Covid-19 et rebond épidémique : le trouble-fête de la campagne présidentielle ?

Photo d'illustration (JOEL SAGET / AFP)

Depuis plusieurs jours, le nombre de cas de Covid-19 est de nouveau en hausse. De quoi faire craindre un retour de la pandémie ?

Presque deux ans après le début du premier confinement en France, le Covid est passé en arrière plan de l'actualité, balayé par la guerre en Ukraine et la campagne présidentielle. Le 14 mars, l'une des restrictions les plus emblématiques, le port du masque obligatoire en lieu clos, sera levé partout sauf dans les établissements de soins et les transports. Le pass vaccinal ne sera plus demandé qu'à l'entrée des établissements de santé.

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"Se préparer à l'arrivée d'une nouvelle vague"

Pourtant, depuis six jours, le nombre de cas positifs repart à la hausse, avec près de 60 000 cas par jour en moyenne. De quoi faire craindre une nouvelle vague de Covid. "Nous constatons actuellement un rebond, en France, dans les pays qui nous entourent, c'est-à-dire que le Covid ne baisse plus, il augmente même. Au vu des derniers chiffres d'hier c'est 20% d'augmentation", a alerté Olivier Véran ce vendredi. D'autant que si "la charge hospitalière continue de baisser", "le rythme de cette diminution a commencé à se ralentir, donc nous sommes extrêmement vigilants", a poursuivi Olivier Véran.

"Le rebond épidémique existe déjà, la nouvelle vague est inéluctable avec un décalage selon les régions et le retour à l'école après les vacances. On doit se préparer à l'arrivée de ce que j'appelle une septième vague, portée par le sous-variant B.A.2", explique l'épidémiologiste Antoine Flahault, dont le modèle développé à l'Institut de santé globale à Genève prévoit un quasi doublement du nombre de cas quotidiens en une semaine.

"Le gouvernement fait un pari"

Le variant B.A.2, majoritaire en France depuis la fin du mois de février, est à l'origine d'un rebond des cas dans plusieurs pays comme le Danemark. Un sous-variant qui pourrait être 1,5 fois plus transmissible que le variant Omicron d'origine, B.A.1, ce qui explique qu'il soit devenu majoritaire dans l'Hexagone.

"Le gouvernement fait un pari, comme les Danois ou les Anglais notamment, que ce variant n'aura pas un impact sur le système de santé qui nécessite la prise de mesure contraignante pour la population ", analyse Antoine Flahault.

Les seuils pas atteints, l'obligation de port du masque pourtant levée

Dans ce contexte de rebond épidémique voire de nouvelle vague, la décision de lever l'obligation de port du masque en lieu clos dès lundi étonne certains spécialistes, d'autant que les trois seuils annoncés par Olivier Véran pour tout relâcher ne seront pas tous atteints le 14 mars. Le seuil d'incidence de 500 maximum ? Il est aujourd'hui supérieur à 550 et repart à la hausse depuis plusieurs jours.

Autre seuil évoqué, un nombre de patients Covid en soins critiques inférieur à 1500. Si la tendance est à la légère baisse, avec 1928 patients en réanimation le 10 mars, le seuil des 1 500 pourrait ne pas être atteint. Dernier seuil évoqué, un nombre de reproduction inférieur à 1. S'il est aujourd'hui estimé à environ 0,8, la tendance est à la forte hausse depuis la mi-février, lorsqu'il était de 0,56.

Des leviers à disposition avant d'abandonner le masque

"La levée de l'obligation du port du masque va augmenter de manière inutile le nombre de cas, qui est déjà très élevé, et décaler un peu plus dans le temps le retour à une situation meilleure. Avant de lever cette obligation, il reste encore différents leviers qui n'ont pas été totalement utilisés, comme augmenter la vaccination des enfants, ou la troisième dose", observe le docteur Michaël Rochoy, médecin généraliste et cofondateur de stop-postillons.

Selon Santé publique France, 82,6% des plus de 18 ans éligibles ont reçu une dose de rappel, un taux qui monte à 91% des plus de 65 ans éligibles. Chez les enfants, 9,2% des enfants âgés de 10 à 11 ans avaient reçu une première dose de vaccin, et 3,1% pour les 5 à 9 ans.

"Avec la levée du port du masque, la situation des personnes vulnérables me préoccupe"

Si la hausse du nombre de cas ces prochaines semaines semble inévitable, reste à savoir dans quelles proportions elle aura lieu. Selon les projections de l'Institut Pasteur sur les conséquences du relâchement des mesures, dans la pire des hypothèses, le maximum de nouveaux cas quotidiens n’excéderait pas 170 000 cas quotidiens.

"Ce qui me préoccupe avec la levée de l'obligation du port du masque ce n'est pas tant la hausse du nombre de cas que la situation des personnes vulnérables. Aujourd'hui elles sont protégées par le port du masque de chacun, qui diminue la charge virale à laquelle elles sont exposées. Avec la fin de l'obligation, elles seront exposées à une charge virale plus importante. Or, on sait que la gravité des cas est liée à la charge virale", s'inquiète Antoine Flahault, qui voit dans le levée de l'obligation du masque une mesure prise "à contre-temps".

De nombreuses inconnues

"À 500 000 cas par jour, on enregistrait environ 300 décès quotidiens. Est-ce qu'on peut tolérer plusieurs dizaines de décès chaque jour en échange de la levée de l'obligation du masque en intérieur ?", feint de s'interroger Michaël Rochoy. "Lever cette obligation à près de 60 000 cas par jour n'est pas une bonne idée, c'est évident", tranche le médecin.

D'autant que les projections de Pasteur, qui ne vont pas au-delà du 1er avril, sont soumises à une inconnue de taille : la durée de l'immunité après une infection à Omicron. Si celle-ci est faible, les réinfections pourraient être nombreuses.

Le Covid-19, invité de dernière minute de la présidentielle ?

"Quand je vois la situation au Danemark, où B.A 2 est devenu majoritaire avant la France, faire face à une mortalité sans précédent, tout comme la Corée du Sud, où B.A 2 se propage, alors que les taux de vaccination y sont comparables à la France, cela fait penser que B.A 2 n'est peut-être pas aussi bénin que cela, avec peut être une sévérité décalée dans le temps", suggère Antoine Flahault.

Un alarmiste tempéré par les autorités danoises, qui, pour expliquer cette mortalité inédite, explique qu'elle englobe les hospitalisations et les décès "pour" et "avec" Covid. Les autopsies réalisées en Allemagne sur les décès d'avril 2020 révèle que le Covid-19 est la cause directe de 86% des décès de patients infectés.

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À moins de 30 jours du premier tour de l'élection présidentielle, le Covid pourrait s'inviter au coeur de la campagne, avec une nouvelle vague qui pourrait être importante au mois d'avril. Le premier tour des élections municipales, le 15 mars 2020, avait entraîné une surmortalité chez les électeurs âgés, selon une étude. Une époque sans vaccin, ni masque.

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