Crèches People&Baby: "face à l'inertie des pouvoirs publics", Anticor porte plainte

Anticor a déposé une plainte vendredi à Paris pour escroqueries et détournement de fonds publics visant le groupe de crèches privées People&Baby (Dimitar DILKOFF)
Anticor a déposé une plainte vendredi à Paris pour escroqueries et détournement de fonds publics visant le groupe de crèches privées People&Baby (Dimitar DILKOFF)

"Devant l'inertie des pouvoirs publics", l'association Anticor a annoncé mardi avoir porté plainte à Paris pour escroqueries et détournement de fonds publics contre le groupe de crèches privées People&Baby, épinglé dans une enquête du journaliste Victor Castanet.

"Il nous a paru nécessaire d'agir", a expliqué Paul Cassia, président de l'association anticorruption, lors d'une conférence de presse mardi matin à Paris.

"Le point de départ de cette affaire, c'est le livre de Victor Castanet sur la gestion d'une société qui gère des crèches privées", People&Baby, a-t-il poursuivi.

Dans son livre-enquête "Les Ogres" (Flammarion), sorti mi-septembre, le journaliste d'investigation décrivait la "voracité" de certains groupes de crèches privées et en particulier du groupe People&Baby.

"Les pouvoirs publics sont restés taisants" et "pourtant, ce scandale porte sur des questions de maltraitance d'enfants mais aussi de droit du travail", d'après M. Cassia.

L'avocat de l'association, Me Vincent Brengarth, a détaillé les différentes qualifications visées par la plainte s'inscrivant "dans le contexte particulier de ces crèches qui bénéficient (...) d'aides publiques de l'Etat" et de la "carence du nombre de places en crèche".

Anticor accuse d'abord People&Baby de différentes escroqueries et de détournement de fonds publics, notamment celui "de l'allocation versée au titre du chômage partiel" durant l'épidémie de Covid-19, en ayant eu recours à ce dispositif alors que "300 cadres au moins auraient continué à travailler", d'après Me Brengarth.

D'autres infractions sont alléguées, "relatives à la falsification de la présence effective des enfants placés en crèche", ce qui déclenche des aides publiques, ou à une fraude à des aides aux travaux, toujours selon l'avocat.

Enfin, Anticor évoque un possible abus de bien social dans les multiples casquettes de l'ancien fondateur et président Christophe Durieux, qui dirigeait People&Baby mais aussi des sociétés civiles immobilières louant des locaux à des crèches du groupe avec, selon Me Brengarth, des "surfacturations possibles des loyers".

Pour cet avocat, le montant de l'argent détourné serait "de 2,1 millions d'euros a minima, un chiffrage qui ne concerne que la fraude à l'aide au chômage partiel".

"En dépit de la gravité des comportements révélés par Victor Castanet, à ce stade il n'y a toujours pas eu d'auto-saisine de la justice ou d'enquête d'initiative malgré l'ensemble des malversations révélées. Ca nous interroge au plus haut point", a insisté l'avocat, demandant une enquête.

Me Brengarth a dit son espoir d'un élargissement d'une procédure éventuelle à "d'autres opérateurs" de crèches privées "qui peuvent parfaitement être concernés", voire aux "incidences que ces comportements ont pu avoir sur le traitement des enfants".

- "Sans aucun contrôle" -

Pour Inès Bernard, déléguée générale d'Anticor, ces infractions "ont des conséquences démocratiques et sociales parfois extrêmement importantes (...). Se pose la question de l'octroi d'autant de subventions sans aucun contrôle".

A l'heure actuelle, la France compte 460.000 places d'accueil en collectif, dont 50% relèvent des crèches publiques, 27% des crèches privées (Les Petits Chaperons rouges, Babilou, La Maison Bleue, People&Baby...) et 23% des crèches associatives.

Au côté de crèches "de grande qualité, portées par une réflexion pédagogique approfondie", on trouve aussi "des établissements de qualité très dégradée", relevait l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport publié après la mort d'un bébé de 11 mois dans une crèche privée à Lyon en 2022.

Dans un communiqué transmis mi-septembre à l'AFP, People&Baby - dont Christophe Durieux a été évincé au printemps - indiquait que "les pratiques décrites dans l'ouvrage" de Victor Castanet "sont en décalage total avec les valeurs que nous portons aujourd'hui".

La nouvelle direction du groupe affirmait avoir "entamé une transformation profonde" avec un nouveau président et promettait de corriger "sans délai" tout "dysfonctionnement qui pourrait être identifié".

"Des audits indépendants" vont être mis en place et "nous nous engageons à rendre compte de manière transparente des actions mises en œuvre et de leur suivi", ajoutait People&Baby.

gd/mat/sla