer". Les fondateurs de ce nouveau groupe refusent donc de se voir comme une simple force d'appoint à la majorité présidentielle et se rangent dans une "opposition libre" et "ouverte au dialogue", selon les mots de Jean-Christophe Lagarde. Dans un premier temps, cette attitude souple vis-à-vis de l'exécutif se traduira pour certains "constructifs" par le vote de la confiance au gouvernement d'Edouard Philippe, début juillet, et pour d'autres par une abstention lors du scrutin. UNE VINGTAINE DE DISSIDENTS LR Les députés issus de LR sont une vingtaine à participer à l'initiative, dont beaucoup d'anciens soutiens de Bruno Le Maire, lui-même entré au gouvernement le mois dernier comme ministre de l'Economie. En y ajoutant les 18 députés de l'UDI, la "nouvelle force parlementaire" baptisée "Les Républicains constructifs, UDI et indépendants" devrait approcher la quarantaine de membres, appelés à se choisir un président mardi prochain. En recrutant des personnalités de LR dans son gouvernement et défendant des positions susceptibles de plaire à droite, par exemple sur la réforme du travail, Emmanuel Macron a réveillé les dissensions profondes qui travaillent depuis toujours cette partie du champ politique. Voilà donc la droite, qui avait tenté de réaliser son unité avec la création de l'UMP en 2002, arrivée à son point d'implosion, que tentent d'éviter les hautes instances de LR. "L'inscription au sein d'un autre groupe que celui des Républicains vaudrait mise à distance de notre famille politique", a dit Bernard Accoyer lors du bureau politique, en présence notamment de l'un des "constructifs" en chef, Jean-Pierre Raffarin. "Il ne s'agit pas de faire de procès à qui que ce soit mais nous incitons fortement nos amis à rester au sein du groupe des Républicains", a ajouté le secrétaire général, selon des propos rapportés à Reuters par un participant. "Il n'y a pas deux droites. Vous avez les supplétifs d'En marche (le parti d'Emmanuel Macron-NDLR) qui se sont regroupés (...) et puis on a ensuite le groupe des Républicains", a pour sa part dédramatisé Christian Jacob, président du groupe LR originel, devant la presse. "OPPORTUNISTES SANS CONVICTION" Dans son histoire récente, le principal parti de droite s'est déjà scindé en deux sous-groupes à l'Assemblée, au plus fort de la guerre entre François Fillon et Jean-François Copé, en 2012-2013, mais la partition s'expliquait alors par une lutte de pouvoir plutôt que par des divergences de fond. L'aventure n'avait alors duré qu'un peu plus d'un mois et demi. Mercredi, les députés LR qui ont conservé leur affiliation d'origine ont reconduit à leur tête Christian Jacob, leur président depuis 2010, qui a battu son seul adversaire, Damien Abad, par 62 voix contre 32. Autrement dit, le groupe LR compte pour l'heure deux fois plus de membres environ que celui des "constructifs". Laurent Wauquiez, qui n'est pas député mais se prépare à jouer un rôle prépondérant dans la reconstruction de son parti après les déconvenues de la présidentielle et des législatives, a prôné mercredi une opposition non "sectaire". "Mais je pense que c'est une profonde erreur de signer a priori un chèque en blanc et au fond abdiquer sa liberté de parole" en votant la confiance au gouvernement, a dit sur BFM TV celui qui incarne l'aile la plus à droite de LR. Eric Ciotti, réélu dimanche dernier dans les Alpes-Maritimes, a pour sa part critiqué sur France 2 les "constructifs", décrits comme des "opportunistes sans conviction". La sécession d'une partie des députés de droite et les débats sur la confiance au gouvernement donnent un avant-goût des enjeux qui attendent Les Républicains dans les mois à venir en vue de la désignation de leur président, en novembre. (Simon Carraud et Emile Picy avec Ingrid Melander, édité par Yves Clarisse)