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Covid-19 : le voyage d'Emmanuel Macron en Polynésie a-t-il pu aggraver la situation ?

Emmanuel Macron en Polynésie, le 27 juillet 2021

Emmanuel Macron a fait un déplacement du 24 au 27 juillet en Polynésie. Depuis, le taux d'incidence ne cesse de flamber, pour atteindre 1 402 aujourd'hui.

Sur le front du Covid, la Polynésie française est passée d'un extrême à l'autre en un mois. Le 16 juillet, le taux d'incidence était inférieur à 10 cas pour 100 000 habitants. Au 10 août, on enregistre 1 402 cas pour 100 000 habitants. "Un bon bond considérable qui est dû essentiellement au variant Delta", selon Dominique Sorain, haut-commissaire de la République en Polynésie française.

173 personnes malades du Covid-19 sont hospitalisées, dont 28 en réanimation, alors qu’aucun Polynésien n’était hospitalisé pour cause de Covid à la mi-juillet. Que s'est-il passé en un mois pour arriver à une telle situation ? Parmi les évènements notables, la visite du président de la République Emmanuel Macron, en déplacement officiel entre le 24 et le 27 juillet, accompagné d'une délégation et de nombreux journalistes.

"Ce n'est pas sérieux d'un point de vue sanitaire"

Au moment du voyage présidentiel, un peu plus d'un Polynésien sur trois avait reçu au moins une dose de vaccin. "D'un point de vue sanitaire, ce voyage est une bêtise. Se rendre avec une délégation dans un territoire peu vacciné, où le virus circulait peu, en sachant que cela va entrainer des rassemblements importants d'habitants, ce n'est pas sérieux. Je ne sais pas le bénéfice que l'Elysée attendait de ce voyage, mais le risque sanitaire était clairement avéré", pointe Michaël Rochoy, chercheur en épidémiologie.

Pourtant, le déplacement du chef de l'Etat, tout comme l'accès en Polynésie, est strictement encadré d'un point de vue sanitaire. Le site Tahiti tourisme indique qu'un test PCR ou antigénique doit être réalisé dans les 72h avant l'arrivée dans l'archipel, puis un test antigénique est réalisé à l'arrivée à Tahiti.

Les limites du dispositif sanitaire

Un dispositif qui n'est pas sans faille. "On sait que cette durée de 72h ne garantit pas que la personne ne soit pas contagieuse, surtout avec le variant Delta", nous expliquait le docteur Clarisse Audigier-Valette dans le cadre d'un article sur les failles du pass sanitaire.

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Plusieurs études montrent qu'avec le variant Delta, une personne contaminée serait contagieuse deux jours plus tôt qu’avec la souche originelle, donc bien plus rapidement après l'infection. Les Pays-Bas ont par exemple réduit à 24h la durée de validité des tests permettant le pass sanitaire.

Autre limite, concernant la fiabilité des tests antigéniques. En cas de résultat négatif, le résultat est fiable dans 80% des cas avec un test antigénique, alors qu'il est fiable à 95 % avec un test classique. Sans oublier que la vaccination n'empêche pas de transmettre le virus si l'on est malade.

"Ce ne serait pas étonnant qu'il y ait eu des contaminations"

Le déplacement d'Emmanuel Macron a entraîné de nombreux rassemblements. Sur les images tournées sur place, si la délégation et le chef d'Etat portent leur masque, on voit de nombreux Polynésiens se masser pour accueillir Emmanuel Macron, le plus souvent sans masque.

"On sait comment le virus se transmet, il n'y a aucune surprise. Avec un variant Delta beaucoup plus contagieux et avec des rassemblements aussi denses et sans masque, même à l'extérieur, au moins entre les Polynésiens", décrypte Michaël Rochoy, chercheur en épidémiologie.

Les habitants d'une île sans cas de Covid redoutaient cette visite

Exemple ultime des rassemblements autour de la visite présidentielle, sur l'île d'Hiva Oa, où le chef de l'Etat s'est rendu le 25 juillet. Dans cette île de 2 243 habitants, 3 000 personnes sont attendues pour la visite du chef de l'Etat, dont 1 000 venues des autres îles de l’archipel et environ 150 officiels de Tahiti.

Une foule qui faisait craindre aux habitants des conséquences sanitaires, rapportait La1ère, alors que l'île n'enregistrait aucun cas de Covid, comme toutes les îles des Marquises. Le 9 août, soit 14 jours plus tard, le média Tahiti infos rapportait que "le virus touche à présent tous les archipels et de nouvelles îles jusqu'ici indemnes sont à présent touchées".

"Ca peut être un des facteurs déclenchants de la situation actuelle"

"Ce voyage officiel a crée les conditions de la transmission, de manière directe avec des membres de la délégation potentiellement infectés, ou plus sûrement indirecte avec les nombreux rassemblements autour du président. Ça peut être un des facteurs déclenchants, voire même le facteur déclenchant de la situation sanitaire actuelle", détaille Michael Rochoy, chercheur en épidémiologie.

Les autorités sanitaires locales notent une flambée du nombre de nouveaux cas depuis début août. "Le délai entre la visite d'Emmanuel Macron et la flambée du nombre de cas coïncide, avec des contaminations fin juillet qui se propagent au fur et à mesure des personnes rencontrées", poursuit le médecin.

Le rôle du tourisme à prendre en compte

Mais ce voyage présidentiel pourrait bien ne pas être le seul responsable de la situation sanitaire actuelle. "L'afflux de touristes peut aussi avoir entraîné une hausse des contaminations, même si un touriste qui se déplace n'entraîne pas de grand rassemblement comme Emmanuel Macron" relativise le docteur Rochoy, alors que de nombreux américains se pressent dans l'archipel l'été.

Le 18 juillet, la 1ère relayait le taux d'occupation en hausse des hôtels et des pensions de famille en Polynésie, tout en soulignant qu'un cluster de 56 cas avait été relevé. Avant le voyage d'Emmanuel Macron dans l'archipel donc.

Une situation qui pourrait se dégrader dans les semaines à venir, avec la rentrée des classes mercredi. "Ca risque d'être une hécatombe avec des enfants qui ramène le virus à la maison, dans une population très peu vaccinée", craint le docteur Michaël Rochoy.

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