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Variant Delta : comment éviter une reprise de l’épidémie en France ?

La ville de Bolton alerte sur la présence du variant Delta. (AFP)

Sous l'effet du variant Delta, ultra-majoritaire, le Royaume-Uni et le Portugal enregistrent une augmentation du nombre de nouveaux cas quotidiens.

Vu de France, la situation du Portugal et du Royaume-Uni peut inquiéter. Alors que l'Hexagone enregistre une baisse continue du nombre de nouveaux cas, les deux pays font face à un rebond, le Royaume-Uni enregistrant notamment près de 10 000 nouvelles contaminations par jour, et où le taux de reproduction du virus est d'environ 1,2, c'est-à-dire que 10 malades en contaminent 12.

Nouveaux cas de Covid-19 par million d'habitants
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En cause ? Le variant Delta, aussi connu sous le nom de variant indien, qui représente plus de 90% des cas dans ces deux pays, et qui est plus transmissible que le variant Alpha, ou variant anglais. En France, seuls environ 7% des cas seraient dûs au variant Delta.

"Le Royaume-Uni et le Portugal ont fait deux erreurs majeures face au variant Delta"

Si les scientifiques s'accordent à dire que le variant Delta va inexorablement remplacer le variant Alpha car il est plus transmissible, la France peut encore éviter de se retrouver face à une situation comme celle de nos voisins.

Selon Antoine Flahault, le Royaume-Uni et le Portugal ont fait deux erreurs importantes qui explique aujourd'hui leur situation : "Le Royaume-Uni a tardé à mettre une quarantaine obligatoire au retour d'Inde, alors que le variant sévissait sur place. Or, il y a de nombreux voyages entre les deux pays. Cela a contribué à diffuser massivement le variant", remarque l'épidémiologiste.

Le variant Delta arrivé au Portugal avec les touristes britanniques

Quant au Portugal, "le pays a rouvert ses frontières aux Britanniques le 17 mai. Entre la finale de Ligue des Champions entre deux clubs anglais, et les touristes britanniques, cela a contribué à importer le variant Delta, qui circulait outre-Manche, au Portugal", prolonge Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale de l'Université de Genève.

La finale de Ligue des Champions de football, entre Chelsea et Manchester City, était initialement programmée à Istanbul mais a finalement été organisée à Porto, le 29 mai, devant plus de 14 000 spectateurs. Quant aux touristes britanniques, ils représentent le premier marché touristique du Portugal, un pays dont l'économie repose en grande partie sur le tourisme.

Le variant Delta va remplacer Alpha

Voila ce qui pourrait expliquer pourquoi ces deux pays semblent davantage touchés par le variant Delta que les autres pays européens, pour le moment. Un répit qui devrait être de courte durée car, comme le variant britannique a remplacé le variant d'origine cet hiver grâce à une transmissibilité accrue, le variant Delta devrait à son tour remplacer le variant britannique, car lui aussi est plus transmissible.

Pour autant, la France a les moyens d'éviter de se retrouver dans la situation sanitaire du Royaume-Uni, qui a dû reporter la dernière étape du déconfinement d'un mois, ou du Portugal, où la région de Lisbonne a été mise sous cloche le week-end dernier.

"Garder certaines précautions comme le masque à l'école"

"Il faut garder quelques précautions et profiter de l'expérience des pays étrangers. On voit par exemple qu'en Israël, il y a des contaminations via les enfants, il faut donc maintenir le masque à l'école", juge par exemple Michaël Rochoy, chercheur en épidémiologie, qui appelle dès maintenant à anticiper le protocole pour la rentrée de septembre.

La Société Française de Pédiatrie a demandé vendredi dernier que les enfants scolarisés en primaire puissent être dispensés du port du masque à l’école, à l’intérieur comme à l’extérieur pour la fin de l’année scolaire. Une idée rejetée par de nombreux médecins, alors que l'année scolaire s'arrête le 5 juillet.

"Sécuriser les frontières"

Pour Antoine Flahault, les pays européens dont la France ont quatre leviers pour se protéger d'une croissance exponentielle du variant Delta. "II faut sécuriser les frontières, non pas les fermer, mais protéger les zones 'vertes' des zones 'rouges' où les variants circulent dans la population, en instaurant très rapidement des quarantaines strictes à l'entrée. C'est ce qu'il faudrait faire aujourd'hui avec le Portugal, le Royaume-Uni ou encore la Russie", juge l'épidémiologiste.

De retour du Portugal, classé "vert", les voyageurs français doivent aujourd'hui présenter simplement soit un résultat négatif de test PCR ou de test antigénique ; ou une preuve de vaccination, rappelle le site de l'ambassade de France au Portugal. En revanche, le Royaume-Uni est classé "orange" et pour les non-vaccinés, seuls les motifs impérieux permettent d'entrer en France, selon le site du consulat de France à Londres.

"Faire du séquençage et du rétrotracing"

Autre mesure à prendre afin de se prémunir du risque de rebond de l'épidémie, le séquençage et le rétrotracing. "Avec à peine plus de 2 000 nouveaux cas par jour, la France a les moyens de séquencer presque 100% des cas positifs". Une méthode qui permet de déterminer quelle souche du virus est à l'origine de la contagion et donc de connaître la circulation du variant Delta en France.

"Avec 2 000 cas par jour, la France doit faire du rétrotracing, c'est-à-dire remonter toutes les chaînes de transmission depuis la personne positive. En faisant cela, on démantèle les chaînes de transmission qui deviennent de grands clusters, par un isolement efficace", complète Antoine Flahault.

"Être prêts à faire des confinement locaux très courts"

Des mesures qui ne garantissent pas une protection à 100% contre la propagation du variant Delta prévient Antoine Flahault. "En cas d'échec, les autorités de santé devront être conscientes de la situation réelle, grâce au séquençage, et prendre des décisions impopulaires, de confinement local très court par exemple, en cas de flambée épidémique localisée, comme Melbourne l'a fait", illustre l'épidémiologiste.

En février dernier, en plein tournoi de tennis, la ville de Melbourne a décrété un confinement strict de cinq jours pour lutter contre un cluster "hyper infectieux" de contaminations au variant anglais apparu dans un des hôtels ayant servi à la quarantaine de plusieurs joueurs.

"Mettre en place des seuils d'alerte"

"Il faut également mettre en place des seuils d'alerte, avec une incidence à 50 ou 100, à partir duquel des mesures sont automatiquement prises", complète le docteur Michaël Rochoy, alors qu'un seul département est actuellement au-dessus du seuil de 50 : les Landes, où sévit le variant Delta. Un "frein d'urgence" mis en place en Allemagne notamment.

Enfin, rappellent les deux spécialistes que nous avons interrogé, la vaccination reste le meilleur moyen de lutter contre le virus. "Il faut se faire vacciner avec deux doses, dès que possible. Car l'efficacité avec une seule dose est bien moindre face à ce variant qu'avec deux", rappelle Michaël Rochoy. Antoine Flahault met en avant "une course contre-la-montre est lancée entre l'arrivée du variant Delta et la vaccination. Il faut aller chercher les plus fragiles qui n'ont pas encore pu être vaccinés" afin d'éviter une reprise des hospitalisations dans les prochaines semaines. Environ 18% des plus de 75 ans n'ont aujourd'hui reçu aucune dose de vaccin.

Selon une étude écossaise, l'efficacité de deux doses AstraZeneca protège à 81% contre les formes symptomatiques du variant anglais Alpha, et à 61% face au variant Delta. Le vaccin Pfizer est lui efficace respectivement à 92% et 83%.

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